Bonjour! Je m’appelle Clémence**, j’ai quinze ans depuis peu et je suis homosexuelle. Oui, là je le dis, clairement, et dans la vraie vie j’en suis presque au même point. Mais bon, il m’a fallu beaucoup de temps pour en arriver là, et c’est ce long parcours que j’ai envie de raconter…
Je suis née à Reims. Je suis l’aînée d’une fratrie de trois enfants. À l’heure, où j’écris mon petit frère a 13 ans et ma petite sœur 10. J’ai des parents très aimants, très attachés à la famille, et tous les cinq avons vécu très heureux des années durant. D’ailleurs nous sommes toujours très heureux, nous formons vraiment une unité. Petite, je me souviens avoir adoré des filles, souvent plus grandes et plus belles que moi. Je me rappelle notamment d’une fascination dès la petite section pour une fille aux longues tresses blondes qui avait deux ans de plus que moi, ou d’avoir passé des mois à me dire amoureuse d’un garçon alors qu’en fait cela me permettait de penser énormément à sa grande sœur, vers mes 10 ans ! Mais sur le moment je croyais aimer le garçon en question et je ne me posais aucune question. Je n’ai pas eu beaucoup d’amis garçons, plutôt des grandes amitiés exclusives avec des filles. J’étais heureuse, bonne élève, j’aimais ma famille qui me le rendait bien, j’aimais mes amies, les robes, le rose, etc.
Puis je suis arrivée au collège. La sixième et la cinquième ont été des années que j’ai traversées sans me poser aucune question sur rien, sans me rendre compte du regard que les gens avaient sur moi, de leur opinion. J’avais des amies, je travaillais bien, j’étais heureuse. Et en quatrième, alors donc que j’avais 13 ans, une nouvelle est arrivée, la première fille qui a changé ma vie. Nous l’appellerons Dana. C’est une fille excentrique, venue d’un collège de banlieue, extrêmement intelligente et adorable, qui a assez peu confiance en elle mais qui le cache très bien. Je lui ai parlé très vite et nous sommes devenues amies. J’étais alors une petite fille bien sage, un peu intello et très coincée.
Je me souviens du midi qui a tout fait changer. Dana était à table avec des amis à moi et moi, et nous discutions. Je ne sais plus comment, elle nous a dit qu’elle avait déjà embrassé une fille, qu’elle était déjà sortie avec des filles, qu’elle était bie. Je ne me souviens pas du tout des réactions (même si je sais qu’elles n’étaient pas négatives) mais je me souviens d’avoir eu une envie folle et viscérale de l’embrasser. C’était physique et j’ai vraiment dû me retenir de me lever et de contourner la table pour aller l’embrasser. Deux jours plus tard, si mes souvenirs sont bons, je lui demandais de sortir avec moi. Je me souviens que j’étais en cours d’histoire ! Nos amies, à qui nous l’avons dit tout de suite, ont été interloquées, aucune ne me voyait sortir avec une fille.
Et puis le soir même, j’ai paniqué. J’ai réfléchi à ce qu’impliquait de sortir avec elle et j’étais terrifiée, vraiment. C’était un saut dans le vide que je n’étais pas prête à tenter. J’ai envoyé un mail à Dana en lui disant qu’on restait amies. Et je suis sortie avec quelques garçons, sans sentiments réels. Malgré tout j’aimais toujours Dana. Alors nous sommes sorties ensemble, deux fois, trois fois. Mais à chaque fois j’étais mal, j’étais à la fois amoureuse et très mal de me savoir amoureuse d’elle, incapable de trouver un mot pour me décrire, allant jusqu’à dire que nous étions « de meilleures amies s’embrassant parfois »… Hormis mes amies, personne ne le savait et je faisais très attention à ce que personne ne le sache, surtout pas mon frère, alors en sixième !
Lors d’un séjour à l’hôpital, j’ai fait des recherches sur internet, et j’ai trouvé le site C’est comme ça. J’ai lu des dizaines de témoignages sur plein de sites différents, de personnes bies, lesbiennes, etc. J’étais vraiment mal de me savoir amoureuse d’une fille et je n’assumais absolument pas.
