Peux-tu nous décrire l’ado que tu étais en 1994 ?
Etudiant en deuxième année de fac à Albi, ce fut une année d’insouciance. Je vivais en bande avec des ami·es rencontré·es un an plus tôt et qui le sont encore 25 ans après! Je savais parfaitement que j’étais homo mais absolument pas prêt à le vivre. Il m’est arrivé lors de soirées arrosées de draguer quelques garçons sans réelle insistance et aussi de sortir avec des filles sans réelle conviction. Bref, je vivais entre ma réalité et la réalité sociale où il était de bon ton d’avoir quelques copines. Mais comme j’avais une belle bande d’ami-e-s, ce n’était pas un poids.
A quel moment as-tu fait ton coming out ?
J’ai fait mon coming out progressivement : Je suis parti vivre à Lille, loin de mon sud-ouest natal, après mes études et vers 24 ans, je vivais à 100% mon homosexualité. Vers 25 ans, j’ai fait mon coming out à mon frère de manière assez directe mais je voulais vraiment qu’il soit le premier informé. Il n’a pas hyper bien réagi puisqu’il a pleuré, mais avec le temps et grâce à sa femme, il a bien géré. J’avais entre 25 et 28 ans quand j’ai fait mon coming out à mes ami-e-s et vers 28 ans à mes parents, en prenant soin d’en parler avant à notre médecin de famille afin qu’il puisse les accompagner. Ce lent coming out fut finalement assez banal grâce à un entourage bienveillant puisque toute la famille et tous·tes mes ami-e-s l’ont très bien accepté.
Penses-tu que tu l’aurais fait plus tôt si tu étais né plus tard ?
Probablement oui ; cela me semble plus facile aujourd’hui. En tous les cas, je conseillerais à un-e ado de ne pas perdre de temps avec cela car c’est source d’angoisse, de mauvaise culpabilité et finalement d’une difficulté à être pleinement heureux-se. Il faut laisser le temps à son entourage d’intégrer l’information. Par exemple, maintenant mes parents adorent leur gendre et l’accepte complètement. Si certain-e-s proches n’avaient pas accepté, nous nous serions éloigné-e-s partant du principe que si ces gens-là ne m’aiment pas en tant qu’homosexuel, je n’ai rien à faire avec eux/elles. Il est très important de penser à soi !
Est-ce que tu penses que tu aurais été un ado différent si tu étais ado aujourd’hui ?
Evidemment! Je serais dans mon temps : sur snapchat, instagram et probablement en train de découvrir ma sexualité avec un smartphone! Mais pour des questions de l’ordre du personnel, de l’intime, internet n’apporte pas toujours les bonnes réponses à notre situation puisque nous sommes tou-te-s uniques. Il me semble donc important de prendre le temps d’en discuter autour de soi et d’échanger avec des personnes de confiance. Il m’a fallu du temps pour annoncer mon homosexualité à mon entourage. A l’époque, l’absence de réseaux sociaux m’a permis de prendre ce temps, contrôler mon image selon les contextes. Aujourd’hui, ce processus aurait été beaucoup plus rapide et j’aurais pu me brûler les ailes.
Est-ce que tu as en tête des personnalités/célébrités à qui tu pouvais t’identifier à cette époque?
Non, je ne m’en rappelle pas, c’était probablement moins commun qu’aujourd’hui.
Lorsque tu as découvert que tu étais LGBT, vers quelles ressources t’es-tu tourné ?
Je l’ai découvert enfant, très jeune et je ne me suis pas tourné vers une ressource en particulier. C’est lorsque j’ai commencé à sortir régulièrement dans des bars LGBT de Lille que j’ai réellement avancé vers mon acceptation.
Est-ce qu’il y a des séries, films ou livres LGBT qui t’ont marqué quand tu étais ado ?
Les six premiers tomes des chroniques de San Francisco. Cette série de livres des années 70 évoque un monde de liberté ou vivre sa vie semble si facile. M’identifier au héros, Michael « Mouse » Tolliver, m’a sûrement aidé.
Aurais-tu un conseil à donner aux ados de 2019 ?
Vivez votre vie telle que vous l’entendez. Vos proches, s’ils/elles vous aiment, sauront vous respecter, ne leur laissez pas trop le choix. Adulte, vous serez ainsi plus heureux-ses!