Je tiens bon

Pourquoi certaines personnes sont homophobes ?

Orientation amoureuse & sexuelle

Temps de lecture: 17 minutes
Ce que nous apprennent les recherchent en psychologie – par Olivier Vecho
Olivier Vecho - photo
Olivier Vecho,
maître de conférences en psychologie, Université Paris Nanterre

C’est moi qui ai un problème ? Non, c’est eux !

Même si ce n’est pas toujours le cas, faire partie des minorités sexuelles peut entraîner des réactions négatives de la part de l’entourage proche, d’ami-e-s, de connaissances ou encore de personnes que l’on ne connaît pas et dont on croise la route.
On peut alors être amené-e à penser que si on est victime d’homophobie ou qu’on risque de l’être, c’est parce que l’on est gay, lesbienne,  etc. “C’est de ma faute : si je n’étais pas gay ou lesbienne, je n’aurais pas ces problèmes, je ne serais pas rejeté-e, insulté-e…” Cette manière de voir les choses est culpabilisante, elle peut nous amener à penser que nous sommes responsables de ce qui nous arrive ou peut nous arriver “à cause” de notre orientation sexuelle. Ce type de pensées peut avoir des effets négatifs sur notre bien-être psychologique (par exemple, nous déprimer, nous rendre malheureux ou malheureuse, nous faire perdre confiance en nous, etc.).

Pourtant, il est possible d’avoir un autre regard sur ces situations : “si je suis discriminé-e, victime d’homophobie, ce n’est pas parce que je suis gay ou lesbienne… C’est parce que certaines personnes n’acceptent pas mon orientation sexuelle“. Avec cette manière de voir les choses, il est plus facile de comprendre que nous ne sommes pas en faute mais, au contraire, légitimes à nous défendre et à faire valoir nos droits.

Des études sur l’homosexualité… aux études sur l’homophobie.

Les psychologues, psychiatres, psychanalystes, ont changé leur regard sur l’homosexualité depuis le début du XXe siècle, surtout en Occident. Certain-e-s pensent encore qu’elle est un trouble psychologique, une forme de maladie que l’on pourrait “guérir”, mais la grande majorité de ces professionnel-le-s n’est plus du tout d’accord avec ça.
Par exemple, l’Association de Psychiatrie Américaine ne considère plus l’homosexualité comme une maladie mentale depuis 1973, l’Association de Psychologie Américaine depuis 1975, et l’Organisation Mondiale de la Santé depuis 1993. En 2009, l’Association de Psychologie Américaine a d’ailleurs montré qu’aucune preuve scientifique ne permet d’affirmer que l’orientation sexuelle peut être changée par une psychothérapie.

Depuis les années 1970, de nombreux chercheur-se-s en psychologie se sont donc intéressé-e-s aux attitudes envers l’homosexualité et notamment aux raisons qui amènent certaines personnes à avoir des attitudes négatives envers l’homosexualité.

En psychologie, l’homophobie est une “attitude”.

Qu’est-ce qu’une attitude ? En psychologie, on s’accorde souvent à dire qu’une attitude est une “tendance psychologique”, c’est à dire un état d’esprit, plus ou moins favorable ou défavorable, envers des objets (par exemple, les nouvelles technologies), des actions (par exemple, faire du sport) mais aussi envers des personnes ou des groupes de personnes (par exemple les personnes végétariennes, les footballeurs, etc.).

On peut donc avoir des attitudes plus ou moins négatives ou positives envers l’homosexualité et les personnes homosexuelles. Les attitudes négatives peuvent se traduire de trois façons :

  • des croyances concernant l’homosexualité (par exemple, croire que l’homosexualité est une maladie ou qu’on ne peut pas vivre une relation amoureuse heureuse quand on est gay ou lesbienne);
  • des émotions et des sentiments : gêne, peur, haine, etc.  
  • des comportements : agression, insulte ou harcèlement envers des personnes parce qu’elles sont homosexuelles ou supposées l’être.

