Questionnements

Six ans de “coma”


Temps de lecture: 4 minutes

Je vais bientôt avoir 22 ans. J’ai besoin de témoigner pour poser des mots et aussi avoir une réponse en retour.

Je crois que j’ai toujours refoulé mon homosexualité. Quand j’avais 15 ans, j’ai remarqué à quel point j’étais attirée par les filles. Surtout une. J’en ai parlé à mon père. Je pensais que c’était définitif. Il l’a plutôt bien pris avant de se raviser. Je me rappelle de phrases du genre “c’est une passe, ça te passera”. Je l’ai compris comme le fait que ce serait plutôt difficile à encaisser. J’ai voulu mettre ça de côté, être comme tout le monde. Je suis sortie avec des garçons qui me plaisaient au début. Des relations qui m’ont fait souffrir. Dernièrement j’ai vécu une relation d’un an et demi, j’étais vraiment amoureuse. Mais quelque chose clochait. Des fois j’avais envie de rester seule, de ne plus être avec lui. Et je ne comprenais pas cette sensation. Je l’aimais je me disais que ça venait de moi, que j’étais parano : je n’ai pas eu une adolescence très drôle alors je pensais que j’étais mal dans ma tête et que c’est ce qui me faisait penser comme ça. Mais avec le recul je pense que je n’étais pas entièrement épanouie. J’ai mal vécu la rupture. Il y a quelques mois, j’ai eu un coup de cœur pour une fille que je vois en cours. Je ne la connais pas mais elle a tout boulerversé. Je pense à elle constamment, j’ai le cœur qui s’emballe, le ventre qui se noue. On dit qu’on ne peut aimer sans connaître la personne. Mais ça me bouleverse. J’ai tellement envie d’être avec elle. Elle a été LE déclic. Puisque je n’ai fais que me poser des questions au fur et à mesure et il y a quelques semaines j’ai pris conscience de ce que je ne voulais pas admettre depuis très longtemps. Je pense vraiment que j’ai refoulé consciemment qui j’étais par peur, honte. Pour être comme tout le monde, ne pas avoir peur du regard de mes parents, pour ne pas être regardée différemment, avoir un mari, des enfants, une vie simple sans problème. Assumer qui on est même en 2016 ça reste compliqué. Avec le recul je pense que j’ai commencé à sortir avec des garçons pour me forcer à être comme la plupart des gens. Mais au fond je n’ai jamais voulu ça, d’ailleurs mes relations ne m’ont jamais satisfaite. À part la dernière, au moins je sais ce que c’est d’aimer vraiment, mais même dans mes rapports il y a quelque chose qui ne collait pas. Je n’aime pas toucher un garçon, ça ne me fait rien. J’aime l’acte en lui même, rien de plus. Alors que rien que l’idée de toucher une fille, je ne réagis pas pareil : je ne serais amoureuse d’une fille que par amour, je serais prête à tout faire. Je trouve le corps des filles bien plus beau. C’est difficile de se dire ça.

J’ai toujours regardé les filles. Il y a quelques jours, j’ai dû me faire violence et me dire que je suis homosexuelle et que c’est comme ça. Je continue quand même à essayer de nier la vérité en me disant peut-être que je me trompe. Mais c’est tellement évident que je ne comprends pas pourquoi je n’ai pas ouvert les yeux plus tôt. Non ce n’est pas “une passe” : j’ai bientôt 22 ans, je ne suis plus une ado. J’ai toujours eu cette petite voix dans ma tête qui me disait : “qu’est-ce que je fous avec un garçon ?“. Maintenant c’est une certitude. Je me suis toujours sentie différente, comme si il y avait quelque chose qui clochait et je pense avoir mis le doigt dessus. Depuis que je me le suis avoué, je me sens apaisée, soulagée, j’ai l’impression d’avoir enlevé un gros poids qui m’empêchait d’avancer. Dernièrement, je n’étais pas très bien avec ce que je ressens pour cette fille, et depuis ce “coming out” à moi même, cette tension a disparu. Je me dis que si je ressens ça, c’est que c’est la vérité et qu’il fallait que j’arrête de me mentir.

Mais ce n’est pas facile à encaisser. J’ai l’impression d’avoir été quelqu’un que je ne suis pas pendant six ans de ma vie, simplement par peur d’assumer qui je suis aux yeux des autres. J’ai l’impression de me réveiller d’un long coma, c’est désagréable à ressentir, j’avoue que j’ai pleuré plusieurs fois.
Et je crois que j’ai peur de pas assumer.

Témoignage reçu en janvier 2016

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