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Billie Jean King


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Billie Jean King - portrait

Billie Jean King est une des plus grandes joueuses de tennis de tous les temps. Cette ancienne numéro un mondiale doit sa célébrité non seulement à ses triomphes sur les courts mais aussi à ses actions militantes en faveur des droits des femmes et de la communauté LGBT.

Billie Jean King est née en Californie le 22 novembre 1943. Elle commence le tennis à 11 ans et comprend immédiatement qu’elle en fera son métier :  »Je deviendrai numéro un mondiale » dit-elle à sa mère. Mais très vite, elle est hantée par des préoccupations sociales. Non, le tennis ne sera pas sa seule passion. Billie Jean ne supporte pas les inégalités, les injustices. Elle se découvre féministe et anti-raciste. À 12 ans, elle se fait cette réflexion au sujet de sa vie de jeune joueuse de tennis :  »Tout le monde porte des chaussures blanches, des chaussettes blanches, des vêtements blancs, joue avec des balles blanches et tous les joueurs sont blancs. Où sont les autres ? »,  »C’est le moment où j’ai décidé de lutter pour la liberté et l’égalité des droits entre toutes les personnes. Pas seulement pour les femmes. Pour tout le monde. ». Elle décide de faire de son tennis une arme :  »Je voulais m’en servir comme d’un tremplin. Pour cela, je devais devenir numéro un mondiale. Je savais que ce serait plus difficile que pour un garçon car les femmes sont invisibilisées. On ne s’intéresse pas à nous.  ». Elle intègre le circuit professionnel à l’âge de 16 ans. Les victoires pleuvent. Au cours de sa carrière, Billie Jean King obtiendra 39 titres du Grand Chelem (20 à Wimbledon, 13 à l’US Open, 4 à Roland Garros et 2 à l’Open d’Australie). En 2005, les journalistes américain-e-s de Tennis Magazine la classent au 9ème rang des  »quarante plus grands champions de tennis de ces quarante dernières années » (hommes et femmes confondu·es), derrière Rod Laver et devant Ivan Lendl.

Un épisode de la carrière de Billie Jean King restera à jamais dans les mémoires : il s’agit de sa victoire contre Bobby Riggs, dans un match baptisé par les médias  »Battle of the sexes »: le combat des sexes. En 1973, Bobby Riggs, qui est un ancien numéro un mondial du tennis masculin entre 1941 et 1947, provoque Billie Jean King en lui proposant de l’affronter en tournoi. Ce champion de 55 ans revendique sa phallocratie et affirme :  »Aucune joueuse en activité ne pourrait jamais venir à bout d’un retraité » et aussi  »les femmes ont évidemment leur place sur les courts… il faut bien quelqu’un pour ramasser les balles ! ». Billie Jean refuse tout d’abord la confrontation, car elle n’a pas envie de se donner en spectacle. Lorsque Margaret Court prend à son tour le titre de numéro une mondiale, Bobby Riggs lui adresse également une proposition de match, qu’elle accepte. Malheureusement, Bobby Riggs la bat en deux sets. Pressentant à quel point la défaite de Margaret Court peut nuire au tennis féminin et à la cause des femmes en général, Billie Jean King accepte alors d’affronter Bobby Riggs en 5 sets. Pour Bobby Riggs comme pour Billie Jean King, le stress est à son comble ce samedi 20 septembre 1973, sur le court du stade de Houston. La somme mise en jeu est colossale pour l’époque : 100 000 dollars au/à la vainqueur-e. Le match se joue devant 30492 personnes, un record absolu alors pour un match de tennis. Il est retransmis à la télévision dans 37 pays. Billie Jean King bat Bobby Riggs en 3 sets :  »Je me suis dit que ça nous renverrait 50 ans en arrière si je ne remportais pas ce match. Cela aurait […] touché l’estime de toutes les femmes. » déclare Billie Jean King à l’issue de sa victoire.L’excellent film de Jonathan Dayton et Valerie Faris, Battle of the Sexes, est sorti en 2017 et retrace cet épisode de la carrière de Billie Jean King.

En 1965, Billie Jean épouse l’homme dont elle est amoureuse : Larry King,  »Je l’ai épousé en pensant que j’étais totalement hétérosexuelle ». Mais bientôt elle prend conscience de son attirance pour les femmes. En 1972, elle rencontre Marilyn Barnett, qui devient son assistante et surtout sa première compagne. Billie Jean souhaite dire la vérité à ses parents mais ceux-ci sont très religieux, conservateurs et homophobes :  »Je voulais être honnête avec mes parents […]. J’ai essayé de mettre la question sur le tapis mais je sentais que ce n’était pas possible. Ma mère aurait dit :  »On ne parle pas de ces choses là » et, d’une certaine façon, cela m’arrangeait parce que je ne voulais pas réellement leur dire. ». À cette période de sa vie, Billie Jean est en effet mal dans sa peau et n’accepte pas totalement sa sexualité :  »À force de me nier, j’ai fini par avoir des troubles alimentaires. Ce n’est qu’à 51 ans que j’ai finalement pu trouver les mots justes avec mes parents. ». En 1979, c’est la rupture entre Billie Jean et Marilyn : Billie Jean a rencontré une autre femme, Ilana Kloss, elle aussi joueuse de tennis de haut niveau. Sa relation avec Marylin Barnett serait restée secrète si celle-ci  n’avait pas, en 1981, attaqué Billie Jean King en justice, considérant qu’elle devait lui léguer une partie de ses biens. Marilyn Barnett perd son procès mais l’homosexualité de Billie Jean King est de fait révélée au grand jour. Or, Billie Jean est encore  »dans le placard ».

