Bonjour,
Après avoir lu quelques témoignages, je me suis rendu compte que faire cela pouvait être positif pour l’acceptation de certains événements dans une vie. Du coup je me propose vous faire part de mon expérience homosexuelle qui est, je l’avoue, très gênante (simplement par l’aspect où je dois dévoiler une partie de moi très personnelle et que ça ne m’est pas toujours facile).
J’ai découvert ma « vraie » sexualité vers 13 ans. À savoir : la bisexualité. Jusque-là, je me pensais hétérosexuelle et ça ne m’a pas vraiment fait un choc parce que ça s’est passé dans de bonnes conditions : je m’étais inscrite à un jeu de mode en ligne où les joueurs pouvaient s’envoyer des messages privés et j’ai commencé à parler à une fille. Jusque-là, rien d’anormal. Puis un jour elle m’a « sauté dessus » par message. Très étrange et très gênant. Je ne savais pas du tout comment réagir, d’autant plus que je n’y connaissais absolument rien à l’attirance partagée pour deux personnes du même sexe. Par la suite je ne lui ai plus parlé. Quelques jours plus tard, je papotais avec des amis à la pause de midi où différents sujets ont été évoqués dont le dégoût de certains pour deux filles qui s’embrassaient. Moi ça ne me choquait pas. Et c’est à ce moment que j’ai compris que j’étais également attirée par les filles.
Je l’ai accepté sans souci, ça fait partie de mon être.
Le problème se posera plus pour mes parents quand ils l’apprendront (s’ils l’apprennent un jour) car ils ont des convictions très ancrées et l’homosexualité pour eux fait partie de ces choses peu naturelles. Alors pour l’instant je garde tout ça pour moi et pour quelques amis. L’idée n’est pas de me cacher pour que personne ne soit au courant car devant des personnes de mon âge, j’assume totalement, mais devant mes parents ou le reste de ma famille c’est une autre paire de manches.
Alors bon, les années ont passé, un garçon est entré dans ma vie puis il en est tout aussi vite reparti et le temps a continué d’avancer. Alors comme je n’avais rien d’autre à faire, je me suis lamentée sur mon existence en mourant de tristesse chaque fois qu’un(e) ami(e) me parlait de ses relations amoureuses. Puis, pour le nouvel an j’ai été invitée chez une amie où nous étions cinq : cette amie en question, son copain (qui par ailleurs est un super bon ami), une amie, la voisine de la personne qui nous recevait et moi. Après avoir pris un peu d’alcool, avec une amie, Marina*, nous nous sommes réfugiées dans la salle de bain et nous avons parlé presque deux heures durant, affalées dans la baignoire vide.
Comment vous la décrire ? Grande, hyper belle, hyper souriante, hyper joyeuse, un peu tête en l’air, très marrante, très attachante… Bref, une fille en or. (Cerise sur le gâteau : elle avait déjà embrassé des filles avant de me connaître et quand je lui ai dit que j’étais bi, elle l’a hyper bien pris. Encourageant non ?)
Dans le courant de la nuit, nous sommes redescendues pour continuer la fête, puis : incident ! Marina avait fait de très mauvais mélanges d’alcool et est allée vomir. Et qui lui a attaché les cheveux et caressé le dos puis rassurée pendant qu’elle vomissait ? Je le concède sans peine : ce n’est pas la vision la plus aidante pour tomber amoureuse, pourtant…
Le lendemain je l’ai reconduite chez elle et nous avions toutes les deux une gueule de bois affreuse. Maintenant je m’en veux un peu parce que cette migraine m’a empêchée de profiter pleinement de sa présence. Mais à ce moment-là, je n’avais encore ressenti aucune attirance pour elle. Ce n’est qu’une semaine plus tard que j’ai commencé à penser à elle tout le temps. Pas de manière obsessionnelle glauque, mais plus en repensant à tous les moments qu’on avait échangés (dans la baignoire, le repas à table côte à côte, quand elle dormait sur moi dans le canapé, quand je lui caressais le dos, etc.)
Alors ça aurait pu super bien se passer, j’aurais pu entamer la conversation avec elle jour et nuit comme je l’aurais fait avec un garçon qui m’aurait attirée (NB : il est plus facile de faire remarquer à une personne du sexe opposé que vous flirtez avec elle qu’à une personne du même sexe que vous) sauf que la vie sans « hic » ne serait pas la vie : elle avait un copain et était très heureuse avec lui.
BAM ! Déception totale ! D’un sentiment de plénitude amoureuse, je suis passée à la même sensation qu’Alice quand elle tombe dans le trou du lapin vers le Monde des Merveilles : une chute vertigineuse qui prive d’air.
Puis j’en ai parlé à un ami. Alors il m’a remonté le moral en me disant que ce couple était mal soudé et que (je passe les détails) son copain ne la traitait pas comme elle devrait l’être.
HOURAA ! J’avais peut-être enfin une chance.
Puis j’ai été à une soirée d’anniversaire où son copain était présent. C’est à ce moment que, si vous ne l’avez pas déjà constaté, vous vous rendrez compte que ma vie est un yoyo perpétuel. Tout le monde dans les amis présents m’a confirmé que ce couple (malgré quelques turbulences de passage) était heureux comme tout et que, je cite : « ils étaient fait l’un pour l’autre ».
