Amour / Coming out / Famille

Un peu de mon histoire et beaucoup d’espoir


Temps de lecture: 9 minutes

Salut tout le monde ! Je m’appelle Lindsey* et j’ai 20 ans. Si vous me lisez, c’est qu’on traverse ou qu’on a traversé des difficultés similaires. Si j’ai voulu écrire ce témoignage, c’est pour vous montrer que vous n’êtes pas seul·e, mais aussi pour vous donner un peu d’espoir.

Pour moi, tout a commencé à la fin du lycée. Jusque-là, je ne m’étais jamais posé de question sur mon orientation sexuelle. Pour moi c’était clair, j’étais hétérosexuelle. Mes parents, comme toute ma famille sont croyants et pratiquants. J’ai toujours entendu que l’homosexualité était quelque chose de contre nature, que ce n’était pas normal. Je n’aurais jamais pensé alors que je me retrouverais dans une situation si compliquée plus tard. Au lycée, j’avais mon groupe d’ami·e·s. Je n’avais eu des relations qu’avec des garçons. Puis, un jour, j’ai commencé à faire des rêves où je me rapprochais de filles, et où j’avais de l’attirance pour elles. Ces rêves sont devenus de plus en plus réguliers. J’ai commencé à me poser beaucoup de questions et à m’interroger. Pourquoi ça m’arrivait ? Pourquoi maintenant alors que tout allait relativement bien dans ma vie ? Soirées entre amies, bonnes notes, aucune raison d’être perturbée par ce qui n’était que des rêves. J’en ai parlé à mes 2/3 amies les plus proches qui m’ont dit que c’était peut-être un signe de quelque chose (oui, on s’est lancé dans des interprétations de rêves, pourquoi pas ?).

Cette période de questionnement a duré plusieurs mois. J’y pensais de plus en plus. J’avais un peu honte, et j’en parlais très peu, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. J’ai alors commencé à regarder des filles dans la cour du lycée que je trouvais jolies, pour voir si ça me faisait quelque chose. Plus le temps passait, et plus il me paraissait possible de n’être pas tout à fait hétéro. Ça m’a fait peur, et pendant longtemps, car je savais que ma famille réagirait très mal à ça. Je ne savais pas comment me sortir de cette situation, alors j’ai essayé de ne plus y penser, avec plus ou moins de succès.

Finalement, lors de ma première année post-bac, j’avais gardé contact avec une de mes amies de lycée, Charlotte*, dont j’étais particulièrement proche. Il n’y avait jamais eu d’ambiguïté entre nous. Elle a déménagé, et lorsque je pouvais, assez régulièrement, j’allais passer des week-ends chez elle. Puis, j’ai commencé à éprouver des choses que je n’avais jamais ressenties avant ce moment-là. J’ai réalisé avec le temps que je ne ressentais plus uniquement de l’amitié envers elle. J’ai voulu le garder pour moi, en me disant que ça allait passer, que c’était juste une très bonne amie. Mais je n’y arrivais pas. À chaque fois que je rentrais d’un week-end chez Charlotte, j’attendais déjà le prochain pour la revoir. Je ressentais de l’ambiguïté de son côté aussi, mais je me disais que je me faisais des idées, et que je n’étais pas objective. Pourtant, elle me demandait des câlins, des papouilles, et elle se rapprochait de moi. Ça me démangeait de plus en plus de lui parler. C’était trop dur de garder ça pour moi, quitte à ce que ça ne mène à rien. Finalement, je me suis décidée à le lui avouer. Ça devenait trop fort, et trop lourd à cacher. Je le lui ai dit lors d’une soirée où nous avions bu. On en a reparlé le lendemain et Charlotte m’a dit qu’elle devait y réfléchir. Je ne voulais pas me faire de faux espoirs, je n’imaginais pas que ça allait forcément être réciproque, mais je me disais qu’elle pouvait ressentir un minimum de choses envers moi car elle n’avait pas dit “non” immédiatement. Quelques jours plus tard, elle m’a dit que ça n’irait pas plus loin entre nous, mais qu’elle voulait qu’on reste amies. Ça m’a beaucoup blessée car j’ai trouvé ça brutal. D’un autre côté, je ne me voyais pas ne plus lui parler à cause d’une histoire de ce genre, donc j’étais contente qu’elle veuille toujours me parler. On a continué et même plus qu’avant. Je trouvais un peu bizarre qu’elle se rapproche encore alors qu’elle venait de me dire qu’elle ne ressentait que de l’amitié pour moi. On s’appelait tous les jours, ce qui était une bonne chose pour moi à l’époque. J’ai réalisé ensuite que c’était plus toxique qu’autre chose. Un jour, Charlotte m’a parlé d’un garçon avec qui elle commençait à bien parler, puis toutes les étapes de leur rapprochement. Ça me faisait mal, mais je me sentais encore importante pour elle. Elle a fini par se mettre en couple avec lui, et elle m’a progressivement oubliée. Ça a été long et douloureux pour moi. Aujourd’hui, deux ans après, ça me fait toujours quelque chose, même si on ne se parle plus, sauf à l’occasion pour les anniversaires. C’est la fille qui m’a vraiment fait réaliser que j’étais bie, et la première fille que j’ai aimée.

