Tout était si parfait


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Bonjour, je m’appelle Tom*, j’ai 15 ans et je vis à Montpellier avec mes parents, mon frère et ma sœur. Alors si je suis ici c’est pour vous raconter mon histoire.

Vers l’âge de mes 13 ans, en cinquième, j’ai commencé à avoir quelques doutes sur ma sexualité. Sans certitude, je suis sorti avec une fille avec qui je ne me sentais pas très bien en couple. Quelques jours plus tard cette “histoire d’amour” s’est terminée. Cette fille – que je nommerai Mélanie – devint alors ma meilleure amie. Mes doutes sur ma sexualité se confirmèrent en quatrième lorsque je suis tombé fou amoureux d’un camarade de ma classe. Personne ne savait encore mon homosexualité. Lors de ma rentrée en troisième, j’étais toujours amoureux de ce garçon, mais qui quelques semaines après ne m’intéressait plus car il m’avait dégoûté. Quelques mois plus tard je tombai amoureux de mon meilleur ami — que je nommerai Mathieu.

Vers le milieu de l’année scolaire, une fille qui était dans ma classe et se prénomme Juliette, fit son coming out sur Facebook. Elle était bi. Ces temps-là, j’étais de plus en plus inquiet en me disant que je mentais à mes amis les plus proches et que jamais je ne vivrais heureux à cause de ce lourd secret. Je pensais de plus en plus à parler de ma sexualité à cette fille qui, je pensais, pourrait me comprendre… Je savais très bien que ce n’était pas une bonne fréquentation mais je me lançai quand même… Je lui expliquai toute mon histoire, mes questions sur moi même. Je lui demandai de ne répéter à personne tout ça. Elle le jura sur la tombe de sa mère (j’ai eu confiance). Or, cette fille à qui je m’étais confié de plus en plus m’a mis des coups dans le dos à mon insu. Tout ce que je vous ai dit elle l’a crié sur tous les toits. Une journée — la pire de ma vie, je m’en souviendrai toute ma vie — toute ma classe me demanda si ce qu’elle avait raconté était vrai, tout le monde sans exception, sauf mes amis les plus proches, qui eux ne se doutaient de rien. Le soir même je m’écroule en me renfermant sur moi-même. Pourtant, ce que j’avais vécu, ce n’était pas de l’homophobie, bien au contraire : les personnes que je pensais les plus bêtes sont au contraire celles qui le sont le moins. Ils m’ont juste posé la question et m’ont dit que ça ne changerait rien. Pourtant ces mots sympas ne m’ont pas atteint, je ne pensais qu’à ma propre honte.

Le soir même je vis Juliette connectée sur Facebook, je lui parlai et lui expliquai tout ça. Elle a tout de même juré sur la tombe de sa mère qu’elle n’avait rien dit ! Elle m’a envoyé chier (désolé mais c’est le mot). Je découvris une autre face de sa personnalité, je n’ai eu depuis aucun moyen de communiquer avec elle. Cette fille est vraiment sale et sans intérêt. Cette histoire empirait de jour en jour… Mon secret se répandait à vue d’œil, les gens étaient surpris je pense car je ne suis pas du tout efféminé mais plutôt victime de mon homosexualité. En rajoutant que dans ce collège se trouve mon petit frère et mes amis les plus proches… Plus le temps passait, plus je me disais que ça allait passer, mais non.

Je pense que le fait de m’être confié à cette fille a été la plus grosse erreur de ma vie. Un jour, j’étais à bout et me confiai à Mélanie, ma meilleure amie dont je n’étais pas vraiment sûr de la réaction. Elle a été surprise, mais vite je lui ai tout expliqué. Pour mon plus grand bonheur elle m’a réconforté et m’a soutenu. Jamais je n’oublierai les mots qu’elle m’a dits. Ça m’a énormément touché. Le fait de lui avoir tout expliqué m’a vraiment fait du bien. Je me sentais désormais en sécurité. Quelques semaines plus tard, j’avais repris confiance en moi et ma meilleure amie me conseilla d’en parler aux autres de mes amis les plus proches. Je commençai par Mathieu : à mon grand désespoir il a mal réagi et n’a pas compris pourquoi je lui disais tout ça. Je me sentais très mal avec lui ce jour-là, mais heureusement Mélanie lui a parlé et lui a fait comprendre que ce n’était pas de ma “faute”, etc. (je tiens à préciser que je pensais qu’en me confiant Mathieu allait me dire qu’il était gay aussi, je pensais juste qu’il avait peur de se l’avouer et de le dire aux autres). Avec leur aide, je suis arrivé à me dévoiler un peu plus et donc à en parler à davantage de mes amis — qui eux aussi l’ont bien pris.
Arrive l’été. Mathieu est toujours mon meilleur ami et avec lui je dois dire, je me sens bien, il me fait oublier tous mes problèmes de cette fin d’année mouvementée. Un jour dans l’été, je ne sais plus trop pourquoi, on se fait un câlin… Après ça, mes sentiments sont encore plus forts. Un autre jour, c’est un bisou (sur la joue). Puis une nuit nous avons dormi ensemble (côte à côte) avant de nous faire des câlins et des bisous toute la nuit. Imaginez-moi, j’étais perdu… Je lui ai à plusieurs reprises parlé de tout ça mais il m’a affirmé qu’il n’avait pas de sentiments pour moi. Ça a été comme ça tout l’été. Vers la fin de l’été (environ deux semaines avant la rentrée) nous avons passé une nouvelle nuit ensemble, l’un sur l’autre je vois nos bouches se rapprocher. Et ce que j’attendais depuis longtemps arriva. Il m’embrasse ! Toute la nuit nous n’avons pas pu nous arrêter, à mon grand bonheur. Après cela je lui ai donc parlé de nos sentiments l’un pour l’autre. Il m’a répondu qu’il ne savait pas trop mais que j’avais créé quelque chose en lui. Quelques jours plus tard il me confirme qu’il s’est rendu compte être homosexuel et qu’il est amoureux de moi. Aujourd’hui encore nous sommes ensemble et nous vivons pleinement notre amour, à quelques problèmes près…

