Je me présente en quelques lignes… Je m’appelle Julien* et j’habite dans l’Oise (en Picardie).
Je vais vous parler de l’année qui s’est écoulée et qui fut très pénible pour moi. Depuis à peu près deux ans, je chante dans un groupe dont je connaissais le guitariste, Tom, depuis trois ans. J’avais de l’attirance physique pour lui mais ça n’allait pas plus loin. Cette attirance s’est transformée peu à peu en amour. J’avais envie d’aller plus loin avec lui, de l’embrasser… Malheureusement, il est hétéro.
Par ailleurs, ma famille n’était pas au courant que j’étais gay. Ma mère a fait une récidive de cancer, et j’ai entendu mon père avoir quelques réflexions homophobes…. Bref, l’ambiance n’était pas idéale pour faire un coming-out.
Au mois de septembre 2011, je suis rentré en terminale bac pro boulangerie pâtisserie. J’étais dans une classe assez mixte, et le début d’année s’est bien déroulé. Jusqu’en décembre, janvier… où j’ai eu le malheur de dire à mes camarades de classe que j’étais homo. Alors, j’ai reçu des réflexions homophobes, comme quoi, je n’étais pas normal, que je devais me faire soigner… Que des trucs comme ça, tous les jours. Alors je me suis tourné vers ma prof de français : on a beaucoup parlé tous les deux dans un premier temps. Après, pendant une heure de cours, elle a lancé le débat sur les homosexuels, l’homophobie. Les autres ont dit que c’était pour rigoler… Quand c’est une réflexion peut-être, mais quand c’est plusieurs fois par jour, ce n’est plus drôle. Par exemple pendant toute une journée, deux personnes n’ont pas arrêté de me dire « mon cœur » à la fin de chaque phrase, ou « en parlant de gay, le voilà le PD« . C’était très énervant. J’ai fini par m’isoler et n’écouter que moi.
Je suis allé voir aussi le Conseiller principal d’éducation et grâce à cela, à la fin de l’année, je n’entendais plus de réflexions homophobes : ils ont fait pression sur ces élèves. J’aurais bien voulu faire intervenir SOS Homophobie pour une session de prévention dans ma classe, mais c’était trop tard à l’approche du bac.
À ce moment-là, mon amour pour Tom, le guitariste du groupe, était toujours présent dans mon esprit et cela me tourmentait aussi. Alors il y avait deux solutions : soit quitter le groupe pour moins le voir et moins souffrir, soit continuer à m’épanouir dans la musique. Il faut savoir que c’est avec Tom que j’ai créé le groupe et composé les chansons. On se voyait au moins deux, trois fois par semaine, et ayant les mêmes goûts, on partageait beaucoup de moments, des sorties, des soirées, des discussions… C’est très dur à gérer, surtout lorsque je le voyais dans les bras de sa copine.
Tom m’admire et m’apprécie beaucoup. Je me suis longtemps demandé si je devais lui révéler mon attirance pour lui. Pour l’instant, je n’y suis toujours pas prêt, car je l’adore et je ne veux pas que notre relation amicale soit perturbée.
Finalement, j’ai décidé de continuer de chanter avec ce groupe. On est très bien ensemble. On a commencé à se produire en concert, et c’est vraiment top ! J’ai pris la bonne décision de ne pas quitter le groupe car c’est fantastique les bienfaits de la musique. On passe beaucoup de bons moments, sur scène comme en répétition, avec Tom et mes autres amis musiciens que jamais je ne pourrai oublier.
Je suis heureux maintenant, car j’adore ce que nous faisons, et je ne regrette pour rien au monde ces moments passés — en toute amitié — avec Tom. Grâce à internet, j’ai rencontré un garçon au début du mois de juillet. Il fallait que je passe à quelqu’un d’autre.
J’ai eu mon bac pro avec mention. C’est après que j’ai fait mon coming-out auprès de mes parents et de ma famille. J’ai déposé une lettre avant de partir chez Tom. J’ai passé la journée à stresser, sans vraiment prévoir leur réaction. Avec ma mère, on n’avait jamais parlé de ça. Et j’avais vu mon père changer de chaine à la télé quand il voyait des homos… Mais, je me suis lancé. Quand je suis rentré, le soir ma mère m’a dit que si j’étais heureux comme je suis, c’était l’essentiel. Mais que c’était peut-être passager… Mon père pleurait. Les jours qui ont suivi, on n’en a plus parlé. Comme si je n’avais jamais déposé cette lettre… C’est très frustrant.