Je me suis sentie mal et seule plusieurs mois après. Je ne savais pas quoi faire. J’en ai parlé à mes amies proches, mais je savais que je devais le cacher à mes parents. J’ai commencé à échanger avec mon interlocuteur sur C’est comme ça à cette période. Je suis toujours en contact avec lui et ça me faisait du bien de lui parler. Je me sentais moins seule et plus “normale”. Il m’a conseillé une application — Amino — pour rencontrer des gens LGBTQ dans des situations comme la mienne. Ça m’a permis de pouvoir parler davantage : j’y ai rencontré des personnes avec qui j’ai pu discuter et ça m’a fait beaucoup de bien. J’ai compris que je n’étais pas la seule dans cette situation. Parmi toutes les personnes avec lesquelles j’ai discuté, il y avait Cécile* qui habitait à 400km de chez moi et avec laquelle je m’entendais très bien. Elle m’a parlé de sa situation avec ses parents qui était bien meilleure que la mienne. Ils étaient au courant et l’acceptaient bien. Elle m’a aidé à faire mon coming out auprès de mes amies. Elle m’a aussi parlé d’un projet de volontariat au Sénégal auquel elle allait participer en septembre (quelques mois après notre rencontre virtuelle). Au fur et à mesure de nos conversations, on s’est beaucoup rapprochées. On s’est dit que ce serait sympa de se rencontrer en vrai. Peu importe où ça nous menait, on savait que ce serait pour quelques mois, car après Cécile partait en Afrique. J’y suis donc allée en août, et ça a tout de suite matché entre nous. On a décidé de se mettre ensemble et de voir comment ça se passerait. Si la distance était trop dure, on se séparerait mais au moins on aurait essayé, et on n’aurait pas de regret. J’ai menti à mes parents pour aller chez elle car ils n’auraient jamais accepté. Après tout, on ne s’était jamais vues en vrai. Au final, ces moments chez elle m’ont montré qu’une autre vie que la mienne était possible. Une vie dans laquelle je pouvais être heureuse comme je suis et profiter. Une vie où des parents pouvaient accepter un enfant homosexuel ou bisexuel. Ça a été un déclic.
Après des hauts et des bas, nous avons su trouver un rythme à distance et nous sommes restées ensemble sans nous voir pendant un an. Depuis qu’elle est rentrée (quelques mois), c’est toujours une relation à distance, mais on se voit au moins une fois par mois.

