Je viens vous écrire car je suis bisexuelle, je sors avec une fille depuis un mois, et j’ai de gros soucis avec mes parents. Ils sont homophobes. Ils prétendent que non, mais si vous saviez les horreurs qu’ils disent (surtout mon père). Étant plus jeune, en sixième si mes souvenirs sont bons, j’avais essayé de parler à mes parents de mes attirances envers les filles, et j’ai tout de suite eu des paroles atroces, et des réflexions qui font mal. Surtout de la part de mon père : « Tu ne vas pas me faire honte, tu ne vas pas aller brouter des minous… » et j’en passe. Des paroles qui sont toujours là dans ma tête 4 ans après. Ma mère croyait que ce n’était que de passage comme tous parents d’ailleurs je suppose. Mais non, pas pour ma part. Les deux sexes m’attirent malgré ma forte préférence envers les filles que je n’ose pas m’avouer encore.
En début d’année, je suis rentrée à l’internat, donc je suis la semaine à l’internat et le week-end chez moi. J’ai rencontré Sandra* (la fille avec qui je sors actuellement), qui elle est lesbienne et bientôt majeure. Pour ma part je suis âgée de 17 ans. Je suis donc avec ma copine tous les jours et tous les soirs car elle aussi est à l’internat. Tout se passe bien, je vis un rêve éveillé.
Pour parler un peu de mon passé, avant je ne m’assumais pas du tout, je me disais que ce n’était pas normal d’être bisexuelle etc., j’avais peur des jugements des autres, de mes ami-e-s, etc. Désormais, c’est peut-être le fait aussi d’être avec quelqu’un qui s’assume totalement, je m’assume aussi dans le sens où les critiques des autres, j’en ai rien à faire. Je parle là pour le lycée, mais la famille, c’est pas pareil. J’avais peur d’être rejetée par mes ami-e-s proches, mais par surprise j’ai bien été acceptée et ça a été le grand soulagement de savoir que je pouvais compter sur mes ami-e-s.
J’aimerais pouvoir compter sur ma famille comme tout le monde, me confier. Mais j’ai tellement peur à nouveau, tellement peur qu’ils m’empêchent de voir Sandra, tellement peur d’être rejetée, d’entendre des propos douloureux… J’ai tellement peur que je suis tétanisée à l’idée de leur en parler. Mais j’aimerais vraiment vraiment leur dire.
Pendant les vacances, je vais aller en boite avec Sandra, et mon père m’a demandé avec qui j’allais y aller, je lui ai donc répondu :
– Avec Sandra, et d’autres amies.
Et il me dit : « C’est qui Sandra ?
– Cela fait 10 ans que je t’en parle, si tu ne sais toujours pas qui c’est, il va falloir s’inquiéter. »
Je commence à partir et il me dit :
– Mais Sandra, elle sort avec des garçons ou des filles ?
Question à laquelle je ne m’attendais absolument pas, et qu’il ne m’avait jamais posée ! Je ne lui réponds pas sur le coup. Il me dit :
– Des filles, c’est ça ?
Je lui dis : « Oui ». À ce moment-là, ma mère arrive et mon père lui dit :
– Tu savais que Sandra sort avec des filles ?
Elle dit oui. Je lui dis : « Maman est au courant hein ! ». Il me dit :
– Au courant de quoi ? Tu sors avec elle ?
Je lui dis « Non » avec un grand sourire. Il me dit :
– Ne me dit pas de conneries hein !
Je lui dis : « Mais alors ? Qu’est-ce que ça peut te faire ? Je vis ma vie comme bon me semble ! »
Et je m’en vais, énervée. En revenant, il me dit :
– Mais je te taquine.
Je lui dis : « Hm » en restant froide et en prenant mes distances. En allant dans la voiture seule avec ma mère, je lui demande pourquoi mon père m’a posé cette question, elle me répond qu’elle ne sait pas. Et là, je lui dis :
– Mais de toute façon quoi que vous me disiez, je m’en fiche, je suis heureuse, je vis ma vie comme je le souhaite, je ne vais pas m’arrêter de vivre pour vous !
Elle me répond : « Mais je n’ai rien dit ». Fin de la discussion.