Tout était si parfait. Un jour il est venu chez moi, nous avons passé l’après-midi ensemble, mon père était là. Il nous a surpris en train de nous embrasser. L’autre pire journée de ma vie ! Il l’a très mal pris, il l’a insulté de tous les noms. Et il m’a dit : “C’est lui qui t’a influencé !” “Je ne veux plus jamais que tu le revoies, je veux que tu coupes définitivement les ponts avec lui“, etc. Je vais pas raconter ça dans le détail, sinon ça va me rendre fou. Jusqu’à encore aujourd’hui je ne m’en suis toujours pas remis, mes parents ne peuvent plus le voir et moi je ne peux plus les regarder en face, eux. Ils en sont même à regarder le détail de la facture de téléphone, et après ils me taillent derrière, je suis sûr. Je pense qu’il faut vivre tout ça pour comprendre ce que je ressens. Ses parents à lui le savent aussi et eux l’ont tout de suite accepté. Ça m’a fait un pincement au cœur quand il m’a dit ça. Après tout ça, le soir dès que je rentre, le week-end, les vacances, je vis un véritable enfer d’être privé de lui. Comme je l’ai dit tout à l’heure, heureusement que Mélanie et Mathieu sont là sinon je n’aurais pas tenu le coup, je pense…

En résumé on peut dire que Juliette m’a quand même aidé, que mes amis ont toujours été là pour moi et que des parents peuvent gâcher la vie de leur enfant au lieu de le rendre heureux et de l’accepter tel qu’il est. Ça me rend fou. Bref, voilà pour mon histoire, je suis désolé si elle est un peu longue. Et si je peux vous donner un conseil : vivez votre vie et attendez au moins la majorité avant d’en parler à vos parents si vous ne le sentez pas, ça ne sert à rien de se précipiter.

* le prénom a été modifié

Témoignage reçu en novembre 2013 

Le commentaire de C'est comme ça

L'histoire de Tom donne des raisons d'être optimiste, à une nuance près : tout irait pour le mieux s'il n'y avait l'incompréhension de ses parents, qui s'imaginent que son ami Mathieu l'a "influencé" et qu'en les empêchant de se fréquenter ils vont le ramener dans le "droit chemin". Lui-même ne s'est pas totalement libéré des préjugés de sa famille comme en témoignent son assimilation entre "gay" et "efféminé" et l'idée qu'il serait "victime" de son homosexualité. Pour nous, être attiré-e par des personnes de son sexe n'est ni une bonne ni une mauvaise chose, simplement un état de fait, comme être gaucher ou avoir les yeux verts. En revanche, c'est beaucoup plus facile à vivre quand on grandit dans un climat compréhensif. Tom a eu l'intelligence de s'accepter malgré tout, de parler à ses amis et de s'ouvrir à une belle histoire d'amour. Grâce à cela, son groupe d'amis forme un cocon protecteur. Lui resterait à trouver des personnes prêtes à le soutenir pour dire à ses parents qu'il est temps pour eux de réfléchir autrement et de cesser les punitions injustes et inutiles. Depuis novembre, ils ont en effet - entre autres brimades - menacé de le changer de lycée pour l'éloigner de Mathieu et lui ont interdit d'aller à la piscine avec lui. Intimidé, maltraité, mis sous pression, il hésite à les affronter, de peur de rendre la situation plus difficile encore. Nous pensons néanmoins qu'un jour, il trouvera en lui-même et auprès des autres les ressources pour faire cesser ce harcèlement.
Face aux parents, Tom en appelle à la prudence, ce qui se comprend dans sa situation. Nous ne répéterons jamais assez combien il est important de tâter le terrain avant de se confier à ses proches. Son histoire et celle de Mathieu rappellent que nous ne vivons pas tous dans les mêmes familles et que la tolérance ne progresse pas partout, qu'elle décline même dans les milieux où le mariage pour tous a été mal vécu. L'égalité est un combat sans cesse recommencé.

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