Concernant mes parents, mon père a été le premier au courant. À vrai dire, je préférais ne rien dire et m’en rendre malade, car j’étais terrifiée par leur réaction. Un jour où nous étions seuls tous les deux, mon père a lancé le sujet de façon indirecte, puis j’ai compris qu’il avait deviné. C’était le moment de lui en parler, car je sentais un signe d’ouverture chez lui, je voyais comme un soulagement de ne plus devoir lui mentir. Il m’en a parlé quand il a vu que j’allais mal. Ma copine venait de partir, je venais de reprendre les cours et c’était très dur. Je faisais crise d’angoisse sur crise d’angoisse, et il ne voulait pas me laisser comme ça. Quand je le lui ai confirmé, je me suis effondrée. Il m’a dit qu’il m’aimerait toujours, et que je n’avais pas à m’excuser pour ce que j’étais. Il m’a dit qu’il n’acceptait pas la situation, mais qu’il ne me rejetterait jamais pour ça. Aujourd’hui ça va quand même mieux. Il a rencontré Cécile et il me demande de ses nouvelles de temps en temps. 

Parler à ma mère a été la partie la plus difficile à surmonter. On en a discuté pendant plusieurs mois avec mon père, car je lui avais demandé de garder le secret. Je voulais l’annoncer moi-même. Après plusieurs mois de doutes, et ne sachant pas comment le lui dire, je me suis résolue à lui écrire une lettre dans laquelle je lui annonçais tout et me confiais sincèrement. Mon père était là ce jour-là en cas de “problème”. J’ai vécu la réaction de ma mère comme quelque chose de terrible. Elle a pleuré, elle m’a dit que je lui avais menti, qu’elle ne pourrait plus être heureuse en sachant ça. Elle m’a aussi dit: “que vont penser tes grands-parents quand ils le sauront?” La force de la religion dans ma famille a beaucoup influencé sa réaction selon mon père. Il a essayé de calmer la situation, en vain.
Pendant plusieurs semaines, ma mère ne m’a plus adressé la parole. C’était vraiment dur. Puis, un jour, après avoir discuté avec mon père, elle m’a envoyé un message pour s’excuser, disant qu’elle ferait des efforts. Depuis que je le lui ai dit, je dirais que notre relation a changé. On se dispute beaucoup plus qu’avant. Malgré ses efforts, c’est toujours compliqué et elle n’accepte pas du tout la situation. Quand Cécile vient chez moi, on doit trouver un logement car ma mère ne veut toujours pas la voir. Seulement, depuis quelques mois, elle ne me fait plus la tête quand je vais chez ma copine.
Malgré ces tensions, je suis soulagée de le lui avoir dit, car le mensonge était plus difficile à vivre que la situation conflictuelle que je vis maintenant avec ma mère. Bien sûr, ce n’est pas toujours facile, mais j’ai aussi mes amies et mon père qui me soutiennent. La famille de Cécile me soutient également et m’apprécie beaucoup. Je suis toujours accueillie à bras ouverts chez elle. Ça va bientôt faire deux ans que nous sommes ensemble. 

Pour finir sur une touche positive (je préfère essayer de voir le positif même quand la situation est négative), je pense que se cacher peut nous faire plus de dommages qu’autre chose. Même si vous craignez la réaction de votre famille, de votre entourage, vous ne serez probablement jamais seul·e. Il y aura toujours quelqu’un pour vous écouter, pour vous aider : que ce soit un ami, une tante, un professeur… Même si ça peut mettre longtemps, la situation finit toujours par évoluer, même quand on pense que c’est impossible. Dans tous les cas, n’oubliez jamais que vous n’êtes pas seul·e, et que vous pouvez en parler. C’est le plus important !!

* les prénoms ont été modifiés

Témoignage reçu en mai 2020

Le commentaire de C'est comme ça

Merci Lindsey pour ton beau témoignage et bravo pour ta positivité !

Si comme Lindsey tu ressens le besoin de parler, l’équipe de C’est comme ça te répondra avec plaisir.

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