Une relation douloureuse et culpabilisante


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J’ai 19 ans et j’ai fini l’école en juin. Actuellement je recherche un travail de secrétaire médicale. Il y a deux ans de ça, j’ai découvert mon homosexualité. J’ai eu du mal à en parler mais j’ai trouvé une personne en qui je peux avoir totalement confiance car lui-même est gay. J’habite dans le Nord-Pas-de-Calais, mais je ne me mélange très peu aux gens de peur d’être jugée. Je me suis juste inscrite sur un site de rencontre, ce qui me permet de parler sans que l’on me voie.

Rapidement j’ai prévenu mes parents afin de pouvoir vivre librement. Je dépends d’eux encore hélas, que ce soit financièrement mais aussi sur le fait que lorsque je veux me déplacer il me faut quelqu’un (je n’ai pas encore les moyens de me payer le permis). Mes parents n’ont pas du tout réagi pareil. Mon père est au courant et d’ailleurs hier je lui ai présenté ma copine : il l’a très bien pris et m’a dit que le principal c’est que je sois heureuse.

En revanche, c’est très vite devenu un enfer avec ma mère. Elle a appris mon homosexualité par un message que ma tante lui a envoyé. Elle m’a reproché de ne pas avoir su lui avouer seule et aussi qu’elle n’aura pas de petit-fils. Elle a commencé à me faire des reproches de toutes sortes et à surveiller toute ma vie. Elle surveille mes gestes, notamment lorsque je suis sur mon ordinateur.
D’un autre côté, elle ne veut pas entendre parler de mon homosexualité et je ne veux pas la forcer sur ce point : d’un côté je comprends qu’elle ait du mal à accepter car je suis sa seule fille (j’ai deux frères). Je ne veux pas embêter ma mère – car elle vient de perdre son père, donc elle-même n’est pas bien.

Elle m’empêche de vivre la relation que j’ai avec ma copine bien que je ne l’ai même pas mise au courant de notre histoire. Lorsque je veux aller voir ma copine, ma mère s’arrange pour que je ne puisse pas sortir : par exemple en trouvant pour excuse qu’il faut que je l’aide à nettoyer la maison ou autre.

J’aimerais avoir de l’aide pour que je puisse enfin avoir une vie “normale” : je tombe de plus en plus dans la dépression et ça ne peut plus durer. Je ne veux pas faire endurer cette situation à ma copine plus longtemps. J’espère vraiment que vous pourriez m’aider avant qu’il n’arrive quelque chose de grave. Ce que j’aimerais vraiment ce sont des conseils pour que ma mère accepte ce que je suis et surtout qu’elle accepte de connaître ma copine.