Dans les semaines qui ont suivi, j’ai eu quelques réflexions de ma part de ma mère. Par exemple, je suis allé passer un samedi au bord de la mer avec une amie elle m’a dit : « Vous y allez en amis ou petits amis ?« . Je lui ai bien dit qu’avec elle, il n’y aura rien mais elle continue à espérer : « Tu sais, tu es encore aux découvertes, ce n’est peut-être qu’un passage, beaucoup d’ados tentent des relations du même sexe avant de se lancer dans l’autre voie.« . Mon père s’y met aussi parfois, il m’a dit : « Regarde ta mère et moi nous avons eu le coup de foudre assez tard« . Mais je sais ce que je suis. J’aime les garçons un point c’est tout. On casse le rêve des parents d’avoir des petits-enfants et de se marier. Mais ça va venir, gardons courage et espoir. Ce n’est pas de notre faute si l’on est comme ça et pas la faute de nos parents.
Pour finir, je voulais parler de l’homophobie dans le sport. Durant ma première au lycée (j’avais les mêmes camarades), on devait choisir entre deux groupes suivant les sports qui nous intéressaient. J’ai pris step car j’aime bien danser et c’était une découverte. J’ai entendu dire que « le step, ce n’est que pour les tapettes« … C’est faux. Pourquoi serait-on obligé d’aimer le foot, et pas la danse ? Mon cousin, par exemple, fait de la danse classique depuis tout petit, certes un sport très féminin, mais lui a une copine… Au début, ses parents étaient assez hostiles, ils ont accepté mais en lui faisant plein de remarques, et ses copains d’école se sont beaucoup moqués. C’est n’importe quoi de penser comme ça. Il a vite fait taire les mauvaises langues parce qu’il est hétéro. Moi aussi j’aime bien danser. Je vais voir mon cousin lors de son spectacle de fin d’année. Et quand on se voit, on danse ensemble. Il y aussi des gays dans le foot, dans la natation, ou dans le rugby, alors pourquoi catégoriser les gens ? De mon côté, je n’ai pas trop à me plaindre. Je n’ai pratiquement pas reçu de moqueries quand j’ai dit que j’étais homo aux gens de mon club de natation.
Je vais conclure à présent. Si vous vous êtes reconnus dans mes différentes expériences, je vais vous dire qu’il faut écouter votre cœur. Faites ce que vous avez envie de faire à fond !
Pour les réflexions homophobes, protestez ! Dites ce que vous pensez quand vous entendez des moqueries et autres. Si ça ne se calme pas, prévenez comme moi un prof en qui vous avez confiance, ou le CPE. Et normalement, ca s’arrangera. C’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire, je sais.
*le prénom a été modifié par l’auteur.
Témoignage reçu en janvier 2012
Le commentaire de C'est comme ça
Cher Julien,
Ton témoignage regroupe une histoire d’amour impossible avec un ami hétéro, un harcèlement scolaire et un coming-out familial : cela fait beaucoup à endurer pour une seule personne, qui prépare le bac en parallèle ! Nous te félicitons donc pour le courage avec lequel tu as réussi, une par une, à faire avancer ces questions.
Nous ne pouvons qu’encourager, comme toi, les victimes de harcèlement scolaire à s’adresser à un adulte de confiance. C’est bien sûr plus facile lorsque cet adulte peut être un parent, mais tu montres dans ton histoire qu’un professeur peut aussi apporter une aide précieuse.
Un aspect important de ton récit est le développement de toutes les activités positives qui t’ont aidé à "garder le moral", à prendre confiance en toi, à te faire des amis. Effectivement, lorsque l’on est coincé entre des difficultés familiales et scolaires, il faut un havre de paix. Cela peut-être une activité sportive, artistique, culturelle, sociale, etc. Une telle passion est une force : elle permet de s’affirmer, de se sentir valorisé, et de trouver une façon d’exprimer ses sentiments.
Pour témoigner sur le site de C'est comme ça,
vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
Attention à bien lire la charte des témoignages avant de nous écrire.