Beaucoup de parents ou autres adultes répondent aux jeunes qui leur annoncent leur homosexualité ou leur bisexualité : “oh mais tu te cherches, tu ne peux pas savoir, tu es trop jeune encore, tu sauras plus tard”.
Cette phrase, qui se voudrait bienveillante et rassurante, peut être en réalité très blessante. En effet, cela nie le ressenti de la personne qui se confie à vous. Si elle est venue vous parler, plus encore si elle a l’air stressée, c’est qu’elle y a probablement intensément réfléchi avant. Cela fait peut-être des jours, des semaines, des mois qu’elle se prépare à vous en parler : alors minimiser, nier ou contredire ses sentiments revient à les balayer d’un revers de main…
Vos craintes, vos propres doutes, vos interrogations sont légitimes, mais peuvent sans doute attendre que vous y réfléchissiez de votre côté.
Extrait du témoignage de Line
J’ai parlé à mon père de mes doutes sur mon orientation sexuelle en fin de 4ème, une semaine avant les vacances d’été. Lui qui était si fier de se trouver “compréhensif” avec moi… quelle bonne blague. Il m’a dit “Ça peut changer, tu es jeune, tu as le temps, et puis tu sais il est possible que tu confondes amitié et amour”. Ça m’a fait mal. Très mal. Je m’étais torturée à me poser des questions pendant cette année sans oser en parler à qui que ce soit pour entendre ça venant d’un de ceux que je pensais me soutenir à fond. […] En 3ème, j’ai fait des crises, des crises où je me mettais à pleurer de frustration mais sans savoir pourquoi. Je pense qu’elles étaient dues au manque de soutien de mes parents. […]
Je me suis rendue compte que depuis le début, mes parents n’étaient pas aussi ouverts qu’ils le prétendaient et qu’ils essayaient de me réorienter… J’ai ressenti beaucoup de tristesse en comprenant tout ça. Maintenant, je ne dis plus rien à mes parents et me confie à mes amies en attendant de trouver une personne que j’aimerai et qui m’aimera pour m’assumer entièrement et montrer à mes parents que je sais qui je suis et que je l’affirme.
Tu m’aimes comme ça ?
Ce que vous dit le ou la jeune qui vous fait son coming out, ce n’est pas tant “j’ai des doutes” mais “je sens que j’ai des attirances qui ne sont pas dans la norme, je sens que je peux être attiré.e par des personnes du même genre que moi, et je sais que certaines personnes n’acceptent pas cela. Est-ce que toi, au moins, tu m’aimes / m’estimes / me respectes toujours quand je te le dis ?”.
L’enjeu n’est pas celui de la réflexion, car il est rare que quelqu’un.e annonce son homosexualité ou sa bisexualité comme ça, de but en blanc, sans s’être beaucoup questionné.e avant, sans avoir éprouvé des sentiments ou des attirances réitérées, sans s’être comparé.e aux autres, sans avoir pesé le pour et le contre de se dévoiler…
L’hétérosexualité comme unique norme ?
Par ailleurs, cela pose une autre question : que répondriez-vous à une jeune fille qui vous dirait “je suis attirée par un garçon de ma classe”. Auriez-vous le même réflexe de lui dire : “ah mais tu es très jeune tu sais, tu ne peux pas encore savoir ce que tu ressens, si ça se trouve, ce sont les filles que tu préféreras plus tard !” ?
Diriez-vous à un jeune homme en couple avec une petite amie et qui s’imagine l’épouser plus tard : “ah oui, oh tu sais là tu expérimentes, mais tu ne pourras vraiment savoir que tu es hétéro que quand tu seras grand”. On peut douter que de telles réponses vous arrivent spontanément.
Pourquoi ? Parce qu’être hétéro “ne pose pas de problème”. C’est considéré comme étant “normal”. Certain.e.s pensent même que c’est bien, que c’est mieux qu’être homo ou bi.e. L’hétérosexualité comme norme fait qu’on ne va pas contredire un.e jeune qui se présenterait comme hétéro. Si on se permet de le faire auprès de jeunes gays, lesbiennes ou bi.e.s, c’est parce qu’on a en soi, peut-être inconsciemment, l’idée qu’il vaudrait mieux qu’ils ou elles soient autrement. C’est aussi possiblement une façon d’insinuer que ce n’est pas valable, pas sérieux, voire honteux.
Dans un monde où toutes les orientations sexuelles se vaudraient, dans un monde où aucune d’entre elles ne serait “spéciale”, ni jugée, ni méprisée, nous n’irions pas remettre en doute les sentiments des autres. Pourquoi ne ferait-on pas confiance à chacun.e pour dire que “oui à cet instant T – et peu importe l’avenir – je ressens des attirances pour des personnes de même genre que moi” ou “je suis libre de me dire gay/lesbienne/bi.e si c’est ce qui est le plus proche de ce que je ressens” ?
Enfin, cette réponse porte l’idée très manichéenne qu’il y aurait d’un côté les LGBT, de l’autre les hétéros. En réalité, la plupart des études montrent qu’environ 15% des populations étudiées, quel que soit le pays, n’est pas strictement hétéro. Entre les “hétérosexuel.le.s majoritaires” mais ouvert.e.s, les bi-curieux, les “fluides”, il y a une grande multitude de vécus, qui peuvent se diversifier tout au long de la vie, et qui sont tout aussi respectables les uns de les autres.
Alors, comment réagir ?
Accueillir cette confidence sans jugement, pour surtout laisser le ou la jeune exprimer son ressenti : “ah oui, ça fait longtemps que tu veux m’en parler ? Qu’est-ce que ça te fait ? Comment tu te sens ?”…
Vous n’avez pas trouvé les bons mots spontanément ? Il est toujours temps. 🙂
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