Amour

Biromantique


Temps de lecture: 4 minutes

Je m’appelle Audrey*, et je suis en seconde. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais j’ai eu envie de raconter mon histoire. Cette année, c’était un tout nouveau monde qui s’offrait à moi. À la rentrée, je ne connaissais personne dans tout le lycée. Le premier jour, je ne l’avais pas remarquée. Mais dès le deuxième jour… Elle s’est démarquée des autres. Son nom est Elodie*.

La première fois que je l’ai vue, ma pensée a été « Wow ! Elle est vraiment super jolie« . J’ai ressenti comme une attirance très forte, une envie de devenir son amie tout de suite, de me rapprocher d’elle. C’était un sentiment étrange, se renforçant de plus en plus au fur à mesure que l’on se rapprochait. J’ai donc commencé à me poser des questions sur mes sentiments. J’en ai parlé à plusieurs amies, certaines m’assurant que je ne l’aimais pas, d’autres me disant que je l’aimais. Puis, en y réfléchissant, j’ai fait un lien : en cinquième, j’avais ressenti cette même attirance forte pour ma meilleure amie. Je n’avais pas cherché à identifier ce sentiment à l’époque. Mais ça m’a paru tout de suite plus clair : j’étais bisexuelle. Une réalité que je n’aurais jamais imaginé auparavant. À peine une semaine plus tard, je me suis rendue à l’évidence : j’aimais Elodie. Mon amour pour elle n’a d’ailleurs cessé d’augmenter, je la trouvais parfaite sur tous les points : belle, des cheveux châtains ondulés, et une frimousse tellement mignonne ! Drôle, intelligente, bref : parfaite. Elodie me considérait vraiment comme son amie, on s’était rapprochées. Cependant, elle avait des amies encore plus proches et elle passait son temps à leur faire des câlins et à leur tenir la main. Tous ces petits gestes qui me rendaient verte de jalousie.

Un jour, à la cantine, une de mes amies a eu le malheur d’évoquer mon amour pour quelqu’un « qui se trouve autour de cette table« . Nous n’étions que des filles de ma classe, dont Elodie. Tout le monde a commencé à me harceler pour savoir qui c’était, même elle. J’ai pris mon plateau et je suis partie au foyer. Évidemment, Elodie se doutait de quelque chose. J’ai été contrainte de lui avouer. Je n’arrivais plus à respirer, j’étouffais de chaleur mais j’ai réussi à bredouiller ces quelques mots : « je… ce… c’est toi… et je ne… amitié« . Mais contrairement à mes grandes craintes, Elodie ne m’a pas rejetée. Elle a été d’une compréhension incroyable. Me réconfortant, me serrant dans ses bras (car oui, j’ai fondu en larmes)…

« Tu sais, je t’admire beaucoup, tu as dû avoir beaucoup de courage pour me dire ça… À ta place, je n’aurais jamais osé. » Plusieurs mois sont passés, sans que je ne cesse de l’aimer. Nous sommes restées amies, elle se comportait de façon naturelle avec moi, malgré quelques situations gênantes. Plusieurs fois, j’ai été prise de crises de jalousie pour un rien : quelqu’un s’asseyait à côté d’Elodie, ou bien elle faisait un câlin à quelqu’un…

À chaque fois que je pensais que mon amour partait, par exemple pendant les vacances, il revenait au galop dès que je la revoyais. Mais un jour j’ai appris qu’elle aimait un garçon. Elle était gênée de cet amour par rapport à moi. C’est à partir de ce moment que j’ai essayé de lui faire croire que je ne l’aimais plus, que j’aimais un garçon. Durant cette période, je lui donnais des conseils pour draguer ce garçon, je la consolais. Car oui : je voulais qu’elle soit heureuse, qu’elle ne se prive pas d’aimer pour moi. Si elle est heureuse, je le suis aussi. Mais ça n’a pas marché bien longtemps. J’ai dû lui écrire une lettre de deux pages pour tout lui expliquer. Et aujourd’hui, malgré un épisode où nous étions seules toutes les deux dans le vestiaire pour nous changer, malgré le grand nombre de fois où nous sommes rentrées ensemble toutes les deux, je sens mon amour diminuer, ce qui me rend heureuse. Les vacances de Noël étant passées, je m’attendais à voir mon amour remonter en flèche mais ce n’est pas le cas. Je vais enfin pouvoir considérer Elodie comme une amie comme les autres. Depuis, j’ai fait des recherches par ailleurs. J’ai appris que je n’étais pas bisexuelle mais biromantique. Je l’assume pleinement, mon problème étant de ne pas oser en parler à ma famille. Ma mère n’est pas homophobe, mais mes grands-parents oui, et je ne connais pas l’avis de mon père là-dessus. Merci d’avoir pris le temps de lire mon histoire !

* les prénoms ont été modifiés

Témoignage reçu en janvier 2016 

Le commentaire de C'est comme ça

Audrey se définit comme biromantique car c'est un terme dans lequel elle se reconnaît davantage que celui de bisexuel. C'est vrai que ce dernier terme, comme homosexuel-le, a une connotation physique et charnelle qui ferait presque oublier l'aspect sentimental. L'affection, l'admiration et la bienveillance étaient au premier plan de ce qu'a ressenti Audrey, et cela mérite sans doute un mot tendre, n'est-ce pas ? Il existe aujourd'hui de nombreux termes qui permettent de décrire son identité ou ses attirances. Chacun-e est libre de choisir (ou pas d'ailleurs) le ou les termes qui lui permettent de définir ce qu'il ou elle ressent au mieux.
De son côté, Elodie a eu une réaction remarquable et a laissé à son amie tout le temps dont elle avait besoin pour que ses sentiments s'apaisent.

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