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J’aime les garçons, mais je préfère les filles


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Bonjour, je voudrais vous partager mon témoignage quand à mon coming-out qui a été compliqué. Comme je viens de Belgique, il est possible que des belgiscisme se glissent dans le texte. J’ai quand même changé les noms des années à l’école pour ça corresponde à votre système.

Je m’appelle Célia* et j’ai aujourd’hui 18 ans. J’ai grandi dans une petite ville où les gens avaient des idées plutôt fermées et je venais d’une famille assez “bourgeoise”, fière d’être bien éduquée. En primaire, je recevais beaucoup d’insultes et de moqueries à cause du fait que j’étais première de la classe et que j’étais un garçon manqué. J’aimais jouer au foot, pas aux poupées, je ne mettais pas de jupe ou de robes, mais plutôt des baggys imprimés camouflage. Je me suis toujours sentie différente, mais je pensais que j’étais juste un peu plus mûre que la moyenne.

Quand je suis entrée au collège (= en secondaire, en Belgique – nos secondaires commencent en cinquième, car nous passons six ans en primaire), j’ai eu ma première vraie amie. C’était une fille qui m’impressionnait beaucoup, car elle était très belle et très féminine, mais aussi très drôle et ouverte d’esprit. Sa mère était homosexuelle et s’était séparée de son père pour cette raison. À sa soirée d’anniversaire, j’ai avoué n’être jamais sortie avec un garçon et n’en avoir jamais embrassé aucun. Elle m’a alors promis de me présenter des amis à elle et, “pour le jeu”, elle m’a embrassée pour me montrer ce que ça faisait d’embrasser quelqu’un. Je me souviens avoir pensé que ses lèvres étaient vraiment douces et chaudes, que j’avais apprécié ça. Mais dans mon esprit, j’étais à 100% attirée par les garçons, j’avais déjà eu des sentiments pour des garçons en primaire et jamais pour des filles, alors je me disais juste que ça serait encore mieux d’embrasser un garçon. Pour moi, c’était une évidence que j’aimais les garçons et je ne peux pas dire, encore aujourd’hui, que je savais déjà petite que j’aimais les filles. Je m’en suis rendue compte bien plus tard…

Quand j’étais en seconde, j’ai connu mon premier amour. Je pourrais passer des heures à raconter cette histoire, qui n’a pourtant été qu’un amour à sens unique, mais je préfère éviter, ne voulant pas rendre cette histoire trop longue. De plus, je veux me centrer sur mon coming-out. Le fait est qu’après cette histoire, il m’était impossible de continuer à penser que j’étais hétéro. Je me suis donc considérée bi, et j’ai eu mon premier copain. Puis mon deuxième. Ces histoires ne duraient jamais plus qu’un mois et même si je me faisais larguer, je n’étais pas heureuse dans ces relations et je voulais en finir aussi. J’avais l’impression de ne pas pouvoir être moi-même, de ne pas pouvoir m’exprimer comme je le voulais dans une relation avec un garçon. Mais pourtant, j’étais bien attirée par eux…

En terminale, après une conférence organisée par le lycée sur le thème de l’homophobie, j’ai fait mon coming-out en tant que bisexuelle à mon groupe de potes, leur expliquant que je ne souhaitait plus me cacher à l’école et que seule ma famille ne devait pas être au courant.
Quand je suis sortie du lycée, je suis sortie avec un garçon qui faisait ses études dans la même fac que moi. Notre relation a duré un mois, il était fou de moi, mais moi je me sentais comme si je jouais un rôle en étant avec lui. Pourtant, j’étais attirée par les garçons, alors pourquoi je n’arrivais juste pas à sortir avec eux ? J’étais bissexuelle aux yeux de tous, et je commençais à me demander si je l’étais vraiment. J’ai rompu avec ce garçon en lui expliquant pourquoi, en lui disant que je doutais de mon orientation sexuelle et que j’avais besoin de temps pour savoir. Il a été d’une grande aide. Il m’a demandé d’être moi-même, de simplement chercher à être heureuse sans m’inquiéter de l’avis des autres. Nous avons longuement parlé et quand la discussion s’est terminée, j’ai décidé que le seul moyen de savoir si j’aimais les filles ou non était de tester. Je me suis inscrite sur tinder dans la soirée, et j’ai réussi assez vite à fixer un rendez-vous avec une fille magnifique. Le courant passait parfaitement entre nous et nous devions aller dans une soirée ensemble le vendredi suivant.