BAM ! Encore un pieu dans mon petit cœur. La nuit a été affreuse car je dormais chez mon amie qui fêtait son anniversaire et j’ai pleuré près de cinq heures cette nuit-là. Je me suis réveillée le lendemain avec le cœur en miettes et un mal incroyable à respirer profondément. Après avoir remercié grandement mon hôte pour son ô combien génial anniversaire auquel je m’étais trop amusée (…) je suis rentrée chez moi épuisée. J’étais pleine de bonnes résolutions : au lieu d’aller dormir pour oublier ma vie d’une tristesse sans nom, je comptais manger le repas de midi en famille puis aller faire mes devoirs. Sauf que ça ne s’est pas passé comme prévu parce que j’étais d’une humeur exécrable et que pour ça, j’ai été congédiée dans ma chambre par mon père. (Mon ventre ne l’a pas supporté et a offert mon repas comme présent au cabinet…) Après, j’ai pleuré comme une madeleine pendant un temps qui m’a paru infini. J’ai eu pour la première fois de ma vie cette impression bizarre où pleurer soulage physiquement et arrêter de pleurer fait également mal physiquement. Je me disais : « tu es idiote, regarde-toi, tu pleures pour rien », j’arrêtais donc de pleurer puis je repensais à cette fille et… hop là ! Je crevais de mal, du coup je pleurais, etc. En somme c’était un cercle vicieux. Après cet épisode j’ai dormi toute la journée (et quand je me réveillais, je me rendormais parce que j’avais trop mal). Je me disais : « l’homosexualité est une malédiction parce que toute ta vie, tu courras après une personne qui n’en aura jamais rien à faire de toi. J’espère sincèrement que mes enfants ne seront pas homosexuels parce que ça leur apportera plus de malheur que de bonheur ».
La semaine suivante j’ai travaillé comme jamais je ne l’avais fait. J’avais des 90% dans presque toutes les branches** parce que je m’obligeais à m’occuper l’esprit pour éviter de penser à Marina. Pourtant c’était loin d’être facile parce que dans tous les livres, il y a de la romance, et que quand je faisais une tâche ménagère, pendant que mes mains s’occupaient, mon cerveau repartait là où je ne voulais pas qu’il aille. Du coup je travaillais pour l’école du matin au soir : je me levais, je révisais mes cours de langue, j’allais dans la douche où je mettais les nouvelles pour avoir l’esprit occupé par autre chose que ma petite vie, j’allais à l’école où j’étais hyper active et je répondais à toutes les questions des profs (parfois même avant qu’ils ne les posent) puis je rentrais chez moi, je travaillais, je mangeais à peine puis j’allais dormir (avec un cours à côté de l’oreiller, vous savez : juste au cas où…). Et quand je dis que mes parents ont des convictions, j’aimerais vous donner un exemple pour que vous compreniez que ce n’est vraiment pas facile d’être soi avec eux. La preuve : je suis végétarienne et depuis que mon père le sait, à table, il m’incite à prendre deux fois plus de viande qu’avant… Parce que « avoir du bon sens, c’est pas interdit non plus ».
Puis ma tristesse est passée, et j’ai reparlé avec Marina. Au bout de quelques mois, je l’ai complètement oubliée et je suis passée à autre chose. Elle reste une amie à qui je parle parfois et je ne déteste plus autant son copain qu’avant. Bien que cette histoire m’ait fait beaucoup de mal, je pense qu’elle m’a également fait du bien. Outre le fait que mes notes soient remontées en flèche, maintenant je me sens plus forte parce que je me connais mieux. Je sais que je peux être réellement attirée par une fille, de manière même plus forte que par un garçon, j’ai également trouvé des amis en or qui m’ont aidée à me relever et je sais que les chagrins d’amour ne sont qu’une étape, il ne faut pas désespérer. Maintenant, même si je me pose encore des questions sur l’homosexualité (et particulièrement la mienne), je me sens mieux dans ma peau.
* les prénoms ont été modifiés
** Théodora vit en Belgique, cela correspond donc à « 18/20 dans toutes les matières«
Témoignage reçu en janvier 2016, publié en octobre 2016
Le commentaire de C'est comme ça
Théodora* raconte dans son témoignage que lorsqu'elle s'est sentie très triste à cause de son amour pour Marina, elle a pensé : "l'homosexualité est une malédiction parce que toute ta vie, tu courras après une personne qui n'en aura jamais rien à faire de toi. J'espère sincèrement que mes enfants ne seront pas homosexuels parce que ça leur apportera plus de malheur que de bonheur". Il est vrai que les peines decœur peuvent raviver les sentiments négatifs qu'on peut ressentir à cause de l'homophobie ambiante lorsqu'on se découvre une orientation sexuelle différente de la majorité : la peur, l'injustice, la révolte ou le rejet, notamment. Mais nous tenons à le répéter : ce n'est pas l'homosexualité qui est un problème, mais le fait que certaines personnes jugent les autres. Si tes enfants sont homosexuels, Théodora, nous souhaitons pour eux une société tolérante où ils puissent juste être eux-mêmes sans se poser de question.
Ceci étant dit, c'est vrai qu'il peut être plus difficile de vivre une peine de cœur quand on est LGBT parce qu'on se sent plus isolé et qu'il est loin d'être évident de se confier à qui on veut. Sans compter que les bisexuel-le-s, lesbiennes et gays sont moins nombreux que les hétéros, et ont donc l'impression d'être statistiquement désavantagés dans leur recherche de l'amour. C'est pour cela que quand on se sent dans une impasse, il est très important d'aller vers les autres, pour se sentir appartenir à un groupe et rencontrer plein de gens. Et comme ça, pourquoi pas, provoquer le destin ! C'est faisable dans les grands villes (où se trouvent des Centres LGBT, plus à Paris le Mag), mais aussi en ligne grâce aux forums et sites de rencontre. Et là, l'amour devient possible, et le bonheur aussi, n'est-ce pas ?
Pour témoigner sur le site de C'est comme ça,
vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
Attention à bien lire la charte des témoignages avant de nous écrire.