Ma vie de LGBT / Parents LGBT

Interview de Fabien : GPA


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Est-ce que la question de la parentalité était déjà présente à ton esprit lorsque tu étais ado ? Est-ce que ça a été un sujet de réflexion lorsque tu as découvert que tu étais gay ?

Non, très honnêtement, je n’en avais strictement rien à faire d’être parent à cette époque-là. La parentalité relevait d’un impensé total. Lorsque j’ai (très progressivement) découvert (ou plutôt me suis résolu à me dire) que j’étais gay, ma seule envie était de vivre pleinement comme j’étais. J’ai découvert mon homosexualité dans les années 2000 et dans un milieu très conservateur, puisque j’ai fait mon lycée à Versailles, capitale de l’Église la plus conservatrice. Il s’agissait d’abord de s’imaginer socialement en tant qu’homosexuel avant même de s’imaginer fonder une famille.

A quel âge as-tu commencé à y songer ?

J’ai commencé à penser à la parentalité lorsque c’est devenu sérieux avec mon copain. Ca correspond à peu près au moment où je me suis résolu à parler de mon homosexualité à mes parents. A cette époque, le mariage pour tous et toutes n’existait pas encore, même si l’arrivée au pouvoir du PS avait plus ou moins acté que ce serait fait dans le quinquennat. Je me souviens avoir dû rassurer ma mère qui, quand j’ai fait mon coming out, m’a dit qu’elle n’aurait pas de petits-enfants. Non seulement j’ai toujours eu une sœur hétéro, mais surtout, déjà à l’époque, j’avais dit à ma mère qu’être gay ne signifiait pas ne pas avoir d’enfant.

Est-ce que le fait d’être gay t’a découragé ou freiné dans ce projet ?

Découragé, non, mais freiné, oui. Avec mon copain, nous avons d’abord songé à l’adoption. L’adoption par des couples de même sexe est certes possible en théorie en France depuis 2013, mais en réalité très difficile. Il existe très peu d’enfants à l’adoption en France, ce qui est une bonne chose [NDLR : cela signifie que les situations difficiles qui peuvent pousser à l’abandon, comme les grossesses non désirées ou la pauvreté ne sont pas très fréquentes, ce dont on peut se réjouir pour le bien des enfants]. Mais surtout, suite à la loi de 2013, l’immense majorité des pays étrangers ont interdit l’adoption d’enfants par des hommes seuls ou des couples d’hommes. Comble du cynisme, dans certains pays, l’adoption d’enfants par des hommes seuls est uniquement possible pour les enfants de plus de 7 ans ou souffrant d’une maladie très incapacitante.

Est-ce que devenir parent est un parcours compliqué ?

Il ne faut pas se mentir, c’est un parcours compliqué. Face aux difficultés pour adopter, nous avons choisi de nous lancer dans un parcours de GPA aux États-Unis, car le processus dans ce pays était compatible avec nos valeurs et avec notre éthique. Nous nous sommes lancés dans ce projet en 2015… et il n’a pas encore abouti. Autour de nous, la majorité de nos potes hétéros est devenue parent sans vraiment y avoir trop réfléchi à l’avance. Ca peut paraître frustrant, mais je suis assez content de les observer en tant que parents, d’apprendre à mieux comprendre les enfants, de connaître les implications qu’être parent a sur la vie de tous les jours…

Nous avons eu beaucoup de difficultés à rassembler l’argent nécessaire pour réaliser notre parcours de parentalité, mais un accident de la vie a paradoxalement rendu notre projet possible. C’est bizarre, personne ne parle jamais d’argent dans ce type de projet, mais c’est pourtant une condition absolument nécessaire. Certains s’en sortent tout simplement parce qu’ils sont riches ; d’autres font des sacrifices. Pour nous, c’est juste un hasard qui a accéléré les choses.

Aurais-tu un message à passer aux jeunes qui nous lisent ?

Le fait que la parentalité ne soit pas une évidence, un cadeau biologique, nous incite aussi à davantage réfléchir : pourquoi devenir parent, quel type de famille fonder, quel lien de parentalité avec l’enfant, quelle place des autres dans notre famille, quel environnement social pour nos enfants… Ces réflexions sont très importantes (et n’ont d’ailleurs pas forcément besoin d’avoir toutes lieu avant le démarrage du projet !) et vous apporteront tellement de force et de confiance que toutes les hésitations sur le bien-fondé de l’homoparentalité vous paraîtront bien peu crédibles.