Une homosexualité assumée loin de ses proches


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Alors voilà moi c’est Erika*, j’ai 20 ans et j’ai découvert mon attirance pour les filles en juin 2008 (j’avais 16 ans). A cette époque pour moi c’était déjà quelque chose de normal : je ne trouvais pas d’immoralité là-dedans… Mais mes parents ne pensaient pas la même chose.

Ma mère ayant une cousine lesbienne disait que ce n’était pas grave d’être homosexuelle, alors lorsque j’ai découvert cette attirance pour les filles, je ne me suis pas trop fait de souci. Pourtant, je ne lui en ai pas parlé tout de suite (je pense que je ne me sentais pas prête à assumer totalement), et j’ai vécu mon histoire d’amour comme je l’entendais pendant 6 mois. Seulement, j’habitais dans un petit village et lorsque les gens voient quelque chose, ils se sentent obliger de parler. Voilà comment ma mère a appris pour mon homosexualité. En plus de ça, ma grand-mère était tombée sur le blog de ma copine et moi où on pouvait trouver des photos où on s’embrassait. Ça n’a pas aidé…

Alors le soir quand je suis rentrée chez moi, je peux vous dire que j’ai passé un sale quart d’heure : ma mère n’arrêtait pas de pleurer et de me hurler dessus. Mon beau père lui n’arrêtait pas de dire des méchancetés sur ma copine car, bien sûr, il la connaissait vu le peu de monde qui habite au village.

Leur solution pour me faire passer cette envie d’être avec une fille a été de me punir : je n’avais plus accès à mon téléphone portable ni à internet, ils venaient me chercher à mon arrêt de bus pour que je ne puisse pas voir ma copine… Ça a été atroce de ne pas la voir mais la pire chose qu’ils m’aient faite, ça a était de me faire du chantage : ils m’ont dit “si tu ne la quittes pas, on le dit à ta sœur et ton grand père“. Or c’étaient les deux personnes les plus importantes dans ma vie et je ne voulais pas qu’ils l’apprennent comme ça et pas aussi vite. Quelques temps après, avec ma copine, nous avons décidé de cesser notre histoire qui était devenue beaucoup trop compliquée à gérer.

Quelques mois ont passé, mais pas mon attirance pour les filles. En janvier 2009, je suis tombée amoureuse d’une autre fille un peu plus âgée que moi avec qui j’ai entamé une histoire cachée. C’est à dire que nous ne nous voyions que chez elle et mes amies me servaient d’alibi. Je suis restée 1 an et demi avec cette personne mais ne supportant plus de me cacher, je me suis remise avec des garçons. Ça a plutôt bien marché car j’ai rencontré un garçon merveilleux avec qui je suis restée neuf mois et qui, lorsque nous nous sommes séparés, m’a dit “Erika, maintenant il faut que tu arrêtes de te cacher et que tu deviennes réellement celle que tu es“.
Ça m’a alors fait un déclic, je suis restée seule pendant quelques temps. J’ai rencontré bien sûr quelques filles avec qui ça n’a pas très bien marché mais qui sont restées de très bonnes amies. Elles me conseillaient de parler à ma mère. L’été 2011, je savais qu’en septembre j’allais quitter la maison pour aller m’installer à 900 km, alors j’ai parlé à ma mère. Je lui ai dit : “tu sais maman, j’ai eu d’autres copines après Sarah” et elle s’est mise à pleurer. Elle m’a avoué qu’elle le savait déjà et a préféré arrêter la discussion. Ça ne s’est pas très bien passé mais elle en a tout de même parlé à mon beau-père qui m’a fait quelques remarques déplaisantes au repas. Mais pour moi c’était nécessaire de leur parler : je n’arrivais plus à vivre comme ça, je n’étais pas moi-même et j’avais tellement peur que quelqu’un me surprenne et le leur dise, que je n’arrivais pas à m’assumer.

Puis en septembre quand je me suis installée seule dans mon appartement à 900km de chez moi, j’ai fait la rencontre d’une fille. Tout a été très vite entre nous. Elle vivait presque à la maison, avec elle je m’assumais entièrement : c’est à dire qu’on se donnait la main en ville, on se faisait des câlins, des bisous. On avait des projets et j’avais même l’intention de la présenter à ma mère. En gros j’étais vraiment très amoureuse. Seulement la vie en a décidé autrement et nous nous sommes séparées. Aujourd’hui ça va faire six mois je n’ai pas totalement tourné la page. Il m’arrive d’être encore très mal. Un jour où j’étais chez mes parents, ma mère l’a vu et m’a dit : “ma fille, je sais que tu as été en couple et que tu étais amoureuse, mais si vous vous êtes séparées c’est que vous n’étiez pas faites pour être ensemble, ou elle avait seulement besoin de temps et elle reviendra“. Vous ne pouvez pas imaginer le bien que ça fait et le soulagement que ça provoque : dans ma tête je me suis dit “ça y est, elle commence à accepter !”.

Je peux dire que j’ai eu beaucoup de chance de rencontrer des gens qui m’ont permis d’avancer et de réellement m’affirmer telle que je suis. Aujourd’hui, je défends la cause des homos et j’aimerais vraiment que les gens ne voient plus la communauté LGBT comme une communauté anormale, et que les mentalités évoluent car ce n’est pas encore totalement le cas. Je me suis même disputée avec un des intervenants de mon lieu d’études : il a prononcé un jugement de valeur énorme en disant que ces personnes n’étaient pas des personnes normales et qu’elles faisaient honte à Dieu. Or, dans ma formation et mon futur métier (dans la santé) nous n’avons pas le droit d’émettre un jugement de valeur.

Pour finir, j’aimerais donner un conseil à tous les jeunes qui se découvrent homosexuels : ne perdez jamais espoir, les situations peuvent changer même avec vos proches, même s’ils l’ont vraiment mal pris !!!  
* le prénom a été modifié

Témoignage reçu en mai 2012

Le commentaire de C'est comme ça

Bien des parents espèrent que les amours de leurs enfants finiront, avec le temps, par rentrer "dans le bon chemin". Certains vont même jusqu'à exercer toutes sortes de pressions (morales, affectives, voire financières) pour que leur enfant "redevienne" hétéro. Or, c'est une stratégie vouée à l'échec : on ne change pas l'orientation amoureuse d'une personne en la brimant ou en la dévalorisant. D'ici à ce qu'ils le comprennent, et cela peut être long, il est très important de ne pas se laisser désespérer, ou dégoûter de soi-même.
Un petit détail nous a particulièrement alertés, d'autant qu'il renvoie à une situation assez fréquente : Erika évoque des punitions que sa mère lui a infligées. Normalement, on punit ses enfants pour une "bêtise" ou une faute délibérée. Mais quand on punit son fils ou sa fille parce qu'il ou elle a révélé son homosexualité ou sa transidentité, on crée une injustice immédiate, car ce ne sont pas des choses que l'on choisit. Punir quelqu'un-e non pour ce qu'il/elle a fait mais pour ce qu'il est n'est pas supportable.
Parfois, il est possible de se révolter et de dire cette injustice fondamentale. Parfois c'est plus difficile, auquel cas il est très important de trouver des alliés (dans la famille, parmi les adultes que l'on connaît, ou même des éducateurs, des travailleurs sociaux ou des médecins), qui pourront se faire l'avocat-e d'un point de vue différent et faire réfléchir les parents. Punir son enfant pour ses amours est inacceptable.

Pour témoigner sur le site de C'est comme ça,
vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
Attention à bien lire la charte des témoignages avant de nous écrire.