Quand on est susceptible d’être victime de discrimination, quel qu’en soit le motif (LGBTIphobie, racisme, sexisme, grossophobie, validisme, etc), on peut-être confronté·e à des moments difficiles : propos négatifs ou moqueurs contre soi ou les autres, rejet, voire agressivité.
Beaucoup d’entre vous nous écrivent pour décrire des situations particulièrement difficiles à vivre et sur lesquelles vous n’avez pas vraiment de moyens d’agir. C’est notamment le cas pour celles et ceux d’entre vous qui sont encore mineur·e·s, et qui doivent supporter de vivre au sein d’une famille dont un ou plusieurs membres ont des opinions LGBTphobes. Entendre des propos injurieux sans pouvoir réagir, ou vivre dans la crainte d’être découvert·e, cela peut être stressant et fatigant.
Voilà pourquoi il est important de trouver des moyens de tenir bon : entretenir son moral le plus possible pour se constituer assez de réserves d’énergie et d’optimisme. Grâce à ça, on peut espérer garder le cap jusqu’au moment où il sera enfin possible d’avoir suffisamment d’autonomie (notamment financière) pour prendre le large et vivre sa vie comme on en a envie et besoin.
Ces moyens pour faire face, c’est la psychologie positive qui les a étudiés.
Qu’est-ce que c’est, la psychologie positive ?
Se répéter en boucle que “tout va bien” ? À vrai dire, non, c’est un peu plus élaboré que cela. Contrairement à l’autopersuasion qui n’a pas prouvé son efficacité, la psychologie positive se base sur des études scientifiques qui permettent de déterminer ce qui contribue à atteindre l’épanouissement personnel.
De quelle façon ? Les psychologues vont par exemple réunir un groupe de personnes qui rencontrent des difficultés (par exemple, la perte d’un emploi ou une maladie) et leur proposer de pratiquer certains exercices tous les jours. Après cet entraînement, des questionnaires sont proposés aux participant.e.s : selon leurs réponses, les chercheurs·euses peuvent déterminer quelle méthode a eu un effet bénéfique sur les participant·e·s, et le cas échéant, de quelle façon ça a été le plus efficace (durée, nombre de séances par semaine, etc).
S’inspirer des personnes qui “s’en sortent”
La psychologie positive s’intéresse notamment à la manière dont certaines personnes peuvent surmonter les difficultés de la vie. Quand des événements nous blessent, nous tirent vers le bas, qu’est-ce qui fait qu’on peut s’en sortir malgré tout et finalement aller bien ? Certaines personnes s’en sortent mieux que d’autres : on dit qu’elles sont résilientes. Et même si on ne l’est pas naturellement, il est possible de s’inspirer de leur façon de fonctionner pour améliorer son vécu.
La résilience est un processus qui se met en place chez certaines personnes leur permettant de rebondir, de « renaître », après un traumatisme ou une expérience négative. Pratiquer la psychologie positive permet de trouver la force de changer ce que l’on peut changer, et d’être résilient·e face à ce que l’on ne peut pas éviter. C’est grâce à cela qu’on trouve l’énergie pour traverser les épreuves, voire même pour se battre et défendre ses droits.
Vous connaissez cette citation de l’empereur et philosophe romain Marc-Aurèle ?
Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé
et le courage de changer ce qui peut l’être
mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre.
Précision importante : pas d’obligation d’aller bien tout le temps !
Il est possible, dans une certaine mesure, de s’aider à aller mieux. Cela ne veut pas dire que les gens qui vont mal ne font pas d’efforts : cela veut dire que ce qui leur arrive dépasse les limites de ce qui leur est supportable. Si tu es triste ou déprimé·e, cela te fera peut-être du bien de tenter certains de ces exercices, mais si ce que tu vis est trop lourd, tu peux demander de l’aide.
Dans l’article J’en peux plus, tu trouveras différentes pistes : proches de confiance, professionnel·le·s de proximité, lignes d’écoute, etc.
On s’y met ?