Quel a été le déclic ? Je ne sais pas. Mais peu à peu, avec le temps, les dizaines de livres que j’ai lus, j’ai accepté l’idée que j’étais bie. Je suis sortie avec une autre fille que Dana, je l’ai dit à ma meilleure amie d’enfance, qui l’a bien pris. Et puis, surtout, je l’ai dit à ma grande cousine, Emma, qui m’a immédiatement rassurée, dit qu’elle m’aimerait toujours, raconté qu’elle-même était sortie avec des filles, a répondu à toutes mes questions… Et petit à petit, mes amis du collège et quelques autres ont tous su que j’étais bie. Malgré tout mes parents et le reste de ma famille ne le savaient pas. Dana et moi ne sommes plus ensemble, mais nous sommes encore des amies très très proches !
Le déclic suivant, la deuxième fille qui a changé ma vie, s’appelle Arya. C’est une amie de mon meilleur ami d’enfance, Léo. Léo et toute sa famille sont venus dîner chez moi avec cette Arya, son père et une amie à elle, Zelly. Je la connais depuis mars dernier. Entre les deux il s’était passé la longue période où je me disais bie. Arya a un an de moins que moi, nous n’habitons pas dans la même ville, et elle est juste parfaite. Je suis tombée amoureuse dès l’instant où je l’ai vue, et elle est homosexuelle, chose qu’elle m’a tout de suite dite ! Pour Arya, je me suis ordonné d’arrêter de me mentir. Moi aussi, j’étais homosexuelle, je le savais très bien, depuis des mois déjà je me posais la question. Cette fois ci, ça a été beaucoup moins dur de l’admettre qu’avant.
Alors j’ai changé : j’ai dit clairement à tous ceux que j’aimais, tous mes amis, proches ou moins proches, que j’aimais les filles, que j’étais homosexuelle. Tout le monde l’a très bien pris. Restait le plus dur : mes parents, mon frère et ma sœur. Mes parents avaient toujours été tolérants, ouverts, mais j’avais quand même peur de leur réaction. J’avais déjà fait mon coming out à une autre cousine, Adèle, à ma tante qui auparavant avait été en relation longue avec des filles… J’ai dit à ma mère que j’aimais les filles par SMS, pendant qu’un petit que je gardais faisait la sieste. Elle m’a répondu que bien sûr ça ne l’embêtait pas, et en a parlé à Papa. Depuis, nous n’en parlons pas, mais il fait parfois des petites allusions, comme la fois où nous étions avec des amis et que les parents parlaient de mariages entre leurs enfants. Papa a alors dit : « Sinon, soyons modernes, marions Chloé à Luna et Gustav à Luka !« . Autre exemple, lorsqu’un ami à lui me dit que c’est de mon âge d’avoir un copain, il rajoute : « Ou une copine, deux copines, une armée de copines !« . Ma maman fait pareil, elle dit à toutes ses amies que cela ne la gêne nullement. En fait, elle s’en doutait. Il faut dire que j’étais très très pro-mariage pour tous et que je faisais pas mal d’allusions très très gay-friendly ! Ma sœur l’a compris, à force d’allusions. Quand à mon frère, je lui ai un jour dit que j’aimerais bien sortir avec Arya. Sa seule réponse : « Mais, elle habite super loin !« . Voilà comment toute ma famille est au courant ! Je n’ai eu qu’une allusion négative, celle d’un oncle me répétant qu’ils préféreraient « tous » me voir avec un garçon, etc. Mais j’ai décidé de l’ignorer. J’ai coupé mes cheveux. J’assume qui je suis, et je suis très heureuse aujourd’hui. Je suis toujours très amoureuse d’Arya, mais ce n’est pas réciproque… Enfin, je garde espoir !
Je voudrais terminer ce témoignage (un peu long, désolé !) par un message à tous ceux qui me liront : si vous vous posez des questions, ne paniquez pas, on trouve toujours une réponse ! Les amis peuvent beaucoup vous aider, pour ma part ce sont les répondants de C’est comme ca qui m’ont fait énormément avancer !
Un grand merci à tous, et beaucoup d’amour à tous les autres!!
* Traduction possible : Je ne vois que toi
** le prénom a été modifié
Témoignage reçu en août 2014
Pour témoigner sur le site de C'est comme ça,
vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
Attention à bien lire la charte des témoignages avant de nous écrire.