Moi ? Homo ?


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Bonjour à toutes et à tous. Je m’appelle Alexia*, j’ai 21 ans et j’aime les femmes.

Tout a commencé lorsque je suis arrivée à l’école primaire. J’avais beaucoup “d’amoureux” à l’époque, et cela me plaisait d’avoir des prétendants et d’avoir le “choix” en quelque sorte, mais malgré tout, je regardais beaucoup les filles qui m’entouraient, sans vraiment savoir pourquoi.
Le temps avança et ce fût l’époque du collège. A ce moment-là, j’avais les cheveux plutôt courts, sans être trop masculine pour autant. Lors de vacances à la plage alors que j’avais à peu près 11 ans, une jolie fille (d’après mes souvenirs) m’a prise pour un garçon. Je ne lui ai jamais dit qu’elle se trompait totalement, ce qui m’a permis d’avoir ma première amoureuse durant 1 semaine ! Il ne s’est rien passé de physique entre nous, il me semble, mais je suis sentie “à ma place” durant cette semaine.

Retour au collège, en classe de 3ème. Depuis la 6ème, j’en pinçais pour une fille sans vraiment m’en rendre compte. Je voulais toujours lui faire plaisir, j’étais contente lorsqu’elle me souriait dans le couloir ou pire, lorsqu’elle me prêtait juste un crayon… La honte ! Durant cette année scolaire, l’une des filles de ma classe m’avait demandé devant toute la classe si j’étais lesbienne. A l’époque je ne savais même pas ce que cela signifiait (et oui, pas très cultivée la fille!..) du coup ma réponse a été rapide et sans réflexion aucune : non.

Par la suite, j’ai poursuivi mes études dans l’enseignement technologique (baccalauréat STI). Comme tout le monde s’en doute, c’est une filière ou il y a plus de garçons que de filles. Lorsque je l’appris, j’en fus plus qu’enchantée, étant donné que je me suis toujours mieux entendue avec la gent masculine, trouvant les filles “trop compliquées”.

Arrivée en seconde, nous étions seulement deux filles dans une classe de 30 élèves. Autant vous dire que le courant est vite passé lorsqu’il fallait s’entraider pour “survivre” dans la jungle des garçons de la filière technique. Arrivées en fin d’année, elle et moi devions faire un choix quant à la filière à prendre pour l’année suivante. Après en avoir discuté toutes les deux, nous nous sommes mises d’accord pour faire un bac ensemble.

L’année de la première, nous nous sommes donc retrouvées ensemble dans la même classe. Nous étions à nouveau les deux seules filles de la classe mais les garçons n’étaient pas les mêmes. Cette année-là a été spécialement pénible pour moi, car c’est à ce moment que j’ai vraiment réalisé mon attirance pour les filles et plus particulièrement pour ma binôme, que nous nommerons Camille. À partir du moment où j’ai eu ce déclic, j’ai bêtement pris peur et ai tout fait pour l’éviter le plus possible dans l’espoir que mes sentiments pour elle changent. Je me suis rapidement mise avec un garçon (avec autant de facilité qu’au primaire, à mon grand étonnement), mais bien entendu cela n’avait rien changé à mon “problème”. Au fur et à mesure, je me suis à nouveau rapprochée d’elle, tout en essayant de refouler mes sentiments mais autant vous dire que ce fut très difficile.
Les mois se sont finalement écoulés avec une lenteur extrême pour moi, et nous nous sommes à nouveau retrouvées ensemble en terminale. L’année passa tranquillement et sans trop de problèmes particuliers jusqu’au moment où, au début du cours de sport, Camille vint vers moi pour m’annoncer : “Au fait Alex, je voudrais te parler de quelque chose.. J’espère que tu ne vas pas prendre peur ou je ne sais pas quoi mais … Tu vois qui est Laure? La blonde… Eh bien, je suis amoureuse d’elle… Ne prend pas peur hein ! Je ne vais pas te sauter dessus.” À cette annonce, autant vous dire que j’étais vraiment mal. Ne pas me sauter dessus ? Si elle avait su que ça faisait un an que j’y pensais, c’est elle qui aurait eu peur.

Quelques semaines se sont écoulées et je n’ai pas pu tenir ma langue plus longtemps. Je lui ai donc expliqué pourquoi j’étais si distante avec elle l’année précédente, et lui ai ainsi fait part de mes sentiments. Apparemment cela ne lui a fait ni chaud ni froid étant donné qu’elle ne faisait que parler de Laure…. “Tu la trouves comment Laure? Elle est mignonne hein ?“. Vous imaginez la déprime…

Suite au bac, j’ai décidé de prendre un peu de recul par rapport à elle. Je suis donc allée en DUT dans une autre ville pendant qu’elle poursuivait ses études dans notre ville natale. Là encore, j’ai eu un franc succès auprès des garçons, mais ça m’était totalement égal. Je continuais à voir Camille de temps en temps mais c’était devenu de moins en moins fréquent. Vers le milieu de l’année, elle se trouva une copine, avec qui elle emménagea vers la fin de l’année. Et moi? Moi j’attendais patiemment de trouver l’âme sœur en ne disant mot de mon mal être. Je me mis même à me demander si Camille était réellement au courant de mes sentiments… Non sans mal, je réussis à l’éloigner peu à peu de mon cœur, pour l’en enlever finalement totalement. En tout cas, c’était l’illusion dans laquelle je me berçais jour après jour. Ayant mon année en poche, je décidai finalement de me réorienter afin d’effectuer un BTS dans ma ville natale. Qui ne retrouvai-je pas dans mon lycée? Camille, bien sûr…

