Connaître, comprendre et accepter


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Je m’appelle Hélène*, j’ai 19ans et j’habite près de Clermont Ferrand. Je voulais envoyer mon témoignage, mais en réalité je ne sais pas s’il sera vraiment utile à quelqu’un, vu que je n’ai pas trouvé de personne dans ma situation, et puisque quand je lis ce qu’il y a déjà sur le site, c’est principalement des histoires douloureuses avec plein d’épreuves et d’obstacles. Ca n’a pas été le cas pour moi. J’ai pourtant connu beaucoup de rejets quand j’étais petite, en primaire surtout, parce que je ne convenais pas du tout aux normes. Mais en grandissant, j’ai eu la chance de trouver qui pourrait bien m’entourer, et surtout ne pas avoir peur d’être seule plutôt que mal accompagnée. Je me suis toujours méfiée des aprioris, j’ai grandi dans un cadre plutôt libre d’esprit, où l’on m’a appris à réfléchir par moi-même et ne pas écouter aveuglément l’avis des autres. Donc quand je suis tombée amoureuse d’une autre fille la première fois, je l’ai assumé et je le lui ai dit sans hésitation, même si ça n’a pas abouti.

En réalité, je ne suis pas lesbienne, peut-être bi, en soi je m’en fiche un peu, je suis tombée amoureuse de plusieurs garçons, puis de filles, et je ne m’en suis jamais cachée… mais je n’ai jamais ressenti d’attraction physique ni pour l’un ni pour l’autre. Même si je sais reconnaître la beauté d’un corps, il ne m’excite pas…

Je me suis intéressée pour la première fois à l’homosexualité à cause du (ou grâce au) BL [Boy’s Love = type de manga mettant en scène des amours entre garçons mais plutôt destiné à des lectrices filles]. Avec le recul, je me dis que c’était peut-être parce que justement je n’avais pas à me retrouver dans le couple comme c’était le cas dans les histoires hétéros, mais je n’en suis pas sûre, je trouve toujours qu’il y a une certaine sensualité dans les couples gays que l’on ne retrouve pas chez les hétéros. Je lisais beaucoup d’histoires d’amour sur le sujet, et peu à peu, j’ai voulu me renseigner sur le contexte, l’histoire de l’homosexualité, l’origine de l’homophobie, les explications rationnelles sur l’orientation sexuelle et amoureuse… J’en étais si passionnée que je ne parlais que de ça (je dois avouer que ça n’a pas énormément changé aujourd’hui, même si je fais des efforts), il était donc difficile d’ignorer ce que je pense sur le sujet…

Comme c’est arrivé à la fin du collège puis au lycée, les mentalités des autres avaient suffisamment évolué pour que les gens essaient d’argumenter un minimum plutôt que de balancer des insultes homophobes (j’ai eu la chance d’aller dans un lycée où la seule intolérance est envers les intolérants, et où il était très mal vu d’être raciste, homophobe ou extrémiste). Comme j’étais entourée de personnes plutôt intellectuelles et très cultivées (contrairement à moi), mes amis l’ont bien pris, quant aux autres… Et bien, ceux qui me détestaient avant me détestent toujours, et réciproquement. Je ne suis jamais rentrée dans le moule, même enfant, alors pour la plupart des gens ce n’était qu’une excentricité parmi tant d’autres.

Bien sûr, ça n’est pas tout rose, j’ai aussi déjà eu affaire à des homophobes, ou à des gens qui me prenaient pour une malade physique ou psychique parce que mon rapport à la sexualité n’était pas le même que le leur (ce qui a été souvent plutôt blessant). Autant pour mon manque de sexualité je suis plutôt mal à l’aise, mais pour les homophobes, je peux gérer : à cause de mon grand intérêt pour l’histoire homosexuelle, je connais les théories farfelues sur l’explication scientifique de l’orientation sexuelle et les arguments religieux en faveur de l’homophobie, alors je n’ai pas de mal à contre-argumenter ce qu’ils disent d’une manière générale (et puis, les arguments sont souvent toujours les mêmes…).

Et depuis l’année dernière, je suis fiancée à une fille, qui n’est autre que ma meilleure amie depuis un bon nombre d’année. Notre relation n’a jamais vraiment été de l’amitié, sans jamais ressembler à un amour normal non plus, donc ça a toujours été compliqué pour nous de nous situer, car nous ne ressentions pas de désir physique pour l’autre (d’autant plus qu’elle était persuadée d’être hétérosexuelle). Pourtant, nous éprouvions beaucoup de jalousie, de dépendance, d’affection… beaucoup plus que lors d’une amitié normale. Depuis deux ans, nous avons laissé tombé les marquages entre amitié et amour, nous avons cessé de chercher à mettre un mot sur notre relation. Nous vivons donc une relation amoureuse/amicale qui nous convient à toutes les deux. Elle m’a demandé en mariage (ou en PACS, on verra), afin d’avoir un cadre législatif pour nous simplifier la tâche quand on nous demande ce que l’on est l’une pour l’autre, même si en soi notre relation ne changera pas. Le problème est que, si nous l’avons annoncé à nos groupes d’amis, nous n’en avons pas encore parlé à nos parents, seule ma mère est au courant et elle n’est pas vraiment pour cette option. Je ne sais pas comment en parler à mon père sans qu’il le prenne mal…

Pour éclaircir le niveau famille, mon père est légèrement homophobe, et ma mère attend impatiemment être grand-mère, mais je n’ai jamais été rejetée par eux lorsque je donnais mon avis sur l’homosexualité, même si mon père pense que c’est juste une lubie qui finira par me passer… J’ai deux frères, mais aucun des deux n’a eu de relation sérieuse avec des filles, voire pas du tout, ce qui fait que mes parents se reposent beaucoup sur moi pour me caser la première avec un homme pour lui faire un enfant… Ce qui va s’avérer compliqué puisque mon mariage ne rentrera sûrement pas dans leurs normes. J’ai tout de même une cousine lesbienne qui est très bien acceptée par la famille du côté de ma mère, donc je ne pense pas que ma bisexualité (ou quel que soit son nom) pose véritablement un problème.

Néanmoins, je pense que j’ai de la chance d’avoir pu vivre mon histoire, même si ça n’a pas toujours été facile, parce que j’ai eu suffisamment de force pour me dire que c’étaient les homophobes qui avaient tort et non pas moi ou les homosexuels, et parce que j’ai pu assumer mes sentiments pour ma meilleure amie.J’espère que tous ceux qui ne savent pas ce qu’ils ressentent vraiment ou qui cherchent des étiquettes pour leur orientation trouveront ce dont ils ont besoin, et sauront laisser tomber ce qui n’est pas nécessaire, parce que pour moi, le plus important, c’est de s’accepter soit même.

* le prénom a été modifié

Témoignage reçu en février 2014 

Pour témoigner sur le site de C'est comme ça,
vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
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