Peux-tu nous décrire l’ado que tu étais en 1994 ?
J’étais un ado plutôt introverti. J’avais déjà bien en tête que j’étais différent des autres garçons de mon âge, mais je n’acceptais pas l’idée que je puisse être homosexuel. J’avais très peu d’ami-e-s et je vivais très mal ma scolarité. Je pensais que je pourrais prendre le contrôle et orienter mes attirances vers les filles. Ma mère m’avait prévenu, avoir un fils homosexuel serait pour elle quelque chose de très difficile à vivre et elle espérait que ça n’arriverait pas. Donc, je savais d’avance que vivre pleinement mes attirances m’exposerait au rejet de ma famille. A l’école ou dans les autres milieux que je fréquentais, je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu quoi que ce soit de positif ou même de neutre sur l’homosexualité. On ne parlait de ce sujet que pour s’en moquer ou le dénigrer. Je faisais donc tout pour ne pas être homosexuel ou le paraître.
A quel moment as-tu fait ton coming out ?
J’ai attendu d’avoir 19 ans pour faire mon coming out. Il a fallu que j’accepte l’idée que je ne maîtrisais pas mes attirances et de vivre avec cela, ce qui me semblait être un fardeau énorme à porter. Après avoir connu une première histoire avec un garçon, j’ai su qu’il fallait que je m’assume auprès de mon entourage. Je l’ai dit à mon frère et à mes ami-e-s. Ma mère a trouvé une lettre et a compris que ses craintes étaient fondées. Cela a été très difficile entre nous, elle a très mal vécu la découverte de mon homosexualité. Plus tard, j’ai parlé à mon père, qui a réagit de façon plus neutre. Avec le temps, la situation s’est apaisée, mais ce fut long.
Qu’est-ce qui te semble avoir changé pour les ados entre 1994 et aujourd’hui ?
Je pense que si j’étais ado aujourd’hui, j’aurais pu assumer mon homosexualité plus vite. En effet, à l’époque, je manquais cruellement d’informations, de modèles positifs et personne n’abordait le sujet de façon ouverte et bienveillante. Cela m’aurait rassuré d’avoir quelqu’un qui me tende la main et à qui je puisse me confier. Il me semble que pour les ados d’aujourd’hui, il est davantage possible de parler de ces questions. La loi a établi plus d’égalité et induit moins qu’à l’époque que les homosexuel-le-s seraient des citoyen-ne-s de seconde zone. Aujourd’hui, un-e ado homo peut imaginer se marier et avoir des enfants. Ce n’était même pas une option en 1994 et cela nous paraissait presque normal à toutes et tous.
Lorsque tu as découvert que tu étais LGBT, vers quelles ressources t’es-tu tourné ?
En 1994, je n’avais aucune ressource pour comprendre l’homosexualité. Ce n’est que plus tard, notamment lorsque j’ai commencé à avoir accès à internet vers 1998 / 2000, que j’ai pu consulter des sites d’associations étudiantes, comme Centrale Gay Lyon. Leur site était à la fois détaillé, informatif et rédigé de façon assez drôle. Cela faisait beaucoup de bien à lire.
Est-ce qu’il y a des séries, films ou livres LGBT qui t’ont marqué quand tu étais ado ?
Le peu de références culturelles LGBT que j’avais c’était des films comme « Les roseaux sauvages » d’André Téchiné. Nous étions allé le voir dans le cadre d’une sortie scolaire et je me souviens avoir été ému mais aussi des réactions de dégoût et de rejet de mes camarades.
Aurais-tu un conseil à donner aux ados de 2019 ?
Evitez de vouloir absolument vous mettre dans une case, essayez simplement de vivre vos attirances et amours le plus librement possible. Le dialogue peut être encore difficile dans certaines familles. En revanche, il est devenu beaucoup plus facile de trouver des ressources, des associations et des personnes avec qui échanger en toute bienveillance.