Elle aussi avait décidé de changer de voie et de se lancer dans un BTS. Heureusement pour moi, elle le fit en alternance alors que j’étais en formation continue. Alors qu’elle était toujours avec sa petite amie, je me suis mise avec un garçon de ma classe (et oui ! j’ai fini par céder finalement) et c’est avec lui que j’ai perdu ma virginité… Pas terrible pour une personne attirée par les filles ! J’ai tout de suite remarqué que quelque chose n’allait pas. Mais il m’était plus facile de me définir comme étant bi plutôt que lesbienne. Je suis restée quasiment un an avec ce garçon et j’ai toujours eu de bons contacts avec lui. Lors de notre rupture, je lui ai expliqué mon attirance pour les filles et il m’a toujours soutenue et même encouragée à suivre mon cœur. J’ai eu beaucoup de chance de le connaître et c’est quelque chose que je n’oublierai pas.

Quelques mois plus tard, Camille redevint célibataire et c’est à ce moment-là que j’ai décidé de “faire le grand plongeon”.  Et voilà : nous sommes ensemble depuis maintenant quasiment un an et demi et tout se passe bien ! Elle m’a fait découvrir le monde gay et lesbien (les différentes boîtes et bars de la ville, les soirées entre filles, les gay pride) et grâce à cela, je me sens vraiment moi-même et entière.

J’ai fait mon coming out auprès de mes amis et de mes parents. Du coté de mes amis tout s’est bien passé vu que la plupart s’y attendaient ! Par contre pour mes parents c’est une autre histoire. Ils ont accepté que Camille vienne à la maison, mais entre eux c’était relativement froid. Même si ma mère a plusieurs amis gays (elle m’avait bien dit de ne jamais faire de remarques déplacées à leur sujet), j’avais souvent droit à des remarques qui faisaient mal lorsque Camille n’était pas là. Après avoir patienté pendant plus d’un an pour que leur opinion change à propos des homos, j’ai l’impression qu’aujourd’hui mon père se montre beaucoup plus sympathique envers ma copine. Ma mère continuait à faire des remarques telles que “quand tu auras des enfants…. ou pas ! blablabla”. A force de lui avoir dit que je n’étais pas stérile pour autant et que si je voulais être mère je le pourrais, elle a fini par arrêter.

C’est clair que j’aimerais beaucoup que la situation avec mes parents évolue encore dans le bon sens mais je me dis qu’avec le temps ça va sûrement s’arranger !

Témoignage reçu en juillet 2011

Le commentaire de C'est comme ça

Bonsoir Alexia*, Nous te remercions pour ce témoignage qui est d’abord une très belle histoire d’amour : comme quoi les choses du cœur sont rarement simples !
La question que tu poses au sujet de tes parents nous a inspiré différentes remarques. D’abord, concernant leur réaction à l’annonce de ton homosexualité. Il est intéressant de remarquer que même chez des parents a priori "gay friendly", il peut y avoir une réaction au départ négative. Si on lui avait posé la question de façon tout à fait abstraite, ta mère n’aurait peut-être pas imaginé qu’elle aurait réagi de cette façon avant d’être directement concernée par l’homosexualité d’un de ses enfants. C’est un bouleversement important pour les parents, car ils se sont construit pendant des années une idée de leur famille et une image de leur enfant : tout cela est soudain chamboulé, et il leur faudra du temps pour progressivement retrouver un équilibre. À cela s’ajoute la crise que ressentent beaucoup de parents au moment où leur enfant commence à vivre sa vie, construire un couple et bientôt quitter la maison… De quoi les déstabiliser, et cela peut aboutir parfois à des questions un peu maladroites qui t’auront blessée. Mais voilà, ce n’est pas facile d’être parent non plus ! Il y a fort à parier que, comme tu le souhaites, les choses vont s’arranger car vous semblez former une famille soudée et ouverte au dialogue.
Tu nous as parlé aussi de la relation entre tes parents et ton amie. C’est une question compliquée car hélas ce n’est pas parce qu’on aime très fort une personne que nos parents vont forcément l’apprécier aussi. Il faudra compter sur différentes étapes progressives : accepter que l’ami-e vienne à la maison, faire sa connaissance, l’intégrer au fonctionnement de la famille. Au pire les relations resteront distantes ou simplement cordiales, au mieux il pourra se développer un véritable lien d’affection entre belle-fille/gendre et beaux-parents. Cela ne se contrôle pas et peut prendre du temps.
Nous te souhaitons, Alexia, de parvenir à l’équilibre que tu souhaites entre ta vie de famille et ta vie amoureuse. Et nous te remercions de nous avoir écrit !
*  le prénom a été modifié

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