Bonjour, je m’appelle Laura* et je suis actuellement en classe de première littéraire avec une option lourde musique. J’ai donc bientôt dix-sept ans mais c’est bien plus tôt que je compris mon attirance pour les filles. C’était vers mes 11-12 ans et c’est durant cette période de ma vie où j’ai le plus changé sur presque tous les points de vue. Je me découvrais petit à petit mais le fait d’avoir une attirance pour les filles ne m’avait pas tant dérangée que ça. Á l’époque, j’avais commencé à lire des mangas traitant justement de l’homosexualité aussi bien féminine que masculine et cela m’a vraiment aidé à me dire : « mais ma chère, tu es parfaitement normale« . Cependant je ne me considérais pas comme étant lesbienne mais seulement bisexuelle. Grâce à un jeu en réseau je rencontrai deux amis, une fille, Julie et un garçon John. Tous deux avaient quatorze ans. Ils prirent une grande place dans mon adolescence et quand j’étais en quatrième je décidai d’en parler à Julie qui le prit évidemment très bien : elle m’aida aussi tout le long de mon acceptation en me rassurant quand je me sentais mal. John, quant à lui, c’était différent, il m’acceptait mais me balançait régulièrement que les trans étaient « répugnants« , que les gays aussi mais que par contre les lesbiennes ça le dégoutait moins. Car OUI, les lesbiennes c’est excitant, nous le savons tous messieurs…D’ailleurs, de nos jours, je parle toujours autant à Julie et nous nous voyons dès que possible malgré la distance, et comme vous devez vous en douter, avec John nous avons rapidement coupé les ponts quand il a commencé à me dire que je devais arrêter de penser aux filles.
Mais le virtuel, c’est bien beau mais passons au côté « réel ». Je fis mon premier coming out à une amie en fin de quatrième. Succès, elle le prit très bien et ne changea pas vis-à-vis de moi. Petit à petit ce furent tous mes amis proches qui furent mis au jus. Malheureusement, une de mes amies cracha le morceau à d’autres personnes. On était alors en troisième et c’est à ce moment-là que rien ne fut plus rose. Tout avait commencé par un surveillant qui était venu me voir alors que je parlais avec mes amis et me demanda – devant tout le monde bien-sûr – si c’était vrai que j’étais « gouine ». Je n’avais aucune confiance en ce surveillant qui faisait régulièrement ami-ami avec des élèves au lieu de faire son travail mais il m’expliqua que c’était au cas où j’aurais des problèmes, que lui ainsi que les autres surveillants seraient au moins au courant. Je confirmai alors et, quelques minutes plus tard, les regards commencèrent à se poser sur moi, les moqueries, les gens qui pouffent et commença un véritable ballet de personne venant me demander si j’étais « gouine ». Si seulement ce n’était que ça ! Je rejoignais mon établissement de campagne (400 élèves, dans un village de 2 000 habitants, à 30 minutes de la ville) à pied par un chemin un peu à l’écart. J’avais pris pour habitude d’écouter la musique et dès le lendemain on commença à m’attendre à la fin de mon chemin, on était loin des regards de l’entrée de l’école et personne d’autre que moi ne passait par cet endroit. Dans un premier temps, des insultes, des moqueries que je n’écoutais pas grâce à mon casque sur les oreilles, même si j’avais de temps en temps coupé le son pour les entendre. Ça commença à vraiment dégénérer quand trois des garçons qui constituaient la bande (composée de garçons et filles) commencèrent à me sauter dessus puis à me plaquer contre le mur ou le grillage en me pelotant comme quoi « j’allais changer d’avis sur les hommes« . Je rentrai en cours en larmes, mes amis ne disaient rien, ne se rebellèrent pas un poil et ne m’apportèrent aucun soutien… Une prof d’anglais commença à me demander ce qu’il se passait et je lui expliquai. Elle voulait que j’aille en parler à la CPE mais je refusai, j’avais peur. J’étais paralysée par cette peur, peur que ça aille encore plus loin en parlant. Mais je n’eus pas besoin de parler pour que ça aille plus loin. Á un moment ce furent des pierres qu’on me jeta et, alors que je pleurais dans les bras réticents d’une amie, mon professeur d’anglais m’attrapa par le bras et me mit dans le bureau du principal. Après avoir convoqué la bande, ce harcèlement prit fin. Cependant dès que je parlais à quelqu’un, au bout d’un moment on avait tendance à venir le/la voir pour lui dire « fais gaffe, c’est une gouine« . Autant dire que je quittai le collège avec une grande joie !