Témoignage reçu en août 2010

Le commentaire de C'est comme ça

Globalement, nous avons le sentiment en te lisant que ta mère te met souvent en situation de te sentir coupable. Peut-être n'agit-elle pas ainsi délibérément, mais cela n'en demeure pas moins un problème : elle te "reproche" de ne pas avoir su lui "avouer" ton homosexualité ; elle pèse sur toi en surveillant tes faits et gestes ; de ton côté, tu mets en avant le fait que tu es "sa seule fille" ; tu ne veux pas l' "embêter" ni la "forcer" ; la question du chagrin de ta mère d'avoir perdu son père est mélangée avec le fait que tu aimes les filles (mais quel est le rapport entre les deux sujets ?).
Il y a un point qui allège la situation : ton père t'accepte comme tu es. Nous en sommes très heureux.
Aspect essentiel à nos yeux, on n'avoue pas son homosexualité. On ne choisit pas d'être homo, donc il n'y a aucune dimension morale là-dedans, aucune faute. Ensuite, tes amours relèvent de ta vie privée, et c'est ton droit le plus strict de ne pas en avoir parlé à ta mère si tu ne le souhaitais pas. Plus généralement, nul n'a le droit de te reprocher de ne pas en parler, comme tout aspect de ta vie privée.
Sur la question des petits-enfants : à C’est comme ça, nous avons tendance à penser que des parents donnant la vie à un enfant, c'est un acte d'amour, un don. Ce n'est pas un prêt sur gage dont on attend les intérêts quelques dizaines d'années plus tard sous la forme de petits enfants. Sinon, c’est un poids très lourd qu'on fait peser sur ses enfants (quelle que soit leur orientation sexuelle, d’ailleurs). En outre, est-ce qu'on vit sa vie pour donner des petits enfants à nos parents ? Est-ce que notre vie doit être dévouée à leur faire plaisir sans tenir compte aussi de ce qui nous rend heureux nous ? Il nous semble donc très important de ne pas ressentir de culpabilité à ce sujet. D’un autre côté, de nombreuses filles qui aiment les filles ont des enfants de toutes façons (par différents moyens).
En définitive, nous pensons en te lisant que ta mère t’a mise dans une situation très fortement culpabilisante, au point que tu acceptes toutes les interdictions (de parler, de sortir) qu'elle te met. Et cela alors même que tu es majeure, en plus... Par ailleurs, elle s'autorise à te surveiller. Quand des parents veulent contrôler la vie intime d'un-e adolescent-e de 14-15 ans (en lisant ses mails, son journal intime, en écoutant ses conversations, etc.), c’est déjà un gros souci. Mais là, il faut dire qu’il existe des lois en France qui protègent la vie privée des personnes adultes (d'ailleurs on parle d' "atteintes à la vie privée" et ça peut être puni.)
Nous comprenons très bien que tu te sentes dépendante d'elle, mais ce n'est pas une raison pour la laisser continuer à avoir des comportements intrusifs dans ta vie privée. Ce que tu décris ressemble à ce qu'on appelle un harcèlement moral : une attitude de ce genre crée chez la personne qui en est victime de l'anxiété, des sentiments de déprime, ça peut être grave à la longue.
Il nous semble important que tu trouves des moyens pour ne plus te laisser culpabiliser (déjà en réalisant ce qui se passe). Par ailleurs, il serait utile que tu mettes des limites : tu n’as pas à être surveillée (ne serait-ce que parce que tu es majeure) et tu n’es pas à disposition en permanence et en toutes circonstances pour des tâches familiales. Mettre des limites, ce n'est pas aimer moins ses parents. C'est simplement replacer cet amour dans les limites du raisonnable, du respect de l'autre, toutes choses qui permettent à l'amour entre parents et enfants d'être vivable et heureux.
Après, à l’égard d'autres personnes, tu écris que tu as peur que l'on te juge, et que sur les sites de rencontre tu parles sans que l'on te voie. Il me semble pourtant qu'il y a des lieux où tu pourrais être acceptée sans être jugée.
Dans ta région, en particulier à Lille, il y a plusieurs groupes qui pourraient t'aider :
- déjà, il y a le Centre gay et lesbien de Lille, où tu trouveras sans doute des gens auxquels parler, des contacts de personnes vivant plus près de chez toi, etc. Et si tu ne peux pas te déplacer dans un premier temps, tu peux déjà prendre contact avec eux (03 20 52 28 68 ou par mail) ;
- l'association Contact travaille elle pour rapprocher les enfants homos de leurs parents ; ils ont une antenne à Mons en Baroeul (ils font une permanence téléphonique les mercredis de 20 à 22h et les vendredis de 15h à 17h et de 20h à 22h, au 03 20 56 68 04 ; ils font aussi un accueil à la Maison de la Médiation et du Citoyen - Mairie de Lille, place Salengro - les vendredis de 10 à 12h ; enfin ils ont aussi un site web et une adresse mail. (contnpdc@free.fr).

La réponse de Clémence* à notre message

Je voulais vraiment vous remercier : j'ai pris pas mal de recul et vos mail m’ont beaucoup remonté le moral.
Nous avons décidé ma copine et moi d'avancer ensemble dans la vie, notamment je cherche activement un travail qui par la suite pourra me conduire à partager un appartement avec elle. Je vais essayer d'aller sur Lille : je pense que la distance va faire réfléchir ma mère et va surement nous rapprocher. Je me sens motivée pour avancer dans la vie comme je le souhaite et non comme ma mère le voudrait.

Pour témoigner sur le site de C'est comme ça,
vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
Attention à bien lire la charte des témoignages avant de nous écrire.