Ces méthodes fonctionnent, mais ce n’est pas magique. La psychologie positive demande un travail sur soi, et c’est en pratiquant certains exercices au quotidien qu’il est possible de renforcer son moral, petit à petit, en pensant et en agissant un peu autrement de jour en jour.
Voici quelques-uns de ces entraînements :
La culture des petits bonheurs
Cela consiste à chercher tous les jours au moins 3 choses qui nous ont fait plaisir, qui se sont bien passées. Cela peut être des événements importants, comme le fait d’avoir enfin vu son artiste préféré·e en concert, mais à défaut, ça peut être des toutes petites choses du quotidien : “trop bon cet éclair au chocolat à la cantine ce midi”, “cette personne que j’aime bien m’a souri”, “il y a un arbre en fleur devant ma fenêtre”… Se contraindre à en lister 3 par jour (même les journées les plus pourries !), ça entraîne à porter attention au positif et ça muscle l’optimisme. Il est possible de les écrire dans un carnet, mais on peut aussi remplir un bocal de petits papiers : le voir se remplir rend l’accumulation des plaisirs bien concrète !
Pourquoi ça marche ? Car notre cerveau, initialement programmé pour notre survie, a tendance à ne voir spontanément que ce qui va mal pour se sauver ou se défendre en cas de danger. Certes, c’est utile, mais dans notre vie moderne ça peut aussi nous causer du tort : en effet, le négatif a souvent plus de poids que le positif. Saviez-vous qu’il fallait de trois à six remarques positives pour contrer une seule remarque négative ? Voilà pourquoi, pour inverser la balance, on peut s’appliquer à remplir volontairement le côté positif. C’est encore mieux quand, parmi ces moments agréables, tu repères ceux que tu as pu provoquer et que tu pourras reproduire par toi-même.
Exprimer sa reconnaissance et son affection
Toujours dans l’idée de porter aussi attention à ce qui va, la psychologie positive a prouvé qu’il était très bénéfique de faire des compliments aux autres, de leur dire merci pour ce qu’on a reçu, de leur exprimer ce qu’on apprécie chez eux. Cela crée de la joie des deux côtés, mais aussi un sentiment de lien qui est indispensable pour se sentir entouré·e et soutenu·e en cas de besoin.
Tu as un·e ami·e qui n’a pas son pareil pour te changer les idées et te faire rire ? Tu peux lui dire, et voir son sourire en retour. Et qui sait, peut-être qu’en suivant ton exemple les autres te diront aussi des choses agréables qui te donneront le sourire !
Savourer le moment présent
À force de ruminer le passé et/ou d’anticiper l’avenir en permanence, nous sommes finalement rarement dans le moment présent. Pour s’y connecter, l’idéal est de prêter attention à son corps et à tous ses sens : faire attention à ce qu’on ressent intérieurement (suis-je tendu·e ? suis-je calme ?), à ce qu’on voit, à ce qu’on entend, à la température, à l’état de détente ou de tension de chaque partie du corps. Par exemple : je suis à l’arrêt de bus et je perds patience en ressassant des choses pas sympas que j’ai entendues aujourd’hui. Et si au lieu d’être dans l’énervement je levais le nez, pour regarder le ciel et les feuilles d’arbre, si je sentais le vent ou le soleil sur ma peau, l’air dans mes poumons, si j’essayais d’écouter ce que me dit mon corps là, tout de suite, maintenant ?
Pour les moments qu’on a attendus avec impatience, on peut s’arrêter quelques instants pour se dire qu’on y est enfin et qu’on peut en profiter totalement. La joie sera encore plus forte !
Se mettre à la méditation
Tu as l’impression que les idées se succèdent dans ta tête sans que tu ne puisses les contrôler ? Que ça va à 200 km/h dans ton cerveau et que ça te fatigue ? Que tu tournes en rond à propos de certaines pensées qui ne te font pas du bien ? Si oui, la méditation est toute indiquée. L’exercice permet de prendre conscience du fait que les pensées et les émotions sont transitoires et indépendantes de soi. On apprend à repérer et à éviter les réactions et les comportements automatiques. Les effets favorables découlent aussi du développement de l’autocompassion et de l’observation non critique de soi.
