Mon chemin


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Pour commencer, je me présente : moi c’est Harry, 15 ans et quelques mois… Je vis dans le département de l’Oise, en Picardie. Actuellement en seconde, je suis ouvertement gay depuis la quatrième. C’est mon parcours que je vais aujourd’hui vous raconter.

Figurez-vous un petit gars qui ne paie pas de mine au premier abord. Ce petit gars a 6 ans et regarde souvent le film Aladdin de Disney. On l’entend parler, faire des commentaires : “Moi je le trouve beau Aladdin!” “Ouah, il est trop fort, Aladdin !“. Ce petit gars, c’est moi ! Au fur et à mesure que je grandis, je me dis que j’ai toujours su pour mon homosexualité, même si je ne savais pas qu’on appelait ça comme ça. J’ai toujours voué une admiration extrême aux “grands garçons” quand j’étais petit, et je me disais souvent “Qu’est-ce qu’ils sont beaux…”. Eh oui, je regardais déjà les beaux mecs ! Blague à part, je suis rentré en sixième pendant l’année scolaire 2008/2009. Ayant une mère prof dans mon propre collège, je n’avais presque pas d’amiEs… et absolument aucun ami !

Mais ma famille et moi (mes deux parents, mon petit frère et ma petite soeur) avons rapidement déménagé pour cause d’étroitesse de domicile . Cela ne pouvait que m’apporter un grand bol d’air !! Je me suis retrouvé en cinquième dans une classe à effectif plutôt réduit, dans un collège paisible et routinier de campagne. C’est à partir de ce moment précis que les choses ont commencé à changer pour moi.

Aux environs du milieu de l’année, je suis devenu très proche d’un garçon. Et je me rendais compte que j’étais très attiré par lui ! Je ne lui en ai pas parlé, bien sûr ! Mais il est venu dormir chez moi un jour, pendant le mois de juin, et on a carrément dormi ensemble ! Le lendemain, il m’a fait part de ses inquiétudes : monsieur avait peur que je sois “pédé” parce qu’il trouvait ça vraiment dégueu. Je lui ai répondu que je pensais être bisexuel. Mais dès ce jour, nous avons arrêté d’être amis… J’ai commencé à sérieusement me poser des questions sur mon orientation sexuelle.

Après un été passé à me poser ce genre de questions, je suis tombé dans une classe de quatrième où il y avait quatre ou cinq nouveaux, chose rare dans une seule classe … Parmi ces petits nouveaux arrivants, un garçon a instantanément retenu l’attention de l’ensemble de la gent féminine de la classe… puis vers le mois de novembre, de la mienne aussi ! Ce dénommé Willy, yeux d’azur, cheveux de jais, devait devenir le plus grand amour que j’aie connu à ce jour et allait me permettre de découvrir que j’étais sans aucun doute l’un des plus incorrigibles romantiques que la Terre ait jamais portés. Il fréquentait ce genre de garçons si populaires que je trouvais beaux comme des dieux grecs… mais il commençait à devenir un ami. C’est à ce moment précis que je me suis mis à tomber désespérément et aveuglement amoureux de lui, de façon extrêmement passionnée et quelques fois violente !

Mon coming-out s’est déroulé à cette période-ci. J’en ai parlé à une personne qui ne me semblait pas digne de confiance, en le faisant exprès, et deux jours après, le collège entier était au courant que j’étais homosexuel. J’ai fait l’expérience, consterné par la débilité de certains (surtout des garçons), de remarques qui me blessaient profondément à l’intérieur (du genre “Tu voudrais pas faire des choses cochonnes avec moi, ce soir, bébé ?“). En parallèle une popularité un peu malsaine s’est développée autour de moi. Elle m’a toujours un peu gêné, mais je lui suis quand même reconnaissant, car elle m’a permis de me faire de vrai(e)s ami(e)s qui sont toujours là pour moi aujourd’hui.

Pour tenter de mettre fin au doute qui planait sur les sentiments que Willy avait à mon égard, je lui ai fait ma demande, par écrit, vers le mois de janvier. La réponse fut, comme je m’y attendais déjà plus ou moins, NON, mais en des termes amicaux, me signifiant qu’une amitié pouvait s’installer entre nous deux. Mais je n’étais pas préparé, et cette réponse fut pour le moins dévastatrice. J’ai commis une de mes plus grandes erreurs : espérer le faire devenir gay et donc le rendre amoureux de moi … Et j’ai surement dû le “harceler” : je n’arrêtais pas de lui envoyer des messages, des lettres, de lui offrir des choses, etc. Et je peux comprendre qu’au bout d’un moment il en ait eu marre. J’ai honte de moi pour ça aujourd’hui, quand j’y repense … Mais enfin ! Il s’est rendu au bureau de l’infirmière du collège. Je me suis fait convoquer et on a beaucoup discuté, elle me mettait en confiance, je me libérais. Un matin, j’ai laissé un message sur la table du petit-déj destiné à mes parents, dans lequel je leur expliquais que je m’étais rendu compte que j’étais amoureux de garçons et pas de filles comme ils auraient pu s’y attendre. Mon père a réagi de façon très positive en me disant que je devais trouver ma propre façon d’aimer. Mais le sujet restait clos et on n’en parlait pas, quand on se retrouvait en famille.

Alors un jour, j’ai demandé à mon infirmière si elle pouvait prendre rendez-vous avec mon père, ma mère ou les deux. Elle m’a demandé si je pensais que c’était totalement nécessaire et j’ai dit oui. Elle a donc rencontré mon père mais, même aujourd’hui, mes parents restent distants de cette question, même si on parle beaucoup de mariage et d’adoption pour tous, institutions auxquelles mes parents sont tous les deux favorables.

Pour en revenir à Willy, au bout de 10 000 demandes (j’exagère à peine) il m’a clairement fait comprendre qu’il ne voulait plus qu’on se parle. Ça m’a mortifié. J’ai essayé de noyer mon chagrin en demandant à presque tous les garçons de mon entourage masculin proche de sortir avec moi, ce qui n’a fait qu’empirer les choses, bref, l’éclate !

Mais des amies en or se sont révélées à moi et je ne les remercierai jamais assez je pense …

Mon année de troisième s’est plutôt bien passée dans l’ensemble malgré quelques crachats ou insultes reçues dans les toilettes … Mais mes amies étaient là pour moi (je n’avais pas vraiment d’amis garçons à cette période). Je n’avais hâte que d’une chose : être au lycée où je pensais enfin rencontrer le prince charmant.

Malheureusement, le lycée n’est pas un endroit merveilleux de rencontre, pas plus que le collège en tout cas. Même si je me suis rendu compte que je n’étais pas le seul homo de Picardie ! Actuellement, je profite de la vie et j’essaye de ne pas trop me focaliser sur les déceptions amoureuses extrêmement dures à encaisser pour moi. Et je me dis que je dois être fort pour commencer à militer pour mes droits et donc ceux de la communauté LGBT. A celles et ceux qui se posent des questions sur leur orientation amoureuse (je préfère “amoureuse” que “sexuelle”), je leur envoie des milliards d’encouragements et je leur enjoins de se dire qu’il y a toujours une lumière au bout d’un couloir sombre !!! Merci d’avoir porté un peu d’attention à ce témoignage.

Témoignage reçu en mars 2013

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vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
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