L’exploration d’une nouvelle vie


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Bonjour, je m’appelle Aaron*, j’ai 17 ans et je vais vous parler un peu de moi, mon histoire depuis que j’ai su que je n’étais pas comme les autres.

Je pense avoir su que j’étais différent pendant mes années d’école primaire, à cette époque, je ne savais pas trop ce que c’était que d’être homosexuel, j’en avais bien sûr entendu parler en cours, par les autres, à leur insultes, à leurs blagues mais je n’avais pas vraiment une idée claire de ce que cela pouvait représenter. Depuis tout petit, on m’a toujours considéré comme un « pédé », c’est même d’ailleurs ainsi qu’on m’appelait le plus souvent. Je ne comprenais pas, je ne me comprenais pas, je subissais, j’encaissais jusqu’au moment où j’ai commencé à me remettre en question et à me demander si j’étais vraiment celui que tout le monde insultait. Je n’ai jamais eu de copines, j’ai eu quelques fois de petites amourettes sans vraiment avoir la vision de ce qu’était l’attirance et l’amour. Puis, vers la fin de mes années de primaire, j’ai commencé à regarder davantage les garçons, et c’est de ce fait que j’ai commencé à être attiré par eux, à me demander si je n’étais pas différent des autres garçons qui eux, jouaient au foot, restaient entre eux et étaient attirés par les filles. Je me suis donc aperçu que je n’étais pas un garçon normal, non, je jouais aux Barbie, j’avais prié ma grand mère de m’acheter le bateau Poly Pocket et je détestais par dessus tout le sport, préférant la danse et la musique. C’est ainsi qu’à commencé ma transformation. Arrivé au collège, je me suis retrouvé quatre ans de suite avec ma meilleure amie, pour moi elle était un exemple, un personnage fort, elle possédait tout ce que je n’avais pas : un fort caractère, un « ne pas se laisser faire », elle avait beaucoup d’amis et se faisait beaucoup respecter. Je la voyais, d’années en années, grandir et mûrir, avoir différents copains et puis plus ça allait et plus elle me demandait pourquoi je n’avais jamais de copine, pourquoi je n’étais pas intéressé par elle. Je n’ai jamais eu le courage de le lui dire, j’étais encore trop jeune pour m’assumer, et il faut dire que pendant ces quatre années, personne ne m’avait aidé à m’assumer tel que j’étais ; les autres continuaient de m’insulter, et ma meilleure amie continuait de me défendre. C’est comme ça que ma vie s’est déroulée pendant mes années collège. Et puis, est arrivée la fin de troisième, les adieux comme je le dis souvent. Préférant les arts, ma meilleure amie a fait le choix de ne pas aller en lycée général mais dans une école d’art à Paris. J’allais être seul, sans elle, face à tout ces gens que je ne connaissais pas, qui allaient surement m’insulter et me discriminer.

C’est d’ailleurs ce qui se produisit puisque dès les premiers mois de mon année de seconde, j’avais l’étiquette du petit gay qui ne s’assumait pas, le mec qui était seul et qui n’avait pas d’ami, le no-life comme ils préfèrent dire. Je pense que ça a été les pires mois de ma scolarité, je devenais de plus en plus renfermé, je voyais mes notes chuter, et puis ma mère qui me consolait mais qui ne comprenait pas trop pourquoi je n’arrivais plus à me faire des amis. 2013 approchant, j’avais rencontré trois filles, mes trois folles, elles ont été pour moi des héroïnes, celles qui ne m’ont pas jugé, celles qui m’appréciaient à ma juste valeur. J’allais de mieux en mieux, je commençais à reprendre confiance en moi. Elles étaient mes guides à travers ce renfermement dans lequel je m’étais enfermé au début de l’année. À la fin de l’année, j’ai dû leur dire au revoir, chacune allait dans une filière différente, j’allais encore une fois me retrouver seul. Mais c’est pendant les deux mois de vacances d’été que je me suis dis que je devais faire mon coming out. Aidé par la série américaine Queer as Folk puis par la téléréalité Secret Story, ma confiance a grandi et mon désir de m’assumer aussi. Il ne m’a fallu que quelques semaines, après la rentrée en première, pour le dire à mes amies, et le dire à ceux en qui j’avais confiance. Très vite, ma classe le savait et je me suis rendu compte, que contrairement aux autres années, personne ne m’a insulté ou jugé, au contraire, j’ai été félicité d’avoir pu m’avouer et m’assumer. Aujourd’hui, je suis fier d’avoir révélé à ceux que j’aimais que j’étais différent, que j’aimais les garçons.

