Mon nom est Lorelei*, je vais avoir 16 ans le mois prochain. Au moment où j’écris, je suis en classe de seconde au lycée, mais c’est déjà bientôt la fin de l’année scolaire.
J’ai commencé à prendre conscience du fait que mon orientation sexuelle était probablement différente de celle de la majorité des gens en cinquième. A ce moment-là, je suis tombée amoureuse d’une de mes amies. C’était quelque chose que je n’arrivais pas trop à comprendre au début. Je n’ai jamais eu aucune haine ou dégoût envers les personnes homosexuelles, ayant été élevée par des parents tolérants. Mais je n’aurais jamais imaginé que cela allait m’arriver.
Tout d’abord, je me suis posée énormément de questions. Je me demandais pourquoi j’agissais bizarrement avec elle, pourquoi je me sentais si gênée. Tout avait changé entre nous, mes sentiments avaient évolué sans que je puisse les contrôler. Et puis un jour, j’ai réalisé que ça ne pouvait pas être autre chose que de l’amour, tout simplement.
J’ai aimé cette fille durant trois années. Et pendant tout ce temps, je ne le lui ai jamais avoué. En effet, j’ai fait le choix de me taire, par peur de me faire rejeter. J’ai tout de même essayé, à certains moments, de lui faire comprendre subtilement qu’elle me plaisait, et je crois qu’elle avait fini par comprendre ce que je ressentais, mais n’y a jamais vraiment répondu. Le collège a été pour moi une période qui n’a pas été nécessairement simple, car je voulais à tout prix me faire aimer de cette fille, et je n’y suis pas parvenue. J’étais une collégienne assez mal à l’aise sur le sujet, et qui ne s’aimait pas vraiment. De plus, étant de nature très introvertie, je me suis renfermée encore plus. Bien sûr, il y a eu aussi des moments joyeux, de bons souvenirs là-bas, mais je menais un combat intérieur, et ça, personne dans ma vie quotidienne n’était au courant à l’époque.
Personne, sauf un professeur de l’établissement. Ce professeur a été mon professeur principal durant mes deux dernières années de collège, et j’ai réussi à me confier à lui. Il s’est montré extrêmement compréhensif, et je me suis tout de suite sentie beaucoup moins seule face à ce que je vivais. C’était quelqu’un avec qui je pouvais parler, échanger pendant plusieurs heures, et à chaque fois, il m’écoutait et me conseillait. Son aide m’a réellement été précieuse. Je crois qu’il est celui qui m’a permis d’avancer, d’en parler à d’autres personnes autour de moi, et rien que pour ça, je ne le remercierai jamais assez. Les années passeront, et le temps où j’étais élève dans sa classe semblera être une époque bien lointaine. Et pourtant, je sais que malgré ça, je n’oublierai pas ce qu’il a fait pour moi.
Après qu’il m’a apporté son aide, j’ai fini par partager le fait que j’étais attirée par les filles à mes amies proches, de manière progressive. Ce qui m’a le plus marqué dans tout ça, c’est que tout le monde, sans aucune exception, m’a acceptée. Absolument personne ne m’a fait de remarque désobligeante ou blessante. On n’a pas cessé de me soutenir.
Ensuite, je suis sortie avec un garçon, une personne que j’ai beaucoup aimée, et j’ai compris que je pouvais être attirée par les deux genres.
Concernant ce que j’ai pu dire à mes parents, eh bien je dois dire que je ne leur en ai pas encore parlé de manière officielle. Mon père est quelqu’un avec qui je n’ai pas beaucoup l’occasion de discuter, disons que c’est un homme assez réservé et il n’a jamais été très ouvert, même si je suis sa fille. Ma mère est beaucoup plus expressive, et c’est vers elle que je me tourne si je veux parler. En fait, à une certaine période elle se posait certaines questions à propos de moi, se demandait notamment si je n’étais pas homosexuelle (elle aurait remarqué des signes). J’avais alors répondu qu’en effet, j’étais intéressée par les filles. Elle m’avait dit que c’était sûrement une phase, ce que j’ai trouvé un peu blessant sur le moment, mais j’ai tenté de comprendre ce qu’elle ressentait. Je crois qu’elle n’avait pas pris ça très au sérieux, peut-être qu’elle essayait de se rassurer en se disant que ça passerait. Bien qu’elle ne soit pas homophobe, je la connais bien, et je pense qu’elle a eu un peu de mal à réaliser que c’était sa fille cette fois dont on parlait. Mais je sais que si j’aborde le sujet, plus tard, elle prendra conscience du fait que non, ce n’était pas une blague, et elle ne me rejettera pas. Si un jour je rencontre une fille que j’aime et qui m’aime aussi, alors je la leur présenterai, mais pour le moment, je n’ai pas vraiment envie de venir les voir pour leur dire que “au fait, je peux aussi aimer les filles vous savez ?” Je pense qu’il y a en effet un certain malaise chez ma mère à ce sujet, j’espère qu’un jour elle acceptera entièrement cette facette de ma personnalité et qu’on pourra en parler de manière plus détendue et plus naturelle ensemble. Je me rappelle très bien d’un moment (qui remonte à plusieurs années) où nous étions ensemble dans sa voiture et qu’elle écoutait une chanson qui avait pour thème l’homosexualité. Je ne lui avait rien demandé, absolument rien dit, et elle m’avait dit d’elle-même : “si un jour, tu m’annonces que tu aimes les filles, sache que je ne te rejetterai pas et que jamais tu ne seras reniée“. À cette période, je n’avais encore que vaguement conscience de ce qui me plaisait, mais j’avais imprimé cette phrase dans un coin de ma tête. Elle paraissait ne pas avoir peur du tout de l’homosexualité, mais quand j’ai essayé de lui faire part de ce que je ressentais, elle m’a gênée par sa réaction. Certaines de ses paroles (plus ou moins récentes) me laissent à penser qu’il y a encore certains préjugés en elle qui persistent, je crois qu’elle ne comprend pas très bien ce que c’est en réalité de vivre en tant que personne LGBT. Il faudra, à l’avenir, que j’aie une sérieuse discussion avec elle, pour pouvoir peut-être faire évoluer sa façon de penser. Il est possible qu’elle se soit entêtée à se dire que j’étais hétérosexuelle, mais il faudra qu’elle se rende compte de la réalité, à un moment ou à un autre.