Au quotidien, dans la société, on utilise le terme “homophobe” pour décrire ceux et celles qui rejettent les personnes homosexuelles, les agressent, etc. L’homophobie est d’ailleurs inscrite dans la loi française comme un critère de discrimination interdit.
Cependant, le principe de la loi est d’interdire les comportements de discrimination des individus, pas ce qu’ils pensent ou ce qu’ils ressentent. D’un point de vue scientifique, en psychologie en particulier, c’est donc différent et plus complexe puisque “l’homophobie” est considérée comme une attitude pouvant se traduire par des croyances, des émotions et/ou des comportements.

Dessin de Gabs publié chez Iconovox
Crédit : Gabs / Iconovox

De ce point de vue, à partir de quand peut-on dire qu’une personne est “homophobe” ? Suffit-il qu’elle ressente un peu de gêne ou de peur quand elle rencontre des personnes homosexuelles (émotions) ? Ou qu’elle pense que les personnes homosexuelles sont moins heureuses que les autres (croyances) ?
C’est pourquoi en psychologie, il est préférable d’éviter de qualifier les personnes d’”homophobes” et préférable de parler des personnes ayant des attitudes négatives (plus ou moins élevées) envers les personnes homosexuelles.

Pourquoi a-t-on plus ou moins d’attitudes négatives envers l’homosexualité ?

D’abord, les attitudes négatives envers l’homosexualité peuvent être directement encouragées par une société. C’est le cas dans certains pays qui punissent et encouragent la population à punir les personnes homosexuelles : cela porte le nom d’homophobie d’état.

Mais ces attitudes négatives sont aussi renforcées lorsque les personnes homosexuelles sont traitées différemment des autres, par exemple en interdisant le mariage entre personnes de même sexe, ou même en occultant l’existence de l’homosexualité (par exemple quand l’homosexualité n’est pas abordée dans certains cours sur la sexualité à l’école). C’est ce qu’on appelle l’hétérosexisme ou l’hétérocentrisme.

Pour autant, le fait d’accorder les mêmes droits ne règle pas tout car d’autres facteurs interviennent. En voici quelques-uns qui sont les mieux mis en évidence dans la recherche en psychologie.

1. Le genre et les rôles de genre

Dans les sociétés patriarcales (celles où les hommes ont le pouvoir, c’est à dire la majorité des sociétés), la masculinité est plus valorisée que la féminité. Ainsi, les femmes peuvent être valorisées quand elles adoptent des rôles traditionnels masculins (par exemple lorsqu’elles parviennent à faire un métier réputé masculin parce que difficile physiquement) alors que les hommes qui adoptent des rôles traditionnels féminins peuvent être moqués (par exemple s’ils font de la couture).

Dessin de Lacombe publié chez Iconovox
Crédit : Lacombe / Iconovox

Certains hommes ressentent donc la nécessité de protéger la masculinité qui serait “attaquée” par l’homosexualité. En effet, celle-ci peut leur apparaître comme une sorte de menace envers leur statut, notamment parce qu’il existe des préjugés selon lesquels les hommes homosexuels ne sont pas vraiment des hommes comme les autres, donc ils sont semblables à des femmes : ils ne sont pas virils, ils ne sont pas forts, ils ne sont pas dominants. Ils se sentent, en quelque sorte, mis en danger dans leur légitimité par une définition de l’homme différente de la leur.En revanche, les femmes ont moins besoin que les hommes de rejeter l’homosexualité pour maintenir une bonne image de la féminité. De nombreuses études montrent que les femmes ont des attitudes plus favorables que les hommes envers les hommes homosexuels. Comme la masculinité serait garante du “bon fonctionnement” de la société, les hommes gays seraient plus visés par les attitudes négatives que les femmes lesbiennes, que ce soit de la part d’hommes ou de femmes.

Dessin de Babouse publié chez Iconovox
Crédit : Babouse / Iconovox

Des études confortent cette hypothèse car elles montrent qu’il existe un lien avec les attitudes liées au genre : plus les individus sont d’accord avec les conceptions traditionnelles des rôles de genre (c’est-à-dire qu’ils pensent que les hommes doivent remplir des “rôles d’hommes”, les femmes des “rôles de femmes”), plus ils ont d’attitudes négatives envers les personnes homosexuelles. Et ce lien existe davantage chez les hommes que chez les femmes.

