Un combat pour la liberté d’aimer


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Bonjour tout le monde. Je m’appelle Sandrine*, j’habite dans la Nièvre et j’ai 15 ans. J’ai longtemps hésité à écrire ce message car j’avais peur d’être reconnue, mais finalement je m’en moque. J’ai découvert que j’étais lesbienne en mars/avril 2010 à peu près. J’ai fait une série de rêves où j’embrassais des filles que je connaissais ou pas… À ce moment-là, j’en ai parlé à cinq ou six filles de ma classe en qui j’avais entièrement confiance. Je ne voulais pas que ça se sache tant que je n’étais pas sûre d’aimer les filles. Malheureusement j’ai trop donné ma confiance à des filles qui n’en étaient pas dignes, deux l’ont répété à une de leurs amies, qui l’a évidemment répété. À la fin de mon année de troisième, la veille de mon spectacle de danse annuel, une magnifique danseuse (hétéro, pour mon plus grand malheur) m’a tapé dans l’œil : j’étais tout simplement amoureuse pour la première fois de ma vie. Évidemment, j’avais déjà eu des amourettes hétéros, je pense juste que c’était pour faire comme tout le monde… À ce moment-là, j’en ai reparlé à deux de mes amies, en jouant, cette fois-ci, la carte de la discrétion. Durant l’été, j’en ai parlé à mon meilleur ami du moment, il l’a bien pris, et non en avons discuté assez longuement… J’ai su après mon départ du collège que des rumeurs sur ma possible homosexualité circulaient. À ce moment, je n’avais pas fait mon coming out, j’avais peur que ça se sache dans mon lycée.J’arrive en seconde, rentrée 2011. Comme à mon habitude, je n’ai pas trop d’ami-e-s, je ne connais qu’une seule personne dans ma classe, et ce n’est pas le grand amour… Pour faire simple, je ne fréquente personne. Deuxième jour, j’essaye de devenir amie avec une fille qui s’appelle Alice*, on se ressemble physiquement bien qu’elle soit plus grande que moi, on s’entend bien, on fait les mêmes options. Plus les jours passent, plus je m’écarte d’Alice pour aller vers un groupe fraichement formé. Il y a une fille “cool” dans ce groupe, elle m’attirait un peu, je dois dire. J’essaye d’être comme elle, je mets pleins de bracelets, je commence à écouter du hard rock. Et là, je me rends compte que j’essaye de changer de personnalité pour plaire à quelqu’un qui n’en vaut pas la peine. Je change de groupe, encore, je retourne avec Alice, je sais, c’est compliqué. Là je me sens exclue partout, je ne suis bien avec personne.

En novembre, j’apprends à connaitre deux filles dont Cléa*. Elle est cool avec moi, mais je n’ai pas la force de lui dire que je suis lesbienne. J’essaye tout de même de le faire comprendre aux gens à l’aide de détails qui n’en sont pas, comme une rédaction de français sur deux filles qui tombent amoureuses à Paris dans les années 80. J’écris aussi une plaidoirie (travail obligatoire d’ECJS) sur les droits des homosexuels, que j’appelle “un combat pour la liberté d’aimer”. C’est à ce moment-là que les gens commencent à me demander si je suis lesbienne ; effrayée du regard des autres, je nie, comme beaucoup d’autres l’ont fait avant moi. Cléa me dit que sa grande sœur est lesbienne.

En janvier, on me dit qu’une fille de seconde 6 qui s’appelle Aurélie* est lesbienne. Il se trouve que je la connais et que je l’aime bien. L’amie de Cléa la connait personnellement. Je dis alors que je suis lesbienne à ces deux filles qui font tout pour m’arranger un coup avec Aurélie. Je lui ai fait ma déclaration le 14 février, romantique je sais, je vous conseille de ne jamais le faire, ça ne m’a pas porté chance. On est sorties ensemble une semaine avant les vacances de février. À ce moment, tout le lycée savait que j’étais lesbienne, car on ne se cachait pas, j’ai eu quelques réflexions homophobes, mais dans l’ensemble, ça s’est bien passé. Après deux semaines de vacances additionnées à mon voyage en Angleterre, elle a rompu à mon retour, par sms. J’ai trouvé ça lâche. Après, elle n’arrêtait pas de me “chauffer”, à chaque fois je tombais dans le panneau, quand elle me caressait la main, m’envoyait des SMS chauds. Je l’aimais tout simplement. Le lendemain de mon anniversaire, on s’est embrouillées, on ne s’est pas reparlé de tout le reste de l’année scolaire. Pendant les vacances d’été, le jour de son anniversaire, je lui ai envoyé un SMS, elle m’a répondu par un joli “va te faire foutre”. À la rentrée de mon année de première, on s’est revues, on ne s’est pas parlé. Moi je l’aimais toujours, j’ai essayé de tomber amoureuse d’autres filles, je n’ai pas pu. On a cours de sport ensemble, au début j’ai tout essayé pour ne pas jouer au badminton contre elle, mais deux filles de ma classe ont tout fait pour qu’on joue l’une contre l’autre, elle m’a à peine adressé la parole. Je lui ai dit que c’était lâche de faire comme si je n’étais pas là. Le lundi suivant j’ai joué aux cartes avec elle, ça s’est très mal passé. Triche, humiliations, j’avais envie de partir en courant, mais je me suis dit que ça aurait été aussi lâche que ce qu’elle m’avait fait. Le summum de ses diaboliques actions a été de draguer ma meilleure amie Cléa juste devant mes yeux.Voilà mon histoire. J’ai fait un coming out social plutôt bien réussi mais il me reste encore à faire un coming out familial, dont j’ai assez peur, car mes parents, bien qu’assez tolérants, dans ces temps de dialogues et de débats sur le mariage et l’adoption pour tous, font des commentaires plus ou moins homophobes du genre “c’est contre-nature”. Ma mère a dit ça après que j’ai fait un commentaire à propos de la prise de parole d’une femme au Petit Journal de Canal +. Je n’ai pour l’instant fait mon coming out qu’à ma sœur, mais rien de plus. Elle a bien réagi, elle a même deviné.

* tous les prénoms ont été modifiés

Témoignage reçu en novembre 2012 et complété en mars 2014

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vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
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