Sur sa chaîne Youtube et sur son blog, Cordélia parle de livres et de culture avec un penchant non dissimulé pour les œuvres avec des personnages LGBT. L’équipe de C’est comme ça l’a rencontré pour en savoir plus sur son personnage, ce qui la motive et ses projets.
Qu’est-ce qui t’a motivé à créer la chaîne Cordélia aime ?
Je voyais des personnes faire et je trouvais ça cool, du coup ça m’a motivé pour me lancer. J’avais déjà un blog d’écriture, mais je voulais mettre en complément des vidéos.
Cependant, pour ne pas parasiter le premier, j’ai créé une chaîne, où j’ai commencé à tourner et monter moi-même (ça fait un an déjà !). C’était aussi au moment où la communauté booktube commençait à être connue, ce qui était d’autant plus motivant. Pourtant, personne ne parlait de livres LGBT, du coup je me suis dit que j’allais le faire. Après, tous les livres que je chronique n’ont pas forcément cette thématique. Puis il y a maintenant d’autres formats (« Un perso queer », vidéos « blablas », etc) où je parle de choses variées et diverses. La plus connue est celle où je parle de ma bisexualité, j’ai donc fait des lives dessus, selon les demandes.
Avec les sollicitations, j’ai créé en avril une deuxième chaîne (Princ(esse)e LGBT) pour parler plus spécifiquement de ces questions, avec un format totalement différent. Il s’agit d’une chaîne de vulgarisation sur les thématiques LGBT à destination des personnes non-LGBT. J’ai pu la démarrer grâce à ma base de livres LGBT sur Cordélia Aime, qui m’a facilité la tâche. Après ça me prend plus de temps, car je dois écrire un script, faire relire à plusieurs personnes, etc. Il faut être sûr de ne pas se tromper ! Un livre c’est subjectif, ça va, là on n’a pas le droit à l’erreur.
Nous avons vu que tu avais fait un live avec Mr Q, y-a-t-il d’autres projets ?
Il était effectivement venu sur un live, c’était super sympa ! Nous travaillons actuellement sur un projet, où je dois écrire un script, qu’il viendra illustrer. Ça serait une sorte d’article-illustré, comme il a pu le faire sur Madmoizelle.
(mise à jour, l’article est sorti sur le blog de Mr Q : La bisexualité existe, la biphobie aussi)
Et tu as fait d’autres partenariats ? Tu en as en projets aussi ?
Il y en a eu pas mal lors de la semaine de la Journée Internationale de la Bisexualité [23 septembre]. J’ai fait notamment un live avec différent-e-s youtubeur-se-s bi-e-s et pans. Il y avait Hermine (Vivre avec), Pouhiou (Et mon cul c’est du Pouhiou), Maxime Grandjean et Dr Pralinus. Ça, c’est ce qui s’est passé, mais il y a toujours plein de projets en cours ! Sur la chaîne Princ(esse)e LGBT il y a aussi des interviews, du coup je rencontre pas mal de gens, soit je les sollicite, soit ils-elles viennent me voir. Il y en a pour l’instant deux en lignes, une troisième arrive bientôt !
Est-ce que tu es autodidacte ?
Oui, je filme avec un petit appareil compact et j’ai attendu un an pour investir un peu dans le matériel, car c’était sûr que je continue. J’ai acheté du son, de la lumière, un trépied, peut-être que le prochain achat sera une caméra ! Je me suis formée sur Imovie, j’ai aussi eu des cours sur Première, comme je suis dans le web, mais c’est trop compliqué, du coup je travaille maintenant sur Final Cut qui est plus simple avec des options sympas. On le voit dans les premières vidéos, c’était juste des coupes, avec un générique. Maintenant il y a plus de boulot, surtout pour Princ(esse)e. Cordélia Aime ne va pas changer la face du monde, par contre Princ(esse)e va se développer, du coup je me décarcasse pour faire un beau travail. C’est pour moi d’autant plus important parce que peu de youtubeur·ses français·es actuellement parlent des sujets LGBT.
Dans la vidéo « Un perso queer » sur Dumbledore, on a vu que tu regrettais que J.K. Rowling ne développe pas plus cette question. Pour toi, il vaut mieux plein de personnages LGBT ou un-e bien travaillé-e ?
Je préférerais un-e bien traité-e, plutôt que quinze mille cité-e-s avec un héros hétéro. Après ils-elles vont souvent de pair, car il y a le-la conjoint-e avec. Ça dépend du contexte, mais en l’occurrence si on prend l’héroïque-fantaisie, avec quatorze personnages principaux et quarante secondaires, un-e seul-e, c’est léger. L’exemple d’Harry Potter est flagrant, c’est dommage. Il faut que ça soit bien traité, sans cliché, même si tous les clichés ne sont pas mauvais. C’est le cas d’Harry, orphelin, mal-aimé, mais qui a des pouvoirs extraordinaires et sauve le monde, le concept marche. Il y a des livres où le personnage principal est LGBT, puis, parfois, il s’agit juste d’une intrigue de fond avec des personnages secondaires, mais si elle est bien traitée, le livre peut être bon.
Tu parlais de clichés, est-ce que justement on doit représenter les personnages LGBT de manière caricaturée ? Est-ce qu’il faut que ça soit très joyeux ou totalement triste ?
Je pense qu’il faut les deux. Il faut montrer les difficultés face à une société cisnormée, dans laquelle les LGBTphobies existent toujours. Mais ça manque cruellement de livres positifs, c’est pour ça qu’il faut les mettre en avant. Cependant, ça a tendance à changer en ce moment. Depuis le début de l’année on voit des héro·ïnes qui sont homos, bi-e-s, trans qui font face à la vie, ont des difficultés, mais qui ne sont pas automatiquement liées à leur orientation sexuelle et/ou leur identité de genre. Ne faire que dans le négatif, ça ne sert à rien, si ce n’est de montrer le côté VDM [Vie De Merde] du quotidien. Il faut aussi des modèles positifs.
Il faut aussi des super-vilains parfois ! Est-ce que tu en connais ?
La première chose qui me vient, c’est que des méchants de Disney reprennent des clichés LGBT, comme Ursula qui est inspirée de la dragqueen Divine. Dans les derniers bouquins que j’ai lus, les LGBT étaient du côté des gentil-le-s. Le seul exemple qui me vient c’est Rebecca de Daphnée du Maurier, qui a été adapté au cinéma par Hitchcock. C’est sous-entendu qu’elle est lesbienne, on ne le comprend qu’à la fin et c’est assez discret.
Penses-tu que la discrimination intra-communautaire existe ?
Je sais que ça existe, pour l’avoir vécue. Les communautés LGBT sont multiples, avec des revendications parfois communes. Pour autant, ce n’est pas parce qu’on est discriminé à cause de son orientation sexuelle qu’on est parfait. Les discriminations se croisent et certaines prennent « plus cher » que d’autres. Il y a bien le premier article de la Déclaration des Droits de l’Homme, mais la réception n’est pas la même selon les personnes et leurs propres critères. La communauté LGBT n’échappe pas aux discriminations dont cette société cis hétéro sexiste est imprégnée. Je l’ai constaté moi-même, avant je n’étais pas du tout sensibilisée au racisme, je me suis penchée dessus et j’ai vu les problèmes que j’avais pu créer, ça m’a permis de m’améliorer !