Comment faire ? Assieds-toi en tailleur sur une chaise ou sur un coussin. Prend une posture verticale où le corps n’est ni trop tendu ni trop relâché. Un corps bien tenu aide à la maîtrise de l’esprit. Des trains de pensées et d’émotions ne vont pas tarder à apparaître, chaque wagon étant suivi par un autre par association. Focalise ton attention sur ta respiration, son mouvement incessant est un bon point d’appui. Lorsque tu prends conscience de l’apparition d’une pensée (“j’ai oublié d’appeler Bidule !”) ou d’une émotion forte, note-la mentalement avec bienveillance (“tiens, une idée”), et reviens à ton souffle. Petit à petit, tu te laisseras de moins en moins emporter par ces trains de pensée. Faire dix minutes quotidiennes de cet exercice pendant six semaines permet d’améliorer la concentration et la clarté d’esprit, de réduire le stress et les émotions négatives, et d’augmenter le bien-être. Tu peux facilement trouver des applications ou des vidéos en ligne sur cette technique, appelée la méditation de pleine conscience, qui te guideront dans cet apprentissage. Tu trouveras ici trois exemples, à toi de voir ce qui te correspond le mieux :
Être sa meilleure amie ou son meilleur ami
Chaque fois qu’un événement désagréable se produit – et en particulier si tu penses que c’est de ta faute – réagis vis-à-vis de toi-même avec de la compassion, comme tu le ferais pour quelqu’un·e auquel·le tu tiens. Tu peux d’abord repérer tes émotions négatives et ta tendance à t’en vouloir, puis consciemment remplacer cela par ta voix intérieure qui te dira quelque chose de gentil. Par exemple “ah mais quel·le naze, c’est pas possible ! À chaque fois, je foire tout…” deviendra “Alors Bibi, ça se passe pas comme prévu aujourd’hui ? Respire un bon coup, tu vas t’en sortir”. Pendant une semaine, chaque incident négatif sera l’occasion d’un entraînement pour mettre à distance l’habitude si fréquente de s’autocritiquer (quand on y fait attention, c’est presque tout le temps !), pour plutôt s’encourager comme le ferait un·e ami·e bienveillant·e.
Imaginer le meilleur moi possible
Prenons le temps de rêver : imagine ton meilleur moi possible, dans un futur où tout se sera déroulé aussi bien que possible. Tu auras travaillé dur, réussi à franchir les obstacles et atteint des buts que tu avais pour ta vie. Tu auras réalisé tes rêves et utilisé tout ton potentiel. Bien sûr, il vaut mieux se baser sur des choses qui dépendent entièrement de toi et pas des autres : difficile de décider qu’on aura telle relation avec telle personne.
Quels seraient tes rêves : tenir une pâtisserie réputée dans toute la région ? Écrire un livre ? Finir un marathon ? Travailler dans une clinique vétérinaire ? Vivre en coloc avec de super potes ? Savoir jouer de la guitare et composer des chansons ? Libère ton optimisme et ta créativité : pendant 4 jours, prends 20 minutes pour écrire ce meilleur moi possible. À court terme, cet exercice met de bonne humeur. À long terme, s’imaginer réussir permet une meilleure connaissance de soi, de ses valeurs et de ce qu’on souhaite dans la vie. Cela renforce également l’aptitude à réaliser concrètement ce que l’on s’est vu·e faire, à agir en cohérence avec ses projets.
Deux choses pour finir
- Patience ! On ne change pas son cerveau en un jour. C’est l’entraînement, la persévérance et la répétition sur une période de plusieurs semaines qui permet un changement. Choisis un exercice à la fois, selon ce qui t’inspire le plus.
- Envie de mettre toutes les chances de ton côté ? Tu peux te créer un planning dédié à ces entraînements et décider combien de jours par semaine tu comptes les faire : chaque case cochée sera une victoire !
Merci à Thierry Nadisic,
chercheur à l’EMLyon
et auteur du livre « S’épanouir en temps de crise« ,
pour nous avoir aidé·e·s à écrire cet article !