L’entourage professionnel de Billie Jean, en particulier ses avocat et coach sportif, craignant des catastrophes à venir, lui conseille purement et simplement de nier l’existence de relations amoureuses entre elle et Marylin. Mais Billie Jean King répond :  »Comment pourrais-je prétendre que c’est faux… puisque c’est vrai ?  ». Billie Jean King fait donc son coming out en 1981, devenant ainsi la première sportive au monde (hommes et femmes réuni-e-s) à annoncer  publiquement son homosexualité ou sa bisexualité. Suite à ce coming out, Billie Jean perdra tous ses sponsors,  »En l’espace de 24 heures, j’ai perdu tous mes contrats, tous ! », explique-t-elle au Boston Globe en 2006. De fait, il s’agit d’un coming out forcé,  fait dans l’angoisse, alors qu’elle n’acceptait pas encore bien sa sexualité. C’est un moment difficile :  »Quand vous êtes prêt-e, vous le faites, votre coming out ! Par définition, si vous êtes  »outé-e », c’est que vous n’étiez pas prêt-e […]. Je pense qu’il est impossible de juger qu’une personne devrait faire son coming out. On peut juste espérer qu’elle le fera, quand elle voudra et comme elle voudra. » dit-elle. Billie Jean King ne divorcera de Larry King qu’en 1987. Elle restera en bons termes avec lui et deviendra même la marraine de ses enfants.

Depuis son coming out, Billie Jean King s’est lancée dans la défense des droits LGBT. Bien que Billie Jean se dise lesbienne, parce qu’elle est davantage attirée par les femmes que par les hommes et les préfère sur le plan physique, elle pense qu’elle est en fait bisexuelle. Et si par malheur sa relation avec sa compagne venait un jour à finir, elle n’exclut pas une prochaine relation avec un homme. Elle se dit aussi  »queer », parce que c’est le mot qu’utilise les jeunes aujourd’hui mais préfère le mot  »gay » (aux Etats-Unis  comme dans la plupart des pays du monde, le mot “gay” est mixte) : ‘‘Je me sens gay. Vous savez pourquoi j’aime ce mot ? Hé bien, parce qu’il est gai, gai, gai ! ». Son exemple montre à quel point le choix d’une  »étiquette » est parfois difficile et surtout très personnel.

Billie Jean se bat d’abord pour la place des femmes dans le sport et notamment pour qu’hommes et femmes touchent les mêmes sommes lors des tournois. Il faut savoir qu’en 1972, par exemple, Billie Jean King qui avait remporté l’US Open, reçut 15 000 dollars de moins qu’Ellie Nastase, le champion masculin. Billie Jean King déclara alors qu’elle ne jouerait pas l’année suivante si les sommes versées aux femmes et aux hommes n’étaient pas identiques. L’US Open devint ainsi grâce à elle le premier grand tournoi à offrir la même somme d’argent aux hommes et aux femmes. Billie Jean King participe à la création de la Women’s Tennis Association (WTA). Cette association organise des tournois réservés aux joueuses. Elle fonde également la Women’Sport Foundation, destinée à encourager les futures générations de sportives. Elle participe au lancement d’un magazine : Women Sports. Mais Billie Jean ne limite pas son militantisme au monde du sport. Cette pionnière est de toutes les luttes féministes avant de défendre la cause homosexuelle dont elle devient une des principales porte-paroles. Non contente d’utiliser sa notoriété pour défendre les droits des femmes et des personnes LGBT, elle incite les stars à en faire autant et à profiter de leur célébrité pour défendre les causes nobles. À partir de 2012, elle participe à la lutte contre le sida, au sein de l’Elton John Aids Foundation. En 2014, Billie Jean fonde la « Billie Jean King Leadership Initiative« , une organisation qui promeut l’égalité dans le monde du travail. Le 12 août 2009, Barack Obama lui remet la « Médaille présidentielle de la Liberté » pour son combat en faveur des femmes et de la communauté LGBT. En 2014, il décide de l’intégrer à la délégation officielle des États-Unis pour les Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi. La présence de Billie Jean King, ouvertement homosexuelle, sera la réponse des États-Unis aux lois homophobes promulguées en 2013 par le président russe Vladimir Poutine. Hélas, Billie Jean ne pourra pas se rendre à Sotchi : sa mère est malade et mourra le 7 février 2014, jour de la cérémonie d’ouverture des Jeux.

Billie Jean King a aujourd’hui 75 ans. Ceux qui la connaissent la dépeignent comme une femme dynamique, pétillante d’enthousiasme, avec une curiosité sans limite pour les autres. Elle joue au tennis pour son plaisir et se bat sans relâche contre les injustices et les discriminations.
Ilana Kloss est toujours sa compagne…   »Nous sommes ensemble depuis 39 ans et nous envisageons de nous marier, mais en fait j’ai l’impression d’être mariée avec elle depuis le premier jour ! » confie-t-elle au New York Post le 29 juin 2018.