Dessin de Decressac
Crédit : Decressac

2. La religiosité

La religiosité est le terme utilisé en psychologie et sociologie pour parler du sentiment religieux. Cette notion est complexe à définir, car elle décrit à la fois les raisons de pratiquer une religion, et la façon de le faire.

Selon les personnes, la religion ne va pas être pratiquée pour les mêmes raisons :

  • parfois la pratique d’une religion a un objectif davantage social que religieux (religiosité extrinsèque) : avoir des relations sociales, être accepté-e et intégré-e dans un groupe social…
  • pour d’autres, la religiosité sert avant tout de guide (religiosité intrinsèque) : on croit pour soi et on essaie de suivre les règles édictées par la religion pour guider sa vie
  • enfin, la religiosité peut représenter un moyen de trouver des réponses sur le sens de la vie(religiosité de quête).

De plus, la religiosité recouvre une très grande variété de pratiques, en terme de fréquence (aller plus ou moins souvent aux offices religieux, par exemple), de manière d’interpréter la religion (de la modération au fondamentalisme) et d’importance donnée à la religion dans sa vie par la personne croyante (elle va se décrire comme étant plus ou moins religieuse, y accorder plus ou moins d’importance).

La notion de religiosité étant complexe, les liens avec les attitudes le sont aussi. Alors que les dogmes religieux sont nombreux à diffuser une image négative de l’homosexualité, les croyant·es ne sont pas pour autant obligé-e-s d’y adhérer car les interprétations des textes peuvent varier. Par ailleurs, les valeurs morales personnelles (telles que la tolérance) ou les traits de personnalité (comme l’empathie) jouent aussi beaucoup dans la façon d’intégrer ces préceptes.

L’étude de Whitley (2009) révèle à partir de ces différentes définitions que plus la religiosité intrinsèque est élevée, plus les attitudes envers l’homosexualité sont négatives.
Quant à la religiosité de quête, elle montre un lien inverse : plus elle est élevée (c’est-à-dire on s’intéresse à la religion pour trouver des réponses sur le sens de la vie), moins les attitudes sont négatives, sans doute parce que ces personnes sont ouvertes à la réflexion, plus ouvertes d’esprit et donc plus tolérantes envers les autres groupes de la société.
En revanche, il ne trouve pas de lien entre la religiosité extrinsèque et les attitudes négatives. Ces résultats montrent ainsi que les personnes qui ont une croyance ou une pratique religieuse ne sont pas forcément homophobes.

Dessin de Giemsi publié chez Iconovix
Crédit : Giemsi / Iconovox

3. Les contacts avec des personnes homosexuelles

Le fait de connaître des personnes homosexuelles, d’avoir avec elles des relations proches, amicales, chaleureuses, permet aux personnes hétérosexuelles de comprendre que les personnes homosexuelles, par bien des aspects, ne sont pas différentes des autres. Cela engendre une diminution des préjugés et une meilleure compréhension des difficultés auxquelles les personnes homosexuelles peuvent être confrontées dans leur vie de tous les jours. Ces contacts permettent aussi de voir qu’il existe autant de différences entre les personnes homosexuelles qu’il y a de différences entre les personnes hétérosexuelles. Par exemple, tous les hommes hétérosexuels n’aiment pas le foot, et tous les hommes gays n’aiment pas Lady Gaga ! De même, on peut être un homme gay et faire de la boxe, et être un homme hétérosexuel et apprécier la haute couture.

4. Les croyances sur l’origine de l’homosexualité

Les personnes qui pensent que l’homosexualité a une origine biologique et qu’elle n’est pas un choix tendent à avoir moins d’attitudes négatives que celles qui pensent que l’homosexualité est acquise au cours de la vie, par exemple :

  • par l’influence d’autres personnes,
  • par choix délibéré.

Le rôle de ces croyances fait encore l’objet de débat. A l’inverse, ceux/celles qui pensent que l’homosexualité n’est pas un choix ont peut-être intégré cette idée parce qu’ils/elles avaient des attitudes positives à la base.

Dessin de Nawak publié chez Iconovox
Crédit : Nawak / Iconovox

Les personnes homophobes peuvent avoir la crainte qu’eux/elles-mêmes ou leurs proches deviennent homosexuel-le-s, ce qui intensifie leur rejet ou leur crainte des personnes homosexuelles. C’est aussi pour cela que certaines associations de lutte contre l’homophobie sont taxées de “prosélytisme“, comme si leur but, au lieu de défendre des individus, était de convaincre les gens de devenir homosexuels.

