Je m’appelle Laetitia*, j’ai 17 ans et j’ai annoncé hier soir mon attirance pour les filles à mon père. Ma mère et certains de mes proches le savaient déjà. Quand je leur ai annoncé, je me suis sentie d’une part soulagée et d’une part effrayée, mais c’est parti aussi vite que c’est arrivé. Hier, après des semaines des réflexion, je décide de l’annoncer à mon père qui a réagi violemment. Il est venu me parler une petite heure après en disant qu’il ne me rejetterait pas, que je suis sa fille et qu’il m’aimera toujours, mais qu’il allait lui falloir beaucoup de temps pour le “digérer”. C’est compréhensible, puis il m’a aussi dit : “Je l’ai toujours su, mais je ne me le suis jamais avoué, je n’y croyais pas”. Ma mère avait dit pareil…
L’année passée, j’ai rencontré une fille (ouvertement lesbienne) qui m’a bouleversée et, après quelques mois de fréquentation et de flirt, elle est devenue ma copine (on a été ensemble officiellement moins d’une semaine, mais on se fréquentait depuis plus longtemps). Mes parents ne l’ont jamais appréciée, je ne sais vraiment pas pourquoi. Je leur ai toujours dit que c’était juste une amie, mais selon eux, ça se voyait qu’il y avait plus. Ils sont persuadés qu’elle a influencé mes choix et que je me dis lesbienne depuis ma rencontre avec elle. Ce qui est faux ! Si je l’ai fréquentée, c’est que je le voulais. J’étais consciente de mon attirance pour les filles et voilà, je suis tombée amoureuse ! Je ne pense pas que je voulais tester quoi que ce soit (étant donné que je n’avais jamais eu de relation amoureuse avant elle, que ce soit avec un garçon ou une fille). J’ai toujours affirmé mon hétérosexualité à cette fille, ce qui n’était pas vrai, mais je n’assumais juste pas. J’ai réellement pris conscience de mon homosexualité à partir du moment où je l’ai fréquentée, mais ça elle ne le savait pas (ou alors elle ne me l’a jamais dit). Je lui parlais du garçon pour lequel j’avais eu des sentiments vers 12-13 ans mais en fait c’est l’unique fois où un garçon m’a attirée. Ensuite ça n’a été exclusivement que des filles, et depuis toujours, et personne ne le sait. Je trouve certains hommes beaux, mais ça ne va pas plus loin, j’irais même jusqu’à dire que je les vois comme des sortes de “modèles” à mes yeux (et ça, absolument personne ne le sait non plus). J’ai donc pris la décision hier de l’annoncer à mon père. Il n’en revenait pas et encore maintenant il est très bouleversé. Je me sens mal à l’aise, il y a une tension entre nous, c’est malsain. Et pourtant je ne comprends pas, je n’ai rien fais de mal, je n’ai pas commis un meurtre, j’ai juste parlé de quelque chose que je sais depuis presque toujours. Certaines de ses paroles d’hier me tracassent énormément (je cite) :”Je le savais depuis toujours, mais j’y croyais pas. Il y a quelques années, tu étais dingue de ce garçon-là et maintenant tu es pour les filles. On t’a influencée l’année passée, c’est peut-être passager, dans quelques années tu changeras peut-être ?” Il l’a dit d’un air vraiment effondré. Ça m’a tracassée, mais non, je n’ai pas été influencée, et étant donnée l’unique fois où j’ai été attirée par un garçon il y a quelques années, je doute que ce soit passager. Seulement après avoir entendu ça, je me sens “vide”. J’ai cette impression que mon attirance pour les filles est fausse depuis toujours, je n’arrive plus à me projeter dans mon avenir avec une fille (ni avec un garçon). Je me sens vraiment vide, avec plus aucune perspective d’avenir. Je n’arrive plus à accepter mon homosexualité comme je l’acceptais jusqu’hier avant de la lui annoncer. Je suis vraiment tracassée, rien qu’avec ses paroles, je me remets en question, je sais bien que ma remise en question sera longue, mais passagère… Je ne sais plus où donner de la tête, je suis partagée entre mon homosexualité et l’avis de mon père, il m’arrive même de penser que ça ne peut pas être possible, ça ne peut pas m’être “tombé” dessus, que ce n’est pas normal (j’ai horreur de parler comme ça). Peut-être, en effet, j’étais influencée par ma rencontre de l’année passée, peut-être que c’est une passade, je ne sais pas, ou je ne sais plus. Je ne sais plus quoi penser et quoi ressentir, j’ai l’impression que ces paroles ont remises mon orientation en question (il n’y a pas d’homosexualité dans ma famille, paternelle ou maternelle, ni dans mon entourage) ainsi que tous mes idéaux…
Mise à jour
Quelques semaines plus tard, je lui en ai reparlé. Il reste sûr que c’est une passade, mais plus le temps passe et plus je doute que c’en soit une… En ce qui concerne ma mère et mes amis, ma mère fait souvent le lapsus volontaire (malgré que je lui ai confié mon attirance pour les filles il y a quelques mois déjà) de dire : “[…] plus tard avec ton mari et tes enfants.” Ça me refroidit, je ne vous le cache pas. Mes amis, eux, sont très ouverts d’esprits et j’ai leur ai fait mon coming-out il y a plus d’un an, déjà, et mon opinion n’a presque pas évoluée. Mais depuis mon coming-out à mon père, je ressens toujours cette attirance, mais la perçois en assumant beaucoup moins, en me disant qu’en effet, c’est une phase. Je suis étonnée de la réaction de mes parents qui m’ont d’un côté dit “Je l’ai toujours su” et d’un autre côté qui évitent le sujet, le contournent en quelques sortes.On se sait pas toujours ce qu’il va se passer dans l’avenir, il se pourrait que j’éprouve des sentiments pour un garçon, mais j’en doute. Ce que j’ai pu ressentir pour ce garçon il y a quelques années n’a pas été aussi fort que ce que je peux éprouver pour une fille. Je pense pouvoir mieux l’accepter !
Témoignage reçu en novembre 2016, publié en mars 2017
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