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Wentworth Miller


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Wentworth Miller - photo 1
Michael Scofield (Wentworth Miller) in Prison Break

Wentworth Miller est né en Grande-Bretagne, mais c’est à Brooklyn qu’il grandit. Diplômé en littérature de l’université de Princeton, il décroche un travail dans une petite société de production.

En 2005, le rôle de Michael Scofield dans la série télévisée Prison Break le rend célèbre auprès du grand public. Il y incarne un ingénieur qui se fait emprisonner délibérément afin de sauver son frère condamné à mort pour un meurtre qu’il n’a pas commis.

En 2007, des clichés pris par des paparazzi avaient alimenté des rumeurs sur sa présumée homosexualité sans que Wentworth Miller n’y réagisse officiellement. Il était notamment apparu à plusieurs reprises avec Luke Macfarlane, un acteur ouvertement gay (celui-ci a notamment incarné le personnage de Scotty dans la série Brothers and Sisters).

Le 21 Août 2013, Wentworth Miller confirme les on-dit. En effet, il décline publiquement une invitation à Saint Pétersbourg pour un festival international où il devait recevoir un prix. Dans sa lettre ouverte à la directrice du festival, il explique qu’il ne pouvait pas “en tant qu’homosexuel, en toute bonne conscience, participer à un événement organisé par un pays où des gens comme [lui] sont systématiquement privés de leur droit fondamental de vivre et d’aimer ouvertement“. L’acteur a ensuite plus longuement exprimé son indignation face à la loi votée par les autorités russes, ainsi qu’à l’interdiction faite aux homosexuel-le-s étranger-e-s d’adopter des enfants russes.

Faire publiquement son coming-out a rendu Wentworth Miller très nerveux. Même si sa famille et ses ami-e-s étaient déjà au courant de son homosexualité, il craignait que cette annonce n’ait un impact négatif sur sa carrière. Malgré plusieurs occasions antérieures, la peur l’avait envahi et il avait renoncé à parler.

Cela peut s’expliquer par le fait que, plus jeune, l’acteur avait traversé des périodes très difficiles. Le 7 septembre 2013, lors d’une conférence organisée par l’association Human Rights Campain, Wentworth Miller a révélé qu’il avait tenté de mettre fin à ses jours “plusieurs fois” durant son adolescence. Il a longtemps ressenti un “profond mal être” avant d’accepter son homosexualité. Il a aussi été victime de harcèlement durant des années et a dû dissimuler ce qu’il était :

Je devais parler de la bonne manière, me tenir de la bonne manière. […] Chaque jour était un test et il y avait mille façons d’échouer […], de ne pas rentrer dans le moule. […] Et lorsque vous échouez, ce qui arrive forcément, il y a un prix à payer, émotionnel, psychologique, physique. […] J’en ai payé le prix.

Ce discours plein d’émotions, où il expose sa douleur passée, est un acte de revendication. L’acteur se dit prêt à servir d’exemple et de soutien pour ceux/celles qui n’assument pas leur sexualité. (Vous pouvez trouver la vidéo et sa traduction ci-dessous)

Depuis 2014, on le retrouve dans la série télévisée The Flash. Il y joue le rôle du Captain Cold, un des principaux ennemis de Flash.

Traduction du discours

“Merci… Tout d’abord, je tiens à remercier Human Rights Campaign pour le travail incroyable qu’ils ont fait et qu’ils continuent de faire. Pas seulement ici dans l’état de Washington mais dans tout le pays et à travers le monde puisque nous savons tous à quel point ce travail est essentiel, il change des vies, il sauve des vies. C’est un honneur pour moi, un privilège, d’être ici ce soir, de me compter parmi les membres de cette communauté. C’est un peu une surprise aussi… J’ai eu une histoire compliquée avec ce mot… “Communauté”.

Il m’a fallu du temps avant de l’adopter, j’ai eu des hésitations, des doutes. Pendant plusieurs années, je ne pouvais pas, ou ne voulais pas accepter le fait qu’il y avait quelque chose dans ce mot pour quelqu’un comme moi, comme la connexion, le soutien, la force, la bienveillance. Et il y a des raisons pour cela… Je ne suis pas né dans ce pays. Je n’ai pas grandi dans une religion spécifique. Je suis issu de diverses origines et je suis gay !

Vraiment, c’est l’histoire typique de n’importe quel jeune garçon américain. Il était naturel pour moi de me définir en tant qu’individu et ça a été un défi de m’imaginer faisant partie de quelque chose de plus grand. Comme beaucoup d’entre vous ce soir, j’ai grandi dans ce que j’appellerais un “mode de survie”. Quand vous êtes en “mode de survie”, vous faites tout pour finir la journée en un seul morceau. Et lorsque vous êtes dans ce mode à 5 ans, à 10 ans, à 15 ans, il n’y a pas beaucoup de place pour des mots comme “communauté”, pour des mots comme “nous” et “on”. Il n’y a de la place que pour “je” et “moi”. En fait, les mots comme “nous” et “on” ne me semblaient pas seulement étrangers à 5, à 10, à 15 ans, ils me semblaient être des mensonges. Parce que si “nous” et “on” existaient vraiment, s’il y avait vraiment quelqu’un pour surveiller, écouter et s’intéresser, alors j’aurais déjà été secouru.