Je vous la fais brève : elle était encore plus belle en vrai qu’en photo et j’ai osé l’embrasser. Nous avons eu quelque rendez-vous après ça, mais notre histoire n’a pas duré plus de deux semaines, car elle ne se sentait pas prête à s’engager après la relation compliquée qu’elle avait eu avec son ex. Mais j’avais eu ce que je voulais. J’avais été libre avec elle comme je ne l’avais jamais été avant, j’ai découvert que je pouvais éprouver de l’amour, contrairement à ce que je commençais à penser. J’ai décidé de le dire à ma mère. Elle avait vu que je me préparais plus que d’habitude, car j’allais voir ma première copine et elle m’a demandé si j’avais un rendez-vous. J’ai répondu que non. Quand je suis revenue du rendez-vous, ma mère venait me chercher à la gare et j’ai dit dans la voiture : “Tu sais, maman, j’avais bien un rendez-vous.” “Bien sûr, je le savais” a-t-elle répondu. “Je peux savoir le nom ?” J’ai hésité à répondre, j’avais peur. “Jill… C’est Jill” “Gilles ?” a répondu ma mère, sans comprendre. “Non non, Jill, le prénom anglophone.” Ma maman m’a regardé très bizarrement. “Comme dans les Feux de l’Amour ?” elle a demandé, et j’ai acquiescé. Elle n’a plus parlé, je pense qu’elle ne savait simplement plus comment répondre. Elle m’a demandé si je n’aimais que les filles, ou si j’aimais les garçons aussi. J’ai répondu sincèrement, c’est-à-dire que j’étais attirée par les deux, mais que je ne me sentais vraiment heureuse qu’avec une fille. Et je lui ai demandé de le dire au reste de ma famille.

Le lendemain, mon père est revenu de voyage d’affaire. J’avais très peur de sa réaction, car je savais qu’il avait toujours tenu des propos homophobes. Je pensais sincèrement que j’allais me faire insulter, renier. Même si mes frères et soeur ainsi que ma mère avait accepté mon orientation. Mais sa réaction a été toute autre. Mon père a toujours eu beaucoup de mal à s’exprimer et à parler de ses sentiments, encore pire pour ceux des autres. Dans sa famille, on ne parlait pas de soi et encore aujourd’hui, il ne raconte même pas sa journée en rentrant du travail. Il s’est assis près de moi et m’a demandé si j’allais bien, ce qu’il demande rarement. J’ai répondu que oui, il m’a dit “Tu es sûre, tu es heureuse ?” J’ai encore acquiescé. Puis il m’a dit : “C’est tout ce qui compte alors sois heureuse, parce que moi je veux que tu le sois“. Je lui ai souri et puis nous nous sommes pris dans les bras. Dans mes bras, il m’a dit : “Désolé d’avoir été bête et de t’avoir vexée, je ne savais pas que tu étais…“. Alors je lui ai dit que je le pardonnais. Depuis, je vis ma sexualité sans problème et j’en parle ouvertement à ma famille.

Je ne me considère pas vraiment comme lesbienne. Les garçons m’attirent toujours, mais je n’aime pas être avec eux. Cela ne me correspond pas, donc je préfère être avec des filles. Cependant, je ne peux nier mon attirance pour les garçons.

* le prénom a été modifié

Témoignage reçu en avril 2016

Le commentaire de C'est comme ça

Dans son parcours, Célia a eu des difficultés à s'imaginer dire à sa famille qu'elle aimait aussi des filles, sans doute parce qu'elle redoutait la réaction de son père. Pourtant, au final, ce dernier a eu une attitude plus ouverte qu'attendue. Il faut dire aussi que Célia était déjà adulte, ce qui a dû aider. Il n'est pas aussi rare qu'on l'imagine que des personnes aux propos très homophobes fassent preuve d'une atitude humaine quand il s'agit de leurs enfants. Entre les discours et les actes, il y a parfois de grandes différences, et cela peut être un motif d'espoir pour certain-e-s d'entre vous. Mais dans tous les cas, il est prudent d'avoir trouvé un moyen à l'avance pour anticiper la réaction d'une personne homophobe. Si vous êtes concerné-e, n'hésitez pas à en discuter avec nous.

Pour témoigner sur le site de C'est comme ça,
vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
Attention à bien lire la charte des témoignages avant de nous écrire.