5. Les traits de personnalité

Certaines caractéristiques de personnalité jouent également un rôle.

  • Par exemple ce qu’on appelle l’autoritarisme, qui est le fait d’être attaché-e aux valeurs traditionnelles (par exemple, un “vrai” couple ne peut être composé que d’un homme et d’une femme) et au respect de l’ordre social. Plus l’autoritarisme est fort chez une personne, plus elle a de préjugés envers les personnes “différentes” ou qui menacent leurs valeurs fondamentales traditionnelles.
  • Autre exemple, ce qu’on appelle l’orientation à la dominance sociale. Il s’agit d’une préférence pour la hiérarchie entre les groupes dans la société et pour les inégalités sociales plutôt que pour l’égalité entre les groupes.

On comprend ainsi que plus ces caractéristiques de personnalité sont fortes, plus les attitudes envers les minorités sexuelles sont négatives car ces minorités, à travers leurs revendications pour être traitées de façon égale dans la société, remettent en question les traditions et la “supériorité” ou les avantages qui sont accordés aux personnes hétérosexuelles.

Dessin de Laurel bloglaurel.com/
Dessin de Laurel

A l’inverse d’autres caractéristiques de personnalité peuvent jouer un rôle quand elles conduisent à des attitudes positives envers les personnes homosexuelles. L’empathie par exemple (la capacité à comprendre les émotions d’autrui) permet de comprendre à quel point il est douloureux pour une personne homosexuelle d’être confrontée à l’homophobie.

Mais au fait, à quoi ça “sert” d’être homophobe ?

Certain-e-s chercheur-se-s pensent que les attitudes homophobes seraient “utiles” au fonctionnement psychologique de certaines personnes qui en retireraient un bénéfice psychologique : c’est ce qu’on appelle une “fonction psychologique”. Ainsi, Gregory Herek, chercheur américain, a repéré 4 grandes fonctions :

  • La fonction d’ajustement social : il s’agit d’avoir des attitudes négatives pour être accepté-e par un groupe, par exemple un groupe d’ami-e-s, qui considère qu’il faut rejeter les personnes homosexuelles. Aussi, par exemple, le fait d’agresser une personne homosexuelle permet ainsi de prouver qu’on partage bien les valeurs du groupe hétérosexuel et d’être accepté-e et maintenu-e dans ce groupe.
  • La fonction d’expression des valeurs personnelles : pour certains individus, les personnes homosexuelles représentent un symbole qui est contraire à leurs valeurs, des valeurs qui sont importantes dans la façon dont ils se définissent. En rejetant les personnes homosexuelles, ces individus expriment leurs valeurs, les renforcent et peuvent même avoir le sentiment de rendre justice.
Dessin de Decressac publié chez Iconovox
Crédit : Decressac / Iconovox
  • La fonction expérientielle : il arrive que des individus aient des expériences désagréables avec des personnes homosexuelles, comme on peut en avoir avec n’importe qui. Dans la mesure où la société véhicule des préjugés négatifs sur les personnes homosexuelles, ces individus peuvent penser que si ces expériences ont été négatives, c’est parce que ces personnes étaient homosexuelles.
  • La fonction défensive : certain-e-s psychologues pensent que la sexualité est quelque chose de fluide au plan psychologique, qu’elle n’est pas forcément figée, qu’elle peut évoluer au fil de la vie et qu’elle ne se caractérise pas simplement par les 3 catégories qu’on évoque habituellement (c’est-à-dire hétérosexualité, bisexualité, homosexualité). Ainsi un individu qui se définit comme hétérosexuel peut, à un moment de sa vie, avoir des fantasmes envers les personnes de son sexe et en même temps avoir peur d’être homosexuel ou de le devenir. Pour ces individus, les personnes homosexuelles représentent une part inacceptable d’eux-mêmes dont ils ont peur, qui peut les rendre anxieux et contre laquelle ils veulent lutter. Ils peuvent ainsi chercher à affirmer, pour elles-mêmes et pour les autres, leur hétérosexualité en rejetant les personnes homosexuelles, en les évitant ou en les agressant par exemple.