Vendredi dernier j’ai vu mon parrain (qui est homosexuel), et en discutant il me demande où j’en suis, les amours etc. Je lui dis alors que j’étais dans une période compliquée et assez difficile à vivre même si je suis épanouie comme ça ; il me demande alors ce qui se passe. Je lui ai donc dit que je sortais avec une fille : Sandra. Sur son visage, un sourire s’est dessiné, c’était magique. Il m’a dit que c’était génial, etc. Et je lui ai demandé des conseils pour savoir comment aborder le sujet avec mes parents, il m’a clairement dit de ne pas le leur dire maintenant et pas brut de pomme comme il dit ; il m’a dit qu’ils le comprendront tout seuls. Je l’ai donc remercié, et il m’a dit que si j’avais besoin de lui, il serait là.
Ensuite, le lendemain ma tante m’a demandé : Alors avec ton copain ça va ? Je lui ai dit : « C’est une copine… » Elle me dit : « Oh ! Tant que tu es heureuse c’est génial ».
Juillet 2014
Les choses ont changé depuis février. Je ne suis plus avec Sandra, et j’ai rencontré une fille avec qui je suis depuis deux mois.
J’en avais marre de me cacher, pour voir ma copine j’étais obligée de mentir à ma mère puisqu’elle habite à 30 minutes de chez moi, et qu’elle n’a pas encore le permis, donc elle prend le train. Alors, j’en ai eu marre de mentir et me cacher, j’ai alors pris mon courage à deux mains et ai avoué à ma mère en pleurs que j’étais avec une fille, Coline*. Je me suis effondrée en lui avouant car j’ai eu très peur, très très peur de sa réaction, mais elle l’a plutôt bien pris, et elle m’a dit que de toute façon elle m’aimerait quoi qu’il arrive, même si elle préférerait avoir des petits-enfants, un gendre, etc. Je n’ai pas répondu à cela, je lui ai dit que je comprenais, mais que j’étais heureuse comme ça. J’ai alors essayé de parler du sujet de mon père à ma mère, elle m’a dit qu’il accepterait, qu’il mettrait beaucoup plus de temps mais que tout ce qu’il a pu dire, il ne le pensait pas et elle m’a dit : “Tu sais bien que ton père t’aime plus que tout, et qu’il te ne laissera jamais. » Je ne lui en ai pas parlé encore car c’est trop tôt, et puis j’appréhende beaucoup quand même, mais il me pose des questions car ma copine m’a offert une bague, je l’ai mise et mon père n’arrête pas de me poser des questions : « C’est quoi cette bague ? Qui te l’a offerte ? » Je lui dis qu’il ne saura pas, puis je m’en vais.
Ma mère a tout de même encore du mal car elle ne veut pas qu’elle dorme à la maison, mais je comprends, je suis allée dormir chez ma copine, et voilà. On se cache encore devant ses parents car ses parents n’acceptent pas l’homosexualité de leur fille. Mais disons, que je suis heureuse et que c’est un « grand pas ».
Et puis, j’ai réussi à m’assumer d’avantage grâce à ma copine, même si on s’est faites emmerder à plusieurs reprises par des cons, des homophobes de merde, mais désormais je n’ai plus peur de tenir la main de ma copine dans la rue, de l’embrasser, et les gens qui viennent nous chercher la merde, je réponds, je m’énerve, c’est plus fort que moi.
C’est avec plaisir que je vous écrirai quand j’aurai le courage de le dire à mon père qui, je pense, commence à s’en douter, mais je n’ai pas encore assez de courage pour lui annoncer. J’ai encore bien trop peur de sa réaction.
Mars 2015
En ce moment, je suis en couple avec une fille de mon lycée, ça va faire un mois qu’on est ensemble, Jeanne* et moi. Ses parents savent pour nous deux, ma mère sait aussi, mais pas mon père. J’ai toujours pas réussi à lui en parler, mais disons que je pense qu’il le sait, qu’il se voile la face, mais je n’ai toujours pas trouvé le courage de le lui dire.
* les prénoms ont été modifiés
Témoignage initial reçu en février 2014
Pour témoigner sur le site de C'est comme ça,
vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
Attention à bien lire la charte des témoignages avant de nous écrire.