Ce sentiment d’être singulier et différent et seul m’a accompagné quand j’avais 20 ans, puis quand j’avais 30 ans. Quand j’ai eu 33 ans, j’ai commencé à tourner dans une série qui a eu du succès, pas seulement ici aux États Unis mais aussi à l’étranger, ce qui veut dire que pendant les 4 années qui ont suivies, j’ai voyagé en Asie, au Moyen Orient, en Europe et partout ailleurs. Et durant cette période, j’ai donné des milliers d’interviews. J’ai eu de nombreuses occasions de dévoiler la vérité sur moi, le fait que je sois gay. Mais j’ai choisi de ne pas le faire. J’avais fait mon coming out en privé, à ma famille et à mes amis, aux personnes à qui j’avais appris à faire confiance avec le temps, mais professionnellement, publiquement, j’étais toujours dans le placard. A choisir entre le placard ou mon intégrité, j’ai choisi la première option, j’ai choisi de mentir, j’ai choisi de dissimuler.

Parce que lorsque je songeais à la possibilité de faire mon coming out, à l’impact que ça pourrait avoir sur la carrière pour laquelle j’avais travaillé si dur, j’étais envahi par la peur, la peur et la colère et une résistance tenace qui s’est construite sur de nombreuses années. Quand je pensais à cet enfant quelque part qui pourrait être inspiré ou touché par le fait que je prenne position, que je dévoile ma vérité, une petite voix dans ma tête répondait constamment “non merci”. Je pensais aux dix dernières années que j’avais passées à construire cette carrière, seul, par moi-même, et que d’une certaine manière, c’est tout ce que j’avais. Et tout d’un coup j’étais censé mettre en danger tout ça pour servir de modèle à quelqu’un que je ne connaissais pas et dont je n’étais même pas sûr qu’il existe. Cela n’avait aucun sens pour moi, cela ne me parlait pas… à cette époque.

Par ailleurs, comme beaucoup de personnes ici ce soir, j’ai grandi en étant une cible. Je devais parler de la bonne manière, me tenir de la bonne manière, bouger mes poignets de la bonne manière. Chaque jour était un test et il y avait mille façons d’échouer, mille façons de se trahir, de ne pas correspondre aux normes de quelqu’un d’autre sur ce qui est acceptable, sur ce qui est normal. Et lorsque vous échouez à ce test, ce qui arrive forcément, il y a un prix à payer, émotionnel, psychologique, physique… Et comme beaucoup d’entre vous, j’en ai payé le prix. Plus d’une fois et de maintes façons.

La première fois que j’ai tenté de mettre fin à mes jour, j’avais 15 ans. J’ai attendu que mes parents s’en aillent pour le week-end, d’être seul à la maison et j’ai avalé une boîte de comprimés. Je ne me souviens pas des quelques jours qui ont suivis mais je suis quasiment sûr que le lundi matin suivant j’étais dans le bus qui me conduisait au lycée, à faire comme si tout allait bien. Quand quelqu’un m’a demandé si c’était un appel à l’aide, j’ai répondu non, parce que je ne l’avais dit à personne. Vous n’appelez à l’aide que si vous croyez que de l’aide peut venir et je n’y croyais pas, j’en avais assez, je voulais partir… à 15 ans… “Je” et “moi” peuvent être un endroit bien solitaire et ils ne vous emmèneront jamais bien loin.

En 2011, j’ai décidé de m’écarter de mon métier d’acteur et de beaucoup d’autres choses que je pensais importantes pour moi auparavant. Et après avoir laissé les scripts et les plateaux qui me faisaient rêver enfant, et l’attention et la surveillance qui les accompagnent nécessairement, qui ne faisaient pas partie de mon rêve, il ne me restait plus que ce que j’avais au départ, “je” et “moi” et ce n’était plus assez. En 2012 j’ai rejoint un groupe d’hommes appelé The Mankind Project, qui est un groupe pour tous les hommes, et je me suis familiarisé avec le concept, encore étranger et potentiellement menaçant, de “nous” et “on”, à l’idée de fraternité, de sororité et de communauté. Et c’est via cette communauté que je suis devenu membre et fervent partisan de l’Human Rights Campaign. Et c’est via cette communauté que j’en ai appris plus sur la persécution de mes frères et soeurs LGBT en Russie.

Il y a plusieurs semaines, alors que j’étais en train d’écrire ma lettre au Saint Petersburg International Film Festival pour décliner leur invitation, une petite voix lancinante dans ma tête me disait que personne ne la remarquerait, que personne n’observait, n’écoutait, ne s’intéressait. Mais cette fois, enfin, je savais que cette voix disait faux. Je me suis dit que même si une seule personne remarquait cette lettre dans laquelle j’affirme ma vérité et intégrait ma petite histoire dans une autre histoire bien plus grande et bien plus importante, cela valait le coup de l’envoyer. Je me suis dit qu’il fallait que je sois ce quelqu’un, celui que personne n’a été pour moi, qu’il fallait envoyer un message à cet enfant qui est peut être aux États Unis, ou quelque part loin de l’autre côté de l’océan, ou ailleurs, un enfant qui est une cible à la maison ou à l’école ou dans la rue, lui dire que quelqu’un observe, écoute et s’intéresse. Qu’il existe un “nous”, qu’il y a un “on” et que cet enfant, ou cet adolescent ou cet adulte est aimé, et qu’il n’est pas seul. Je suis profondément reconnaissant à Human Rights Campaign de me donner à moi et à d’autres l’opportunité, l’endroit et la nécessité de raconter mon histoire, de continuer d’envoyer ce message parce qu’il a besoin d’être envoyé encore et toujours jusqu’à ce qu’il soit entendu, reçu et adopté. Pas juste ici dans l’état de Washington, pas juste dans tout le pays mais qu’il traverse le monde entier et qu’il revienne de nouveau, juste pour être sûr, juste au cas où on aurait raté quelqu’un.

Merci.”