N’ayez jamais peur de parler.
Hormis le coming out fait à mes amis, c’est à ma tante que j’en ai parlé, une tante très proche. Ce n’était pas prévu, elle me narguait sur un ami à moi que j’allais voir le lendemain seul à seul (il était gay c’était d’autant plus amusant) et je lâchai le plus naturellement du monde « moi, c’est les femmes« . Elle le prit très bien et on parla longuement et elle m’expliqua qu’elle m’acceptait mais que si ça avait été sa fille elle ne réagirait pas comme ça, qu’elle ne verrait pas ça du même œil. On en parle librement et j’essaie de lui expliquer le mieux possible et de détruire tous les préjugés auxquelles elle peut croire. J’ai aussi confié mon homosexualité à mon frère ainsi que sa copine après une soirée de vacances un peu arrosée. Ma belle-sœur s’était d’ailleurs levée en criant « j’en étais sûre !« , mon frère quant à lui m’a juste dit qu’une lesbienne c’était excitant (haha). De nos jours mon frère est réticent à tout ce qui est homosexuel mais ne m’insulte pas et ne m’attaque jamais personnellement. Ma belle-sœur quant à elle a un grand-frère homo et trouve ça parfaitement normal. Je finirai mon témoignage en parlant de mon coming out auprès de ma mère. Il se déroula durant une dispute où je lâchai un « de toutes façons, je n’aime pas les hommes, moi c’est les femmes » après qu’elle avait mal pris le fait que je veuille absolument consulter un médecin femme alors que pour elle je devrais bien me dévêtir un jour devant un homme. Et bien sûr, les phrases bateaux « c’est parce que tu n’as pas trouvé le bon, tu es perdue, ça passera« . En attendant, elle et mon père (qui doit sûrement être au courant quand-même) parlent de moi comme si j’allais être avec un homme et que j’aimais les hommes. Après pour ce qui est de l’ambiance de famille ils sont globalement homophobes et je lutte chaque jour pour leur faire comprendre que non, on n’est pas des malades mentaux. C’est mon petit combat de tous les jours envers ma famille mais cela pèse sur la conscience et parfois, je n’y arrive plus… C’est usant.
Je pense qu’il ne faut jamais se cacher, qu’il faut s’assumer comme on est quitte à devoir souffrir, « vivons cachés vivons heureux » disent certains mais je ne pense pas ça. Mais le plus important c’est de savoir qui on est et ne pas se laisser détruire ni laisser ces personnes mettre le doute dans votre tête. Je me suis déjà dit « et si je passais aux hommes, ce serait tellement plus facile… faire semblant« . Mais c’est impossible. Vous êtes qui vous êtes et personne ne pourra rien y changer.
* : tous les prénoms ont été changés.
Témoignage reçu en mars 2013
Le commentaire de C'est comme ça
L'équipe de C'est comme ça admire la combattivité de Laura. Nous sommes d'accord que l'on se sent bien mieux quand on peut vivre au grand jour ses amours et son identité. Mais nous savons aussi qu'il est des situations où c'est impossible, pour une raison ou pour une autre. Aussi sommes-nous très soucieux de dire à ceux qui hésitent à en parler autour d'eux/elles que chacun doit respecter son rythme et qu'il est parfois utile de réfléchir avec d'autres avant de se lancer. Ce site est fait pour ça notamment et vous pouvez nous contacter en privé si vous vous posez des questions.
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