Voilà, je m’appelle Thomas*, j’ai 20 ans. Je vais vous raconter ce qui s’est passé dans ma vie.
Je sais que je suis attiré par les garçons depuis des années : ça a commencé très tôt, au collège. J’ai eu de plus en plus de sensations pour un garçon… mais j’étais aussi attiré par les filles. À l’époque, je ne savais pas ce qu’était l’attirance. Lors de ma troisième, je suis tombé très amoureux d’une fille mais ça n’a pas fonctionné. Puis le lycée est arrivé, je me suis de plus en plus senti attiré par les garçons. Je ne sais pas comment ça s’explique, mais je le savais. J’essayais de me dire que ça allait « passer ». Mais il se trouvait que j’étais autant attiré par les garçons que par les filles. Lors de ma première, je suis sorti avec une fille, ça a duré très longtemps, environ 2 ans. J’étais amoureux mais je regardais parfois les garçons… Arrivé au bout des deux ans, je sentais que j’avais fait le tour de cette relation. J’ai ensuite pris le temps de réfléchir sur moi-même et d’accepter que je pouvais aimer les garçons autant que les filles. Je me considérais donc comme bisexuel.
J’ai eu une amie à qui j’ai pu me confier et ce n’est que vers la fin de ma deuxième terminale que je lui ai dit que j’étais bisexuel (ce que je croyais être, à l’époque). Elle l’a très bien pris et ne m’a absolument pas jugé. Bac en poche, je m’en vais donc à la fac. J’avais quelques appréhensions car c’est un gros changement d’univers. Je n’ai pas été déçu, bien au contraire. La majorité des gens sont tolérants. Lors de ma première année, je n’avais confié à personne ce que j’étais. Je me suis posé de plus en plus de questions. Je me sentais (et je le suis toujours) très attiré par les garçons et je considérais les filles comme de simples amies, je ne me voyais plus tomber amoureux d’une fille mais d’un garçon. J’étais perdu, en pleins doutes. Mais cette première année de fac m’a permis de m’assumer tel que j’étais. J’avais bien réfléchi sur moi et je savais que j’étais gay.
Je n’ai pas osé dire à mes amis de la fac qui j’étais vraiment, j’avais peur qu’ils me jugent… Quand ils me demandaient mes relations passées, je disais juste que j’étais sorti avec une fille pendant deux ans, puis plus rien. Quand ils voulaient savoir si une fille à la fac m’attirait, je disais simplement que je ne recherchais personne pour l’instant ou que personne ne m’intéressait. C’était exactement la même chose avec ma famille, je n’avais rien dit, j’avais peur de leurs réactions. Quand on me demandait si j’avais une copine (la question que je déteste !), je répondais que non mais qu’il y avait beaucoup de jolies filles à la fac et que ça viendrait avec le temps. J’avais peur de le dire à ma famille. Un soir, j’étais invité à un repas et on parlait de la loi sur le mariage pour tous. Ma tante s’est mise à dire « oui oui… ce sont des gens comme les autres mais moi ça me choque« . Croyez-moi, ça m’a fait mal et ça m’a fait d’autant plus mal que mon oncle est totalement contre les homos. Rien que de voir un baiser gay à la télé les choque totalement. Concernant ma mère je ne sais pas trop comment elle aurait réagi alors. Mon père, je pensais qu’il serait sûrement un peu plus tolérant que mon oncle. Je pensais néanmoins que si son fils lui apprenait qu’il était gay, ça lui poserait problème.
Je parle au passé car la situation a changé, j’ai dit à tous mes amis et à toute ma famille que je suis gay. Ma deuxième année à la fac a été révélatrice pour moi. Je l’ai d’abord confié à mes amis. Mes deux potes croyaient que j’étais tombé amoureux d’une fille et essayaient de me faire sortir avec elle. Selon moi, ça a été l’élément déclencheur du fait d’affirmer que je suis gay mais je pense aussi que j’étais arrivé au fait que je devais le dire. Je l’ai donc dit, tout simplement. Tous mes amis l’ont bien pris (beaucoup s’en doutaient d’ailleurs) et rien n’a changé entre nous, bien au contraire, nous sommes encore plus unis qu’avant.