Peut-on être gay/lesbienne… et homophobe ?

Oui ! Des personnes gay ou lesbienne peuvent avoir des croyances, des émotions et des comportements de discrimination envers les autres personnes homosexuelles et envers elles-mêmes. C’est ce qu’on appelle l’homophobie intériorisée (ou internalisée). Par exemple, elles peuvent croire que leur attirance pour les personnes du même sexe est une maladie ou qu’on ne peut pas être heureux ou heureuse en couple quand on est gay ou lesbienne. Elles peuvent aussi ressentir de la honte ou du dégoût envers elles-mêmes mais aussi de la peur envers les autres personnes homosexuelles, surtout si elles pensent qu’elles sont malsaines. Elles peuvent même dans certains cas avoir des comportements de discrimination, comme rejeter les autres personnes homosexuelles et même les agresser.

Comment expliquer qu’on peut être homophobe en étant gay ou lesbienne ? Dès leur plus jeune âge, les enfants reçoivent des informations stéréotypées sur l’homosexualité (par leur entourage, leurs ami-e-s, les médias, etc.). Beaucoup de stéréotypes concernant l’homosexualité existent et sont véhiculés dans la société, une personne peut donc les intégrer, les intérioriser, alors qu’elle ne sait pas encore qu’un jour elle sera attirée par les personnes du même sexe. Il n’est donc pas toujours facile d’avoir une image “positive” de l’homosexualité quand on est soi-même gay ou lesbienne. Penser à certaines choses vont les mettre très mal à l’aise : imaginer avoir des relations sexuelles avec des personnes du même sexe, redouter de devoir dévoiler son orientation sexuelle aux autres, craindre de devoir fréquenter d’autres personnes homosexuelles, ne pas supporter d’être associée à elles, etc. A cause de cette homophobie internalisée, certaines personnes refusent leurs attirances et tentent de renoncer à vivre leur homosexualité. Certaines personnes se forcent à avoir des relations hétérosexuelles même si elles n’en sont pas satisfaites.

Dessin de Pichon publié chez Iconovox
Crédit : Pichon / Iconovox

Quelles sont les conséquences de cette homophobie internalisée ? En 2010, Newcomb et ses collègues ont analysé plusieurs études sur les effets de l’homophobie internalisée. Ils concluent qu’elle peut causer de la dépression, de l’anxiété, des idées suicidaires mais aussi des comportements sexuels à risque (comme l’absence d’usage de moyens de protection contre les infections sexuellement transmissibles). D’autres études montrent que plus les personnes ont un niveau d’homophobie internalisée élevé, plus elles ont de mal à être heureuses en couple. L’homophobie internalisée amène aussi certaines personnes à rejeter les autres personnes gays ou lesbiennes. En les évitant, elles vont se priver du soutien et de l’aide que ces personnes seraient susceptibles de leur apporter pour faire face aux difficultés qu’elles peuvent rencontrer.

Il est donc important pour leur santé psychologique et leur vie sociale que les personnes gays ou lesbiennes parviennent à accepter leur orientation sexuelle et qu’elles en aient une image positive, et surtout qu’elles aient une image positive d’elles-mêmes.

Conclusion

Les attitudes envers les minorités sexuelles sont donc complexes et les recherches et débats scientifiques en psychologie sur les raisons de ces attitudes doivent permettre de mieux lutter contre l’homophobie. Comme le montrent par exemple le livre d’Anna Ghione ou l’interview de Lilian Thuram ci-dessous, il est possible heureusement que certaines personnes homophobes fassent évoluer leur point de vue. Leurs traits de personnalité, leur sensibilité et leur engagement vont jouer dans ce processus de changement, mais également leurs expériences de vie et leurs rencontres. C’est pourquoi il est utile d’ouvrir le dialogue, même si l’évolution peut prendre des années.

Pour les homosexuel-le-s concerné-e-s par l’homophobie intériorisée, réussir à se débarrasser des préjugés négatifs est crucial car indispensable à leur épanouissement à long terme. Ce sera faisable s’ils/elles parviennent à identifier comment les croyances homophobes ont pu leur être inculquées, et pour quelles raisons elles persistent.

