Est-ce que la question de la parentalité était déjà présente à ton esprit lorsque tu étais ado ?
Je veux des enfants depuis aussi loin que je me souvienne, une grande famille. Vers 16 ans, c’est devenu viscéral.
Est-ce que ça a été un sujet de réflexion lorsque tu as découvert que tu étais lesbienne ?
J’ai « découvert » mon homosexualité assez tard et pour diverses raisons, après une histoire de trois ans avec ma première copine, j’ai vécu 2 ans avec un garçon. Et c’est en partie parce que je ne me voyais pas avoir des enfants avec une femme. Lorsque j’ai quitté ce garçon, j’ai radicalement changé de vie, j’ai tout quitté : ma région, mon boulot… et je suis venue à Paris. Là j’ai fait le choix de vivre et d’assumer mon homosexualité, mais il était évident pour moi, à ce moment-là, qu’en faisant le choix de vivre en tant que lesbienne, je renonçais à avoir des enfants.
Heureusement, c’est aussi la période où a commencé mon engagement militant : chez Aides d’abord, puis dans diverses associations LGBT+. Grâce à ces engagements, à mes rencontres, j’ai pu remettre en question ma vision assez simpliste des choses. J’ai aussi fait le parallèle avec ma propre enfance (mon frère et moi avons été élevés par ma mère et ma grand-mère), j’ai pris le temps de réfléchir, de me questionner sur les conséquences (ou non) de l’absence de mon père dans ma vie et j’ai compris que si quelque chose avait manqué, c’était la présence de mon père en tant que parent, pas en tant qu’homme… J’ai réalisé que ce que je redoutais toutes ces années en ayant un enfant avec une femme c’était d’avoir un enfant avec un seul parent, pas avec deux mamans.
Est-ce que devenir parent a été un parcours compliqué ?
Oui. Sans aucun doute. Je pense que devenir parent, quelque soit notre projet parental, notre orientation sexuelle, c’est compliqué. Bien entendu, le fait que la PMA ne soit pas autorisée pour toutes en France n’arrange rien pour les femmes lesbiennes ou bies…
Pour notre part, nous avons fait 3 IAD qui n’ont pas fonctionné puis une FIV à Liège, en Belgique. La FIV a marché du premier coup. Mais du fait du coût très élevé, des conséquences des traitements hormonaux sur le corps (et la tête !) nous avons espacé les différents essais et au total, entre la première IAD et la FIV il s’est passé un peu plus de deux ans.
Comment vis-tu le fait d’être une maman lesbienne ?
Je le vis très bien ! Nous avons probablement de la chance mais depuis le tout début nous n’avons eu affaire qu’à des gens bienveillants, de la gynéco à la crèche, en passant par les équipes de salle de naissance, l’ambulance qui m’a emmenée à la maternité, le chauffeur de taxi au retour, l’assistante maternelle… Les gens sont vraiment gentils, curieux bien sûr mais toujours avec respect et surtout, j’ai été impressionnée par le nombre de personnes qui trouvaient absolument absurde notre parcours (Belgique, adoption, etc.) et qui ne comprenaient pas que la PMA ne soit pas autorisée pour toutes.
Aurais-tu un message à passer aux jeunes qui nous lisent ?
D’abord, écoutez-vous et n’hésitez pas à remettre en question vos certitudes, écoutez-vous vraiment, ce que vous voulez vous, pas ce que veulent ou pas les autres pour vous. Ensuite, si vous faites le choix d’avoir des enfants, préparez-vous à tout ce que ça représente : le coût financier, le coût émotionnel (les traitements hormonaux et leurs montagnes russes, la gestion des échecs), le regard des autres et toute la pédagogie dont vous aurez besoin…
Enfin, battez-vous pour ce que vous voulez, ne laissez pas les autres le faire pour vous. C’est cliché mais je pense qu’on doit tous les jours continuer à s’engager pour acquérir des droits et garder ceux qu’on a.