Je n’en pouvais plus également de le cacher à ma famille. J’ai fait des coming out successifs. D’abord auprès de mon autre tante, très ouverte d’esprit, puis de ma cousine et de son copain, très ouverts également. Ils l’ont très bien pris et s’en doutaient d’ailleurs. Tout comme mes tantes et ma grand-mère, qui s’en doutaient elles-aussi. C’est d’ailleurs ma cousine qui m’a encouragé à le dire à mes parents. J’étais mal à l’aise avec eux, j’avais décidé de le confier à tous mais de le leur cacher, c’était comme leur mentir. Le dimanche 17 novembre, j’ai donc décidé de franchir le pas. Ma mère en l’apprenant a pleuré et a finalement « accepté » la chose. Mon père lui, a très mal réagi. Il a été choqué. Mais le pire, c’est quand il s’est mis à pleurer en me disant que j’allais le rendre malheureux jusqu’à la fin de ses jours et qu’il se demandait ce que les autres allaient penser de lui sur le fait qu’il a un fils « pédé ». Je vous épargne beaucoup d’autres réflexions de ce genre. Il ne m’a plus parlé du dimanche et de la semaine (il faut dire aussi que je n’habite pas chez eux la semaine). Le week-end suivant, il m’a reparlé avec une sorte de malaise, mais désormais ça va beaucoup mieux. Je ne sais pas s’il a accepté la chose, mais l’ambiance est bien meilleure (comme s’il ne s’était rien passé). En ce qui concerne ma tante et mon oncle fermés d’esprit, ils l’ont « bien » pris dans le sens où ils ne me jugent pas et ne me diront rien car c’est ma vie et c’est à moi de décider de ce que je fais.
Aujourd’hui je suis très heureux et surtout fier de l’avoir dit et de pouvoir enfin vivre librement tel que je suis.
Je voulais par ce témoignage simplement dire qu’il faut s’accepter tel qu’on est et surtout ne pas avoir honte. Il faut mener sa propre vie, ne pas s’occuper de ce que pensent les autres. C’est notre propre bonheur pas celui des autres. S’ils ne vous acceptent pas comme vous êtes, laissez tomber et menez votre propre vie.
* le prénom a été modifié
Témoignage reçu en août 2013, complété en décembre 2013
Le commentaire de C'est comme ça
Nous avons accompagné Thomas au mois d'août 2013 puis nous l'avons retrouvé en décembre quand nous avons commencé à préparer la publication de son témoignage. Entretemps, lui qui était auparavant très hésitant, avait dit à tous ses proches son attirance pour les hommes. Et ce n'était plus le même garçon. Il était nettement plus serein et sûr de lui, même si ça ne s'est pas toujours bien passé quand il l'a dit, ainsi qu'il le raconte dans son témoignage. Et même si nous ne sommes pas des inconditionnels du coming out à tout prix, son expérience nous a confirmé que vivre enfin au grand jour son homosexualité, sa bisexualité ou sa transidentité fait beaucoup de bien, la plupart du temps, quand on l'a cachée auparavant.
Dire ce genre de chose, le vivre la tête haute, cela peut être compliqué, difficile, et il ne s'agit pas simplement de "faire ce qu'on veut de sa vie". C'est davantage qu'un choix : une nécessité, à un moment ou à un autre, même si ce n'est jamais anodin d'en parler. Nous vous rappelons que notre équipe est là pour en discuter avec vous, de manière totalement confidentielle, si c'est une question qui se pose pour vous.
Pour témoigner sur le site de C'est comme ça,
vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
Attention à bien lire la charte des témoignages avant de nous écrire.