1994. Le minitel. Sortie du film La cité de la peur. Le walkman K7. Inauguration du tunnel sous la Manche… Mais aussi, création de SOS homophobie qui ouvre la première ligne d’écoute dédiée aux personnes LGBT victimes de discriminations. Marie, ses 19 ans en poche, arrivait tout juste à Paris. Stéphane avait 17 ans et était un ado solitaire. Isabelle, du haut de ses 15 ans, ne s’imaginait même pas qu’aimer une fille était possible.
À l’occasion des 25 ans de SOS homophobie, remontez le temps avec nous pour découvrir le parcours de jeunes LGBT des années 90.
Isabelle, 15 ans en 1994
Je venais de redoubler la 3e. J’avais un côté garçon manqué, malgré mes cheveux longs et j’étais mal dans ma peau. J’avais essentiellement des amies filles avec qui je passais beaucoup de temps, notamment Julie. (…) Dans mon esprit, je devais me marier avec un homme, trouver un boulot et fonder une famille. J’ai épousé mon meilleur ami avec qui j’ai eu trois enfants. Nous sommes resté·es ensemble 14 ans et j’ai fait mon coming-out à 34 ans.
Thomas, 13 ans en 1994
J’étais un ado plutôt introverti. J’avais déjà bien en tête que j’étais différent des autres garçons de mon âge, mais je n’acceptais pas l’idée que je puisse être homosexuel. J’avais très peu d’ami-e-s et je vivais très mal ma scolarité. Je pensais que je pourrais prendre le contrôle et orienter mes attirances vers les filles. Ma mère m’avait prévenu, avoir un fils homosexuel serait pour elle quelque chose de très difficile à vivre et elle espérait que ça n’arriverait pas.
Solenn, 15 ans en 1994
Timide et mal dans ma peau, j’habitais dans un département rural. Je me sentais différente sans savoir exactement pourquoi et c’était très frustrant car je ne voyais pas à qui en parler. Je ne comprenais pas la fascination de mes copines pour des chanteurs (Patrick Bruel, Roch Voisine, etc) ou des acteurs ‘’trop beaux’’. A part la télé, j’étais très isolée du monde extérieur et il n’y avait absolument pas de diversité autour de moi.
Jean-Luc, 18 ans en 1994
Etudiant en deuxième année de fac à Albi, ce fut une année d’insouciance. Je vivais en bande avec des ami-e-s rencontré-e-s un an plus tôt (…) Je savais parfaitement que j’étais homo mais absolument pas prêt à le vivre. Il m’est arrivé lors de soirées arrosées de draguer quelques garçons sans réelle insistance et aussi de sortir avec des filles sans réelle conviction. Bref, je vivais entre ma réalité et la réalité sociale où il était de bon ton d’avoir quelques copines.
Mickaël, 11 ans en 1994
J’étais en CM2 dans une petite ville de Haute-Loire. Pré-ado assez standard, j’avais quelques copains et copines que je côtoyais exclusivement à l’école et très peu d’activités en dehors. J’ai attendu d’être étudiant, soit 7 ans plus tard, pour commencer à me rendre compte de mes réelles attirances. Je les avais complètement occultées jusque-là pour correspondre inconsciemment au moule hétéronormé.
Véronique, 19 ans en 1994
J’étais bien dans ma peau et curieuse. Je voulais voyager pour découvrir et comprendre le monde, lire les grand-e-s auteur-e-s et étudier la philosophie. J’étais étudiante en Hypokhâgne, en proche banlieue parisienne. Entourée d’ami-e-s, je vivais au sein d’une famille aimante, de gauche, athée et gentiment humaniste. (…) En 94, je vivais mes sentiments pour les filles comme quelque chose de tout à fait normal, bien que singulier.
J’étais complètement introverti, je refoulais complètement qui j’étais et je me noyais dans les études pour ne pas y penser. (…) J’ai compris qui j’étais et appris à l’accepter bien plus tard, j’avais 25 ans. L’interview d’un militant LGBT à la Gay Pride de 2000 a été une révélation. Depuis, je suis en paix avec moi-même et c’est le plus important.
Jena, 16 ans en 1994
J’ai fait mon coming out bi vers 18/20 ans. Mon cercle proche a peu réagi, ce qui était très bien. (…) J’ai assumé ma transidentité bien plus tard, lorsque j’ai rencontré d’autres personnes trans qui m’ont rassurée, j’avais 34 ans. (…) J’avais tellement l’impression d’être seule au monde avec mes questions. C’est l’accès aux bonnes informations, puis aux bonnes personnes, qui m’a permis de mettre les mots sur ce que je vivais, de pouvoir m’affirmer trans, bisexuelle et polyamoureuse.
David, 14 ans en 1994
J’étais un adolescent mûr et discret. J’avais des ami-e-s et étais plutôt bien intégré à ma classe. Toutefois, je sentais que je n’étais pas comme les autres mais je n’avais pas encore mis de mots dessus. (…) Je me suis personnellement déclaré homo à 15 ans. Avec les parents ce fut plus tard, vers 19/20 ans, lors d’un repas.
Alice, 19 ans en 1994
J’étais amoureuse d’une fille depuis mes 13 ans mais la plupart du temps je n’osais même pas y penser. (…) Je cherchais désespérément des infos sur l’homosexualité féminine. S’il y avait vraiment des lesbiennes quelque part, où étaient-elles ? Comment les rencontrer ? Etais-je vraiment lesbienne ?
Guillaume, 16 ans en 1994
J’ai le souvenir d’une période assez heureuse, malgré le décalage qui commençait à se manifester dans ce climat d’éveil à la sexualité (…) Je n’avais aucune conscience de mon homosexualité même si, avec le recul, je me rends compte que j’étais amoureux d’un de mes camarades en 3e.
Mathieu, 17 ans en 1994
Au lycée, j’étais fou amoureux d’une fille de ma classe, mais avec le recul, je me dis que cette attirance me permettait surtout de ne plus me poser trop de questions : les garçons m’attiraient depuis le collège mais je refoulais ces sentiments.