Ma vie de LGBT / Parents LGBT

Être parent, peut-être, un jour ? Ce que disent vos témoignages…


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La question de la parentalité apparaît fréquemment dans les témoignages que vous nous envoyez. La découverte d’une orientation sexuelle ou d’une identité de genre “différente” peut-être la remise en cause de schémas de vie qu’on s’était imaginé petit-e et qui, soudain, ne sont plus aussi évidents. Camille par exemple a découvert son attirance pour les garçons avec beaucoup de peur, notamment parce qu’il avait projeté une vie assez classique : “j’imaginais avoir une famille nombreuse avec des enfants qui seraient les miens, avec ma propre femme, etc.” et que cela bouleversait tout. Pour Guillaume, ce n’était pas quelque chose auquel il pouvait renoncer :

Je meurs d’envie de me marier un jour et d’avoir des gosses, pas en réaction aux propos que j’ai entendu mais parce que c’est bel et bien le sens de la vie pour moi, qu’on ne peut rien faire de plus beau qu’élever un enfant, si possible à deux.

Dans notre société hétérocentrée, être marié-e et avoir des enfants semble être parfois un passage obligé, comme l’exprime C. dans son témoignage :

J’ai refoulé consciemment qui j’étais par peur, honte. Pour être comme tout le monde, ne pas avoir peur du regard de mes parents, pour ne pas être regardée différemment, avoir un mari, des enfants, une vie simple sans problème

On ne sait pas si elle exprime ici son propre désir, ou juste son souhait d’être conforme. Savoir faire un pas de côté par rapport aux normes sociales est souvent un rude apprentissage pour les jeunes LGBT+.

Parce que ce désir d’enfants est authentiquement le leur, certain-e-s réussissent rapidement à projeter cet idéal de vie dans un couple homosexuel, comme Laure (non publié) : “Mais j’ai enfin compris […], que c’était les filles que j’aimais. Et que si un jour je devais envisager de me marier et d’avoir des enfants, ce serait avec une femme”, ou comme Yacine : “je veux de la stabilité, je veux me marier un jour, je veux avoir des enfants ! Oui aujourd’hui c’est possible !”. Pour d’autres, cela peut être beaucoup plus difficile à envisager. D’une certaine façon l’avenir s’écroule, et il faut du temps pour envisager la construction d’une vie un peu éloignée des schémas classiques. Raphaël a mis quelques années à prendre ses distances avec ce qu’il pensait être son chemin tout tracé :

Entre mes 14 et 17 ans, je souhaitais faire comme tout le monde puis à cette époque, je n’acceptais pas le fait de pouvoir être comme ça. Enfin du moins, je voulais être vu comme une personne “normale” car je souhaitais me marier et avoir des enfants mais aujourd’hui je me rends compte que c’était un peu stupide.

Pour Billy (non publié) en revanche, c’est très difficile car il est convaincu qu’être gay implique de tirer une croix définitive sur la parentalité : “La discussion a naturellement dévié sur mon “problème” et on a parlé deux heures durant. Je prenais conscience de pleins de choses. Je n’aurai jamais une vie normale. Je n’aurai jamais d’enfants. Et j’en ai toujours voulu.” Nous essaierons, dans la suite de l’article, de vous montrer que ce n’est heureusement pas aussi systématique que ça.

Ce qui pèse à la majorité d’entre vous, ce sont les réactions (réelles ou supposées) de vos propres parents. Le coming out est souvent l’occasion de devoir répondre à beaucoup de questions, dont certaines sont malheureusement le reflet de préjugés infondés mais tenaces sur les LGBT+ : pas d’épanouissement en couple, pas de vie de famille stable, etc.

Mais surtout, ce qui est à l’origine de bien des craintes, c’est de décevoir ses parents ou de briser leurs rêves. Là-dessus, la pression peut être trop forte, et surtout injuste : on ne devrait pas faire des enfants pour les obliger à suivre une voie ! Les rêves de vos parents n’ont pas forcément à concorder avec les vôtres et c’est ainsi : aimer et respecter ses parents ne signifie pas s’oublier soi-même. Hélas certains parents ne réalisent pas à quel point leurs paroles peuvent être culpabilisantes, comme la maman de Clémence :

C’est très vite devenu un enfer avec ma mère. Elle a appris mon homosexualité par un message que ma tante lui a envoyé. Elle m’a reproché de ne pas avoir su lui avouer seule et aussi qu’elle n’aura pas de petit-fils.

C’est important de savoir prendre du recul par rapport à l’envie assez naturelle qu’on a de vouloir faire plaisir à ses parents, comme a réussi à le faire M. lors de son coming out à sa mère: “elle m’a dit que de toute façon elle m’aimerait quoi qu’il arrive, même si elle préférerait avoir des petits-enfants, un gendre, etc. Je n’ai pas répondu à cela, je lui ai dit que je comprenais, mais que j’étais heureuse comme ça”.

Même sans forte pression, les questions anodines peuvent mettre mal à l’aise, comme l’a vécu Florent avec cette remarque sexiste de son père: “Ma mère, parfois mon père, me posent souvent la question de savoir quand je vais ramener “une bonne amie” à la maison. Ou alors c’est la remarque sur de probables futurs petits-enfants “Surtout ne me fais jamais une petite-fille“. Le fait est qu’il est fort peu probable que je lui fasse un quelconque petit-enfant : je suis bisexuel, certes, mais avec une attirance plus prononcée pour les garçons”. Les propos maladroits des parents peuvent être la marque de leur propre inquiétude, comme chez la maman d’Alexia :

Ma mère continuait à faire des remarques telles que “quand tu auras des enfants…. ou pas ! blablabla”. A force de lui avoir dit que je n’étais pas stérile pour autant et que si je voulais être mère je le pourrais, elle a fini par arrêter.

Dans ces cas-là, ouvrir le dialogue peut permettre de mettre fin aux allusions lourdingues. La mère d’Anthony a eu une réaction plus positive : “J’ai passé des nuits à me poser des centaines de questions. Ma principale insatisfaction était pour moi de détruire les rêves de ma maman : être grand-mère, etc. […] Je me souviendrai toute ma vie de ce message de soutien qu’elle m’a renvoyé : qu’être mère, ce n’est pas de juger les choix, les décisions, ni même l’orientation sexuelle de son enfant ; mais de toujours être là pour lui, car son bonheur est la principale satisfaction d’une mère !

En bref, que vous portiez ou pas cette envie de parentalité en vous, nous souhaitons ici vous montrer que oui être lesbienne, gay, bi-e ou trans et avoir des enfants, ce n’est pas toujours simple, mais c’est possible et ça existe ! Une fois cela dit, vous aurez de quoi répondre à celles et ceux qui vous questionnent à ce sujet, et puis… à vous de jouer pour faire les choix qui vous correspondent vraiment !