Une année bouleversante


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Je m’appelle Tobias. Bien sûr ce n’est pas mon vrai nom, je l’ai piqué à une série de livre que j’adorais quand j’étais petit, une série qui parle d’adolescents anonymes troublés, qui ne savent plus trop où ils en sont. Mais eux, c’est parce qu’ils doivent sauver le monde d’une invasion extraterrestre alors que moi… je suis bien loin de faire ce genre de choses. Je m’appelle Tobias et j’ai seize ans. Dix-sept en 2012. J’aimerais vous parler de moi, et d’une année scolaire difficile que j’ai dû traverser. Mais commençons par le début.

Tout d’abord je voudrais préciser le fait que à l’école primaire moi et mes copains on aimait bien rire des « pédés ». Je me souviens d’un autre élève très efféminé… Qu’est-ce que c’est bien de se moquer des autres quand on n’a rien à se reprocher ! Puis vint le collège. Un sacré changement dans la vie d’un gamin de dix ou onze ans qui ne pense qu’à jouer à Final Fantasy tous les soirs vous ne trouvez pas ?! Mais pourtant je sentais une sorte de… je-ne-sais comment expliquer. Une révélation ? Une prise de conscience ? Enfin, vous savez de quoi je parle, on rentre en cours d’EPS, et dans les vestiaires on commence à regarder les autres garçons et… « Eh oh ! Ça va pas Tobias ?! Tu mates les garçons ? Mais qu’est-ce qui t’arrive enfin ! T’es pas pédé ! » Ce sont plus ou moins les paroles que je me suis dites. Jusqu’en quatrième je me suis efforcé de me dire que ce n’était que passager, arrivé en troisième j’ai commencé à essayer d’oublier ça, de faire avec sans trop y penser. Mais en vain.

Soudain, me voilà en seconde ! Waouh, le lycée, ça c’est du changement ! Un sacré changement dans la vie d’un ado de quinze ans qui ne pense qu’à jouer à Final Fantasy tous les soirs vous ne trouvez pas ?! Ce fut là une année où tout a changé pour moi. Tout d’abord, je me suis vachement accepté tel que je suis, ce qui est, je trouve, un grand pas en avant. Je me suis dit que j’aimais les garçons, oui, et alors ? Qu’est-ce que ça peut vous faire après tout ? J’ai également commencé à m’informer sur le net sur l’homosexualité, et à m’inscrire sur des sites comme Zagay. Ensuite j’ai « fait » ce que je considère maintenant comme la plus grosse bêtise de ma vie, et la meilleure chose qui me soit arrivée. Enfin je suis tombé amoureux, quoi. Avant de rentrer au lycée, je n’aurais même pas songé un instant qu’un garçon puisse tomber amoureux d’un autre garçon. D’accord, je ressentais une attirance pour les autres garçons, oui, mais je ne pensais pas que cela pouvait être à ce point-là ! En début d’année on se parlait juste comme ça. Je ne connaissais pas grand monde dans ce nouvel établissement, alors lui, une amie à lui et moi, avons commencé à nous fréquenter. Je savais maintenant qu’ils s’appelaient Romain et Rachel, et qu’ils étaient au collège ensemble. Peu à peu une amitié s’est forgée. Et assez rapidement, cette dernière a laissé place à de l’amour. Un amour comme je n’en avais jamais connu auparavant ! Mais qu’est-ce qui t’arrive Tobias ? Oui, tu es tombé amoureux de Romain. Et merde… C’est trop génial… Je ne savais pas quoi penser. Nous sommes restés tous les trois ensemble toute l’année. J’ai essayé de lui faire comprendre qu’il n’était pas qu’un ami, et il l’a probablement compris. Je ne sais pas. En tout cas il avait un de ces regards… Jamais aucun garçon ne m’avait encore regardé de cette façon ! Par moments j’étais presque sûr qu’il était gay. J’avais l’impression qu’il y avait comme un jeu entre nous, de nous faire savoir mutuellement que nous étions gays. Ou alors « l’amour rend aveugle » et il ne l’était pas. Enfin je n’ai jamais vraiment su même si j’ai de gros doutes sur lui. Mais maintenant je m’en fiche.

Vers la toute fin d’année, en avril / mai 2011, ils ont commencé tous les deux à se foutre de ma gueule. Ouvertement, devant moi. Peut-être avaient-ils compris ? L’avaient-ils mal pris ? Je ne sais pas. Et je ne saurai probablement jamais. Quoi qu’il en soit cette année nous ne nous sommes pas adressé ne serait-ce qu’un mot. Enfin si, il a juste fait style de se tromper de numéro un soir, de m’envoyer un SMS. La dernière chose qu’il m’ait donc dit est « laisse tomber » par SMS. Et dire que peu de temps avant de me laisser tomber il m’avait dit que j’étais son meilleur ami. Je ne saurai jamais ce qui s’est passé dans sa tête. Heureusement qu’une autre amie de ma classe fut là pour me soutenir et m’aider parce que sans elle je crois que j’aurais fait une grosse bêtise. Maintenant, j’éprouve envers Romain une haine comme je n’en ai jamais éprouvé pour personne. Et pourtant je pense être encore amoureux de lui. C’est très étrange de ressentir en même temps de la haine et de l’amour envers une même personne. Mais le contraire de l’amour n’est pas la haine, c’est la solitude. On se croise parfois dans les couloirs de l’établissement et à ces moments … C’est… Je ne peux décrire ce que je ressens, je crois que ça s’appelle de la rage. J’aurais envie de ne plus jamais le croiser. Mais ça, ce ne sera possible qu’après la terminale.

Voilà, je vous ai à peu près raconté l’histoire – que je n’ai même pas comprise entièrement moi-même. Au temps pour moi : vous vous attendiez à un conte de fée ? Ils vécurent heureux ? J’ai désormais compris à quel point la vie n’est pas un conte de fée, hélas. Tout ce que je pourrais essayer de vous dire c’est de faire attention aux personnes que vous rencontrez. Les gens ne sont pas toujours ce qu’ils ont l’air d’être. Je ne vous dis pas d’être paranoïaque, non, mais faites juste attention.

Témoignage reçu en janvier 2012

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