Aimer au-delà du genre


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Bonjour, je suis tombée sur votre site par hasard, et j’ai eu envie, moi aussi, de témoigner, car je pense que cela peut me faire beaucoup de bien et aussi, je l’espère, aider d’autres personnes. Mon témoignage traite de bisexualité.

D’aussi loin que je m’en souvienne, je ne me suis jamais sentie hétérosexuelle. En primaire, j’étais amoureuse d’un garçon, au collège je flirtais aussi avec des garçons. Pourtant, dès mon entrée au lycée, j’ai tout de suite senti que je pourrais être moi-même. Moi-même, ça ne voulait pas dire affirmer être bisexuelle (comment faire à 15 ans et sans preuve !), mais je me suis sentie libre car j’étais une “mini-adulte”. Je ne sais plus quel a été le déclic, je me souviens seulement avoir pensé que trouver des filles belles au-delà d’une simple admiration, ce n’était pas grave. On avait de toute façon toujours pour habitude de me dire que j’étais “bizarre”, mais j’étais avant tout la “p’tite rigolote”, j’avais donc beaucoup d’amis et avais un bon feeling avec les gens. J’ai grandi en famille d’accueil, qui m’a toujours beaucoup gâtée et chérie comme leur propre enfant. Vers l’âge de 13-14ans, ma “maman” (de famille d’accueil) nous a appris que son fils était gay. En voyant que rien ne changeait dans le comportement de mes “parents”, j’ai dû prendre conscience que le sexe de la personne qu’on aime n’avait aucune importance. Pour moi qui n’avais de cesse de veiller à ne jamais les décevoir, je m’enlevais un poids, sans vraiment savoir qu’il serait d’une grande importance.
J’ai passé le reste de mes années lycée à flirter avec ce pseudo statut “bi”. Je sortais ce terme auprès de mes amis quand cela me plaisait, sans avoir jamais vécu d’histoire avec une femme. C’est vrai quoi, je n’avais jamais trouvé le corps d’une belle femme repoussant, alors pourquoi ne pouvais-je pas m’autoproclamer bisexuelle ? J’étais libre de dire ce que je voulais, et personne ne m’en voulait pour ça ! Puis mes années lycée se sont écoulées, sans que rien d’exceptionnel ne se produise.
Souffrant d’être encore vierge à 18 ans (pas un drame, mais quand nos amies ne le sont plus, si, n’est-ce pas ?), je me précipite dans les bras d’un quasi-inconnu une fois entrée dans la vie active. Cette expérience ne m’a rien apporté de spécial, cela m’a juste permis d’entrer dans les bonnes statistiques.

Je reprends mes études. Je suis un jour invitée à une soirée chez une amie dans son département, loin de chez moi. La soirée commence, des gens arrivent… Et là, je rencontre LA fille. Celle qui me tape dans l’œil.Celle qui a des bracelets aux couleurs de la gay pride. Celle qui pourrait me donner la preuve de ce que mon cerveau avance depuis tellement d’années. La soirée se déroule, je ne lui parle pas spécialement. Nous buvons, tous, cela réchauffe les corps et les cœurs. Puis, seules, à l’écart, je me lance. Je lui demande : “tu es lesbienne?”. Ce à quoi elle me répond favorablement. Elle me retourne inévitablement la question, je la gratifie alors d’un désespéré “je ne sais pas”. Nous échangeons, librement, sans tabou. Plus tard, enhardie de la situation, je la prends par la main et l’emmène dans un coin plus tranquille. Nous nous embrassons. Et cela reste le plus intense des baisers que j’aie jamais échangé. Plus je l’embrassais, plus j’avais envie de continuer, plus j’avais envie de la serrer contre moi, plus j’avais envie de la connaître. Je pense que nous avons toutes deux été assommées par la puissance de notre échange. Nous avons passé la nuit ensemble, en tout bien tout honneur, ou presque. Le lendemain, la situation avait changé, je ne savais pas comment agir, n’étant sortie qu’avec des garçons et surtout n’ayant pas d’expériences de “lendemain de soirée” avec quelqu’un dans mon lit. Nous étions à la fois à l’aise et mal à l’aise, ne sachant que faire, n’ayant pas de choses à nous dire. Tout le monde savait ce qui s’était passé, mais elle comme moi nous en fichions. Nous nous sommes quittées en nous faisant la bise, sans promesse, sans mot. Nous nous sommes ajoutées sur un site communautaire bien connu mais l’histoire s’arrête là.
Enfin presque…

Quelques mois plus tard, je fais une rencontre très fortuite. Je tombe sur un homme intéressé, intéressant, qui semble correspondre à tous mes critères. À l’heure actuelle, nous sommes toujours ensemble et cela fait 7 mois. Je suis amoureuse de lui, il est amoureux de moi. Nous avons des projets, nous ne nous cachons rien, je suis fière d’aimer et d’être aimée en retour.
1 an après la fameuse soirée, celle-ci est reprogrammée. Je vais donc revoir LA fille. Mon ami est également invité, en toute logique. Comme je ne souhaite pas le lui cacher, il sait déjà ce qu’il s’est passé. La soirée se déroule doucement. Puis ELLE arrive. Une sensation étrange me parcourt. De la nostalgie, de l’envie, de la culpabilité. Nous nous disons bonjour, puis au revoir le moment voulu, toujours sans mot ni promesse.