D’ailleurs, en parlant de garçons, je ne vous ai pas raconté. Il y a trois ans, alors que je n’étais qu’en quatrième, j’ai rencontré un garçon. Il était plus vieux que moi, il était déjà au lycée, il était beau, il était grand, et très vite j’ai commencé à m’attacher à lui, à sa personne et à son humour. Le seul problème c’est qu’il était hétéro et c’est ce qui me bloquait toute possibilité de lui confier mes sentiments et mon orientation sexuelle. Nous sommes devenus meilleurs amis, et j’ai eu beaucoup de mal à lui dire que j’étais gay. Quand il l’a su, il n’a rien dit, il m’a respecté mais a préféré ne pas en parler. Il a fallu qu’il ait une copine, que cela dure pratiquement un an et demi, pour qu’on ait une grave dispute et que je lui dise que depuis le début je l’aimais. Quand il l’a su, il ne m’a pas rejeté, non, il n’a juste pas compris pourquoi je l’aimais, pourquoi lui et pas un autre. Et c’est à partir de ce jour que nous n’avons plus été aussi proches qu’avant. Plus les mois passaient et plus on mettait de la distance, on se voyait et on rigolait de moins en moins, sa copine me faisait barrage. Mes amies, ma meilleure amie, toutes me disaient de ne plus penser à lui, de l’oublier, mais j’ai toujours ce petit cœur en moi qui bat pour ce mec, pour celui que j’ai aimé pendant plus de trois ans. Grâce à elles, et suite à de longues réflexions sur moi même, je me suis aperçu qu’elles avaient raison, que je ne devais pas le laisser me ruiner, pas comme ça après tout ce que j’ai enduré pendant de longues années et pas après mon coming out auprès de mes amis.

Concernant mon orientation, je ne l’ai pas dit à ma mère, je pense qu’elle s’en doute, que ma façon de parler, mes gestes, mes attitudes et mes attirances pour les comédies musicales comme Glee, me trahissent et lui font dire que peut-être, je ne suis pas comme la majorité des autres mecs. Je pense qu’elle attend le moment où j’irai la voir pour le lui dire, mais je ne la sens pas prête, c’est mon ressenti. Je trouve qu’elle a cet esprit à mon égard trop brusque, qu’elle n’a pas assez confiance en moi pour que je lui dise quoi que ce soit. Mais le jour viendra où je lui dirai « Maman, j’aime les garçons« . D’ailleurs, j’hésite sur la façon de le lui dire — en face à face ? par lettre ? au téléphone ? Je n’en sais rien pour l’instant. En tout cas, depuis que mes meilleures amies et mes amis savent que je suis gay, ma vie a autrement dit changé, je suis différent et j’aime ma différence, j’aime mon nouveau moi, je peux maintenant me libérer et être comme je suis, physiquement, gestuellement et parler comme je le souhaite sans avoir cette crainte de ce que la personne va penser de moi.

Enfin voilà, merci à ceux qui m’auront lu, j’espère ne pas avoir été trop répétitif et ennuyeux. Je pense que faire son coming out auprès de ses amis est la meilleure chose à faire, cela nous aide à nous sentir mieux, à nous sentir pousser des ailes, à révéler notre vrai moi. Qu’on soit gay, hétéro ou bi, cela ne change rien, nous sommes humains et nous avons tous le désir de rencontrer et partager l’amour avec quelqu’un, c’est comme ça que je vois les choses et c’est tout simplement comme ça que l’on pourrait vraiment être tous acceptés.

PS : Je tenais à rajouter que cela fait maintenant quelques mois que nous nous écrivons avec l’un des répondants de C’est comme ça et qu’il m’a été d’une grande aide. Les personnes qui s’occupent de ce site sont là pour nous aider à nous confier si nous en avons besoin, à pouvoir parler de choses qu’on ne peut dire à personne. Je tenais donc à dire à toutes les personnes qui ont eu le courage de me lire jusqu’ici et qui n’ont pas encore eu la chance de parler avec les répondants de C’est comme ça que vous êtes bienvenu-e ici, que vous ne serez jamais jugé-e, au contraire. Il y a quelques mois, plus précisément en novembre 2013, j’ai écrit ce témoignage dans l’espoir d’être écouté et de partager mon parcours durant ma petite vie qui évolue de jour en jour. Me voici maintenant en mars, pratiquement cinq mois après, et sachez que j’ai vécu énormément de choses, des choses dont jamais je n’aurais pu me douter. Maintenant j’ai un petit ami, oui, je l’ai enfin trouvé ce prince que j’attendais tant. Alors je tiens à dire à tous ceux qui perdent espoir de voir un jour le grand amour : ne renoncez à rien, il arrivera un jour, je vous le jure.

* le prénom a été modifié

Témoignage reçu en novembre 2013, complété en mars 2014

Pour témoigner sur le site de C'est comme ça,
vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
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