Si les personnes gays ou lesbiennes ont dans leur entourage des personnes qui ont des attitudes négatives envers l’homosexualité, il est important de s’appuyer sur les autres personnes, celles qui ont des attitudes positives et qu’on appelle aussi les “allié-e-s”. Elles pourront les soutenir personnellement (en cas de difficultés à accepter leur orientation sexuelle ou quand elles sont victimes d’homophobie), mais aussi socialement en soutenant l’accès à l’égalité des droits. 

Olivier Vecho est maître de conférences en psychologie du développement, directeur adjoint de l’UFR SPSE chargé de l’orientation et de la professionnalisation, responsable du M2 “Psychologie de l’Enfance, de l’Adolescence et des Institutions” – Université Paris Nanterre

Lilian Thuram - photo

Lilian Thuram parle de l’homophobie qui était la sienne

“Lorsque j’étais enfant, j’étais homophobe… Parce que j’ai grandi en Guadeloupe, puis dans la région parisienne dans des environnements où il existait des discours homophobes. J’ai dû m’éduquer à comprendre que cela n’avait aucun sens.

Qu’est-ce qui vous a fait changer ? 
J’ai changé en réfléchissant au racisme lié à la couleur de peau. Le mécanisme est exactement le même. Il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui encore les personnes de couleur noire ne sont pas sur le même plan d’égalité que les personnes de couleur blanche. De la même façon, les femmes continuent de subir la domination des hommes. Voilà pourquoi il faut réfléchir différemment.

Il est donc possible de ne pas être homophobe toute sa vie…
Exactement, car l’homophobie n’est pas quelque chose de naturel. C’est culturel. La plupart des personnes ne savent même pas pourquoi l’homophobie existe.

Que doit faire un adolescent victime d’insultes homophobes ?
Quand je vais dans les écoles, je dis quelque chose de très simple : “N’oubliez jamais que ce ne sont pas les personnes homosexuelles qui ont un problème ; ce sont ceux qui pensent qu’ils peuvent décider de ce que les personnes homosexuelles ont le droit ou pas de faire”.

Extrait de l’interview donnée au journal Le Parisien en août 2018 à l’occasion des Gay Games
Fondation Lilian Thuram Education contre le racisme

Sources 
Clarke, V., Ellis, S. J., Peel, E., & Riggs, D. W. (2010). Lesbian gay bisexual trans & queer psychology: An introduction. New York, NY US: Cambridge University Press.

Herek, G. M. (2009). Sexual prejudice. In T. D. Nelson (Ed.), Handbook of prejudice, stereotyping, and discrimination. (pp. 441-467). New York, NY US: Psychology Press.

Herek, G. M. (1987). Can functions be measured? A new perspective on the functional approach to attitudes. Social Psychology Quarterly, 50(4), 285-303.

Newcomb, M. E., & Mustanski, B. (2010). Internalized homophobia and internalizing mental health problems: A meta-analytic review. Clinical Psychology Review, 30(8), 1019-1029.

Whitley, B. E. (2009). Religiosity and Attitudes Toward Lesbians and Gay Men: A Meta-Analysis. International Journal for the Psychology of Religion, 19(1), 21-38.Remerciements 

L’équipe de C’est comme ça remercie chaleureusement Olivier Vecho de sa précieuse contribution !

Merci aux Editions Iconovox et à ses auteur-e-s pour les dessins tirés de l’album satirique Les homophobes sont-ils des enculés ? édité au profit de SOS homophobie.

Nota bene

Plusieurs termes peuvent être utilisés pour parler des personnes qui sont attirées par les personnes du même sexe qu’elles. Les plus courants sont “personnes homosexuelles”, “gays”, “lesbiennes”, mais ces mots n’ont pas la même histoire. Dans cet article, ils sont utilisés de façon indifférenciée pour éviter les répétitions.

Par ailleurs, il existe bien entendu d’autres groupes de personnes qui ne se définissent pas comme hétérosexuelles, par exemple les personnes bisexuelles. Ces autres groupes font l’objet de recherches spécifiques en psychologie et ne sont pas abordés dans ce texte.

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