Bonjour,
Je m’appelle Amae*, j’ai 15 ans et souhaite vous faire part de mon expérience homosexuelle, qui n’est ni négative ni vraiment positive. Peut être que cela me soulage d’en parler, même si je suis bien entourée. C’est sans doute une façon de mettre les choses à plat…
Tout a commencé lors d’un voyage scolaire en Italie, il y a un an. J’étais encore à ce moment-là au collège. Tous les latinistes étaient partis, ainsi qu’une copine à moi de seconde, Karine, ancienne latiniste. Le voyage avait duré 5 jours, comprenant le voyage en bus de nuit, etc. C’est lors des premières visites que je découvre Adèle, que je ne connaissais que très peu, sinon par le biais du club journal du collège/lycée. Une fille de seconde, toute petite, blonde… Auparavant, je n’avais éprouvé aucune attirance pour elle ni pour aucune autre fille. Au fil des jours du voyage, j’étais attirée par elle : quand il s’agissait d’être en groupe et que je me trouvais avec elle, j’étais heureuse, et vice-versa….mais je ne me rendais pas compte de tout ça ! Ce n’est que le dernier jour, lorsque nous étions à Naples, qu’elle m’est apparue comme je la voyais en fait dès le départ : belle, très belle (c’est en partie pour ça que j’étais attirée), drôle, sympa, un peu espiègle, bonne élève, artiste. Parfaite, en somme. Je la trouvais véritablement parfaite. Mais je ne m’en rendis compte qu’à cet instant, le dernier jour. C’est là qu’est venu le « déclic » : « Mais…ce ne serait pas de l’amour…?« . Je me suis étonnée moi-même : j’en suis venue à me poser cette question ! Pas un mot à Adèle bien-entendu. Je voulais réfléchir, j’étais totalement chamboulée. J’ai fait la tête un bon moment, disant à mes amies que j’étais fatiguée, mais en réalité je réfléchissais : n’avais-je pas aimé lorsque Adèle m’avais chatouillée le deuxième soir ? Lorsqu’elle avait amicalement posé sa tête sur mon épaule près de la grande fontaine ? Je repensais à tout ce qui s’était passé, et ça chamboulait tout : éprouver une attirance pour une fille pour la première fois ! Je n’avais aimé qu’un garçon dans ma vie, l’année d’avant. Quoiqu’il en soit, je me disais : « Mais dans quelle histoire je me suis embarquée ? » Je ne voulais pas l’aimer, je savais que ça n’annonçait rien de bon. Combien de chance y avait-il pour qu’Adèle soit homo ou bi, et qu’elle m’aime moi ? Je ne pensais plus à ça seulement lorsque j’étais avec elle. Dès que l’on est rentrés du voyage, descendus du bus, j’ai tout de suite compris que c’était de l’amour. Comment ça pouvait-il être autre chose ? Je pensais à elle en permanence, je rêvais d’elle… d’autant que ce n’était pas facile car j’avais une correspondante espagnole chez moi à ce moment-là, je n’avais pas du tout la tête à m’occuper d’elle…
La période qui a suivi le voyage, durant environ quatre mois, a été pour moi assez désastreuse : Adèle était une obsession, j’étais un peu choquée de ce qu’il m’arrivait même si je n’ai absolument rien contre les homosexuels. J’ai déprimé, je pleurais plusieurs fois par semaine. Je savais qu’Adèle avait de la sympathie pour moi, mais je ne savais pas jusqu’où. Je savais seulement que mon amour n’était pas réciproque, pas de doute. Je l’ai vite dit à mes amies, et à Karine surtout, plus proche d’Adèle, qui l’ont très bien pris. J’aimais Adèle comme une folle, et en même temps je n’arrivais pas à réaliser ce qui s’était passé. J’essayais de la voir le plus possible, mais elle était au lycée et moi au collège (même si l’établissement est le même, il est « partagé » en deux). Au bout d’un mois et demi, je n’en pouvais plus de pleurer tout le temps sans vraiment savoir pourquoi. Et j’ai commencé à envisager de dire à Adèle que je l’aimais. Karine m’en a d’abord dissuadé, disant que j’allais juste me prendre un râteau, et qu’elle ne savait pas comment Adèle allait réagir. Moi, je savais qu’au fond Adèle le prendrait bien. Je la connaissais à peine mais je la pensais assez ouverte pour entendre ça. Je me posais tout de même des questions, Karine m’avait mis le doute. J’ai programmé un jour, une heure, pour le lui dire. Ça devenait une nécessité, j’allais le faire. Et ça s’est merveilleusement bien passé ! Adèle a été ultra compréhensive, toujours souriante, et même plus que ça ! J’ai encore ses mots exacts en tête : « Ça me touche trop« , « c’est trop mignon« , « t’es hyper courageuse« , « t’inquiète on continuera comme avant, je t’adore toujours autant !« , et j’en passe ! C’était tout simplement magique. Je me disais que j’avais quand même le droit à du bonheur dans mon malheur. On a continué la conversation le soir par textos, puis elle s’est mise à me faire la bise au lycée… J’étais heureuse. Mais malheureusement j’en voulais toujours plus, je m’en veux. Donc ma déprime ne s’est pas arrêtée pour autant. Je continuais de pleurer toutes les semaines, je ne comprenais pas pourquoi. Pourtant Adèle était très sympa avec moi, je me disais qu’on allait peut être devenir vraiment amies ! En juin, quand Adèle a fini les cours, ça a été un déchirement, je n’allais pas le revoir de presque trois mois. Adèle m’avait dit qu’elle ne me prenait pas comme une connaissance, ni comme une amie… entre les deux.
Ma mère a appris incidemment que je l’aimais lorsqu’elle m’a vue pleurer : j’ai bien été obligée de lui expliquer, elle voyait que quelque chose clochait dans mon comportement, elle s’inquiétait pour moi. Elle l’a aussi très bien pris, ne paraissait pas surprise. J’espérais ne plus aimer Adèle après les vacances d’été, mais ça n’a pas été le cas. Ça a encore été difficile jusqu’en octobre, et depuis il y a des hauts et des bas, des moments inattendus… Notre relation s’est détériorée, surtout par ma faute, je la bombardais de textos parfois, mais elle avait aussi changé. Notre relation s’est ensuite améliorée, elle me l’a dit elle-même : nous nous entendons mieux et elle m’a même dