S’épanouir au lycée


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Euh voilà, je ne sais pas trop comment commencer à raconter mon histoire ni à partir de quand. D’abord je commence par me présenter rapidement : je m’appelle Clara*, j’ai 15 ans, j’habite en banlieue parisienne et je rentre cette année en première. 

Je me suis rendue compte de mon homosexualité quand j’avais 11-12 ans. Je trouvais cela complètement normal et je savais que les homosexuel(le)s étaient des personnes comme les autres, aussi ça ne m’a pas dérangée plus que ça. C’était même logique puisque je n’avais jamais éprouvé d’attirance envers les garçons, et je regardais plus souvent les filles. Je n’en ai pas parlé tout de suite autour de moi, bien sûr, parce que j’étais en cinquième et je me trouvais un peu trop jeune (d’ailleurs je crois que je n’aurais pas assumé publiquement). Donc j’ai gardé ça pour moi. À la fin de l’année de quatrième, j’en ai parlé à trois ou quatre amis proches qui sont totalement dignes de confiance, même si j’avais peur de leur réaction, mais ils l’ont très bien pris et ne m’ont pas jugée différemment. Cela m’a fait prendre un peu plus confiance en moi, mais je ne voulais pas que cela se sache, j’ai donc gardé le “secret” jusqu’au lycée. Avec le recul, je me dis que je n’en ai pas parlé plus car je trouvais ça complètement normal, et être homosexuel(le) ne demande pas de traitement de faveur ou de défaveur. J’avais aussi un peu peur du regard des autres, car j’étais dans un collège de banlieue assez “mal fréquenté”, avec l’étroitesse d’esprit que cela implique. D’ailleurs, j’entendais souvent des personnes parler “des gays et des gouines” très péjorativement, disant que “ah ! c’est pas bien“, “faut pas qu’ils se marient“, etc. Quand j’entendais ces conversations, ça me mettait mal à l’aise, même si je n’étais pas forcément impliquée, et je savais que s’ils étaient au courant pour mon homosexualité, je n’aurais plus été vue de la même façon. Heureusement que tout le monde n’était pas comme ça. 

Finalement je suis entrée au lycée, et c’est là que tout a changé. J’étais tombée dans une classe où je ne connaissais pas plus de trois personnes, aussi je ne parlais pas beaucoup. Je me souviens que lors d’un des premiers cours de physique, une fille est venue se mettre directement à côté de moi et à faire la conversation. Elle était très sympathique, et s’entendait bien avec tout le monde, et comme je ne voulais pas passer une année sans me faire de nouveaux amis, j’ai commencé à lui parler. Finalement, on était presque chaque semaine en cours de physique et SVT côte à côte, à attendre impatiemment que les cours se finissent. Elle m’a présentée à d’autres personnes de la classe, car je n’en connaissais pas tellement, et c’est un peu grâce à elle si je suis devenue plus sociable. Arriva un après-midi où, pendant un cours, elle me demanda si j’avais un copain. À ce moment-là, je m’étais mise en couple avec une fille depuis une semaine. Je ne savais pas ce qu’il fallait que je lui réponde, même si je la savais très ouverte d’esprit. Je lui ai quand même répondu oui, et là elle m’a demandé son prénom. Grosse panique, puis hésitation. Je ne voulais pas lui dire mais elle ne lâchait pas le morceau, évidemment. Alors j’ai répondu que je lui dirais peut-être le soir par message. Je résume rapidement, au bout d’une conversation d’une dizaine de minutes, je lui dis qu’elle s’appelle Océane. Deuxième grosse pression de la journée, j’attendais sa réponse avec appréhension. Et là, gros soulagement : elle m’a dit qu’elle n’était pas comme tous ces homophobes, que ça ne la dérangeait surtout pas, que ça ne changeait rien, et ne voyait pas pourquoi je ne lui en avais pas parlé plus tôt. J’étais sur un petit nuage et l’ai remerciée un bon paquet de fois, car on en parle d’une manière tout à fait normale.

Un mois plus tard, ma petite amie m’a quittée. J’en ai beaucoup souffert, mais avec le recul, je me dis que ça m’a permis d’avancer et que c’est mieux comme cela. Autre moment plutôt important de ma vie de seconde, qui s’est passé en décembre. Je me sentais bien au lycée, sauf que je pensais de plus en plus à faire un coming out “public”. Logique : j’assumais totalement mon homosexualité, pourquoi ne pas le montrer ? Car même si l’orientation sexuelle de chacun est une affaire privée, je voulais en quelque sorte me prouver que j’assumais, pour me sentir encore mieux. Les vacances de décembre passèrent, et à défaut d’avoir trouvé un moyen de faire une annonce “publique”, j’ai posté un message on ne peut plus explicite sur un réseau social où une grande majorité des gens de la classe et du lycée sont inscrits. Et, grande surprise, je n’ai reçu aucun commentaire homophobe ou déplacé, pas même une remarque négative, mais des encouragements de part et d’autres. Cela m’a aidée à prendre une plus grande confiance en moi d’ailleurs. Mes journées de cours se déroulaient comme auparavant, je me souviens même d’une journée où une fille m’avait demandé en cours si j’étais vraiment lesbienne, et je lui ai répondu oui. C’était encore un peu dur à dire mais je n’avais plus peur des réactions, elle a d’ailleurs souri sans faire de commentaire. Malgré le fait qu’il y ait une fille homophobe dans la classe, elle ne m’a jamais fait une seule remarque, je savais de toute façon qu’elle n’aurait pas pu argumenter contre moi.

Je suis cette année en première, avec des gens totalement différents mais très sympathiques. D’ailleurs, l’un des premiers jours, un ami et moi discutions avec d’autres personnes quand le sujet dériva sur l’homosexualité, où j’ai dit sans gêne que j’étais lesbienne, et cela ne pose toujours pas de problème. Je peux donc dire que j’ai eu de la chance de tomber avec des gens très tolérants bien que notre lycée se trouve en banlieue parisienne, comparé au collège dans lequel j’étais. 

* le prénom a été modifié par l’auteure

Témoignage reçu en octobre 2012

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vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
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