Il y a quelques semaines, je lui ai demandé d’acheter un livre que je désirais lire (Les Amitiés Particulières de Roger Peyrefitte, qui a eu une adaptation en film en 1964, et j’ai adoré cette œuvre). Cela lui a semblé un peu étrange puisqu’elle m’a demandé pourquoi je voulais lire ça. Apparemment, c’est la première fois qu’elle remarque mes goûts (elle n’a pas fait attention à ma bibliothèque un peu remplie par Yukio Mishima, auteur japonais homosexuel !). Mais elle m’a quand même acheté le livre, sans faire davantage de commentaires. En gros, je ne perçois pas de refus catégorique de sa part, elle me laisse accéder à ce dont j’ai envie, mais ça la laisse sûrement plutôt perplexe.
Aujourd’hui, quand on me demande ce que je suis, je réponds que je suis bisexuelle, parce que je me sens en mesure d’aimer le sexe opposé comme le même sexe. Mais je dois dire que je n’aime pas trop me ranger dans une case, me coller une étiquette. Je suis juste moi, juste Lorelei. Je pense du fond du cœur qu’aimer une personne du même sexe que soi est quelque chose de normal, et j’aimerais vraiment que cette idée soit adoptée par plus de gens. Il y a encore trop de personnes qui pensent qu’il s’agit d’une mauvaise chose, sans parler de celles qui insultent, agressent et rabaissent les personnes homosexuelles. Il faut que les mentalités continuent d’évoluer, je veux me battre pour ça.
Je suis absolument passionnée par le Japon depuis longtemps, et mon rêve est de devenir interprète de conférence (français-anglais-japonais). Cette passion m’a donné de la force. Avec du travail, de la motivation, et de la confiance en moi, je suis sûre que je vais y arriver. J’ai eu du mal à m’accepter, et même si aujourd’hui encore j’ai du chemin à parcourir de ce côté-là, je sais que ça ira. Je veux avoir une vision positive de mon avenir et vivre ma vie comme je l’entends. On n’a qu’une vie, et j’ai fini par comprendre que se soucier de ce que pouvaient penser les autres n’était qu’une perte de temps et d’énergie. Je suis tellement plus heureuse quand je reste moi-même.
Je ne pense pas devoir être aidée, j’ai déjà suffisamment travaillé sur moi-même. Mais si je devais donner un conseil à quelqu’un qui lirait ce que j’ai écrit et qui se sent mal vis-à-vis de son orientation, c’est de ne jamais baisser les bras et de toujours regarder vers l’avant. Je sais que c’est probablement plus facile à dire qu’à faire, et que la situation peut être plus difficile à vivre pour certaines personnes, mais je crois que chacun est capable de s’accepter.
En tant qu’adolescente, ma vie me réserve encore sûrement beaucoup de choses. J’ai envie de dire que je n’en suis encore qu’au début. De nouvelles expériences, de nouvelles rencontres… Et je suis prête à vivre tout ça. Je suis prête à connaître de nouvelles personnes au fur et à mesure, et un jour, trouver la bonne personne, celle qu’il me faut vraiment. Il n’y a jamais de hasard, je pense que ma destinée est écrite, il ne reste plus qu’à la découvrir. Une fois que je serais devenue adulte, avec un homme ou avec une femme, je veux me marier. Et profiter de mon existence.
Mon professeur m’a dit un jour : “Ce que je veux que tu comprennes, c’est que tu ne fais rien de mal. Que tu es tout à fait normale. Et si je dois te donner des punitions avec des lignes à copier pour que ça rentre dans ta tête, je le ferai.” Et désormais, une chose est sûre : je n’aurai plus jamais honte d’aimer une autre fille !
* Le prénom a été modifié
Témoignage reçu en mai 2019
Pour témoigner sur le site de C'est comme ça,
vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
Attention à bien lire la charte des témoignages avant de nous écrire.