Je reçois un message le lendemain. C’est ELLE. Elle me dit que cela a été étrange pour elle de me revoir. Je lui confie que cela est réciproque. Notre situation m’agaçait. J’avais quelqu’un, elle avait quelqu’un. Moi qui aurais voulu continuer il y a un an, je revoyais cette fille et elle me faisait de nouveau déchanter ! À ce moment, nous échangeons, parlons de devenir amie. Quoi que l’on puisse en dire, en vérité… nous nous draguons. Nous parlions enfin. Enfin, je découvrais qui elle était. Celle qui était un mystère pour moi n’en était plus un. Et cela me plaisait d’autant plus. Et plus nous échangions, plus j’avais la preuve que cette expérience nous avait transcendées.
Mon ami, amusé au départ de la situation, a commencé à être jaloux. Et moi, désemparée devant cette situation, j’étais simplement confuse dans mes émotions, mes sentiments…

Je sais à présent que je ne devrais plus lui parler, qu’elle aussi devrait arrêter de me parler, mais je n’en ai pas envie. Désir, fantasme, relation passionnelle, pourquoi faire du mal à mon copain, que j’ai eu tant de mal à trouver et qui me correspond si bien ? Mais pourquoi cette obsession perdure, un an après, alors que le contact vient seulement d’être établi ? J’ai comme l’impression d’avoir récupéré quelque chose que j’avais égaré.

Voilà mon témoignage. Je suis tellement confuse, j’avoue qu’écrire ce témoignage est libérateur, il n’apporte néanmoins pas de réponses. Quitter mon copain est inconcevable. Le tromper l’est encore plus. Mais lâcher celle qui m’a fait autant vibrer l’est mille fois plus…décembre 2013
Depuis juillet, il s’est passé beaucoup de choses…

J’ai repris contact avec la fille en question en septembre, ce qui ne m’a pas été favorable, car j’ai ressenti de nouveau cette passion… Nous ne nous sommes pas vues, nous avons juste communiqué par Skype, heureusement. J’ai douté de mes sentiments envers mon ami, je lui ai fait du mal, parce que je ne peux toujours rien lui cacher, et comme ce n’était pas mon but, j’ai décidé d’arrêter progressivement jusqu’à totalement mes échanges avec la fille. De son côté, elle était aussi perdue mais n’exprimait pas autant ses sentiments que moi… Mais vu que nous avions toutes les deux quelqu’un, on était dans une impasse, donc on a juste laissé tomber… Devenir amies était et est toujours impossible d’après moi… Du coup, je suis toujours avec mon copain, depuis plus d’un an maintenant, ça se passe très bien, mais je pense à elle très souvent, n’ayant aucune nouvelle… C’est dur parce que souvent j’ai envie de craquer, de lui envoyer un texto ! Mais tout recommencerait ! 🙁
J’en arrive toujours à la même conclusion : je suis jeune (21 ans), tout peut encore changer dans nos vies, donc j’essaie de ne pas me prendre la tête ! Être avec quelqu’un, c’est avoir des projets, et c’est mon cas… Mais je ne peux toujours pas m’empêcher de penser à elle et à ce qu’on a ressenti, et ressent toujours…

 Décembre 2014
Je reviens un peu sur mon histoire pour en quelques sorte la clôturer et clôturer mon témoignage.
Je me suis séparée de mon copain il y a 2 mois maintenant. Disons que c’est plutôt lui qui s’est séparé de moi que l’inverse mais bon !

Pour en revenir au conflit intérieur hétéro/homo/bi, je crois que je n’ai toujours pas ma réponse. Ma rupture encore récente me pousse à me consoler dans les bras d’un homme. Quand je repense maintenant à toutes les émotions ressenties avec “cette” fille, c’est assez grisant. Je ne suis pas sûre de vouloir revenir vers elle, tout d’abord parce que ça ne serait pas approprié (elle a une petite amie), et ensuite tout simplement parce que je ne saurais pas quoi lui dire. J’y penserai toujours comme une expérience fabuleuse, mais par sa singularité et son bon timing dans ma vie. Du coup, je suis peut-être encore trop jeune, je n’ai que 22 ans après tout, mais je n’ai pas de réponse concernant mon orientation. Je voudrais tout de même transmettre par mon témoignage, même si foncièrement je n’ai pas défini mon orientation, que je suis en paix avec moi-même. Je pense que la seule chose qui compte finalement, c’est de se connaître et de savoir quels sont nos propres besoins et envies. Je sais ce que je veux à présent, je sais ce que je recherche. Cependant je ne provoque rien, je suis confiante. Fille, mec, quelle importance finalement, je rencontrerai la personne qui pourra combler mes besoins et mes envies, et vice versa.

Une dernière chose, je pense que l’amour est un travail quotidien minutieux. Ce n’est pas tellement original de dire qu’effectivement, nous sommes dans une société (ou du moins en France, je trouve) de consommation et que l’amour en subit aussi la lourde conséquence. Si une personne ne nous convient plus, ne serait-ce que pour un léger détail, on change, on passe au suivant : “next !”. Pour moi, l’amour c’est un mélange de concessions et de compromis, avec une égalité entre donner et recevoir. Je ne veux pas perdre mon état d’esprit tel que “tant qu’il y a de l’amour, il y a de l’espoir”. Alors certes, ma conclusion est peut-être plus axée sur ma vision du couple solide que sur l’identité sexuelle, mais je trouve ça bien de terminer là-dessus, pour montrer à tout le monde, au plus jeune comme au plus vieux, qu’il y a encore de l’espoir parmi la jeunesse. Nous aussi, on peut trouver quelqu’un, aimer et être aimé tout au long de sa vie, de tout son corps et de son cœur, si tant est que chaque personne trouve en l’autre ce qu’il a toujours vraiment désiré.

Merci à C’est comme ça pour son soutien 🙂
Caroline*

* le prénom a été modifié

Témoignage initial reçu en juillet 2013

Pour témoigner sur le site de C'est comme ça,
vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
Attention à bien lire la charte des témoignages avant de nous écrire.