Frère est un roman qui a l’aspect d’un journal intime. Nous sommes à Eindhoven, aux Pays-Bas, au printemps 1973. Lucas (ou Luc), seize ans, a perdu son frère cadet, Marius (Maus), six mois auparavant. Alors que leur mère s’apprête à brûler les affaires de ce dernier, il a subtilisé dans la chambre du défunt le journal intime qu’il lui avait offert pour ses treize ans. De peur qu’elle ne le brûle, Luc a décidé d’écrire sur les pages laissées libres par son frère. Puis, contre tous ses serments, il va se mettre à lire et à annoter le journal de Maus, mêlant leurs deux voix. Le cœur du livre ressemble ainsi à un dialogue entre les deux frères, par-delà la mort. Contrairement aux apparences, il n’y a rien de sinistre dans le résultat. Le ton des deux frères est plein d’humour, même dans le drame, et l’histoire dévoile lentement ses diverses énigmes.
L’une des plus grandes réussites de ce roman est son ton, à la fois humoristique, les pieds sur terre et très pudique dans l’émotion. On devine qu’il est à l’image de la mère de Marius et Lucas, une femme dont on découvre peu à peu la personnalité, hors du commun. Les deux fils sont aussi très attachants. Une grande place est accordée à leur découverte — décalée — des sentiments et de la sensualité, domaine dans lequel Marius fait montre d’une précocité étonnante : c’est comme s’il frayait une voie à son grand frère et lui indiquait le chemin de la liberté. Au passage, le récit de l’enfance de Luc dit beaucoup sur la découverte de la « différence » et le besoin de la cacher, désespérément.
Frère est un livre intense et drôle, mêlant la chronique familiale et les moments intimes, naviguant entre un solide réalisme et des moments de rêve. Du fait de sa taille et de ses mots ou scènes un peu crus, il demande un peu plus de maturité que la plupart des livres chroniqués dans cette rubrique, et pourrait aussi figurer dans la catégorie « adulte ». L’un des meilleurs livres pour la jeunesse sur la découverte de l’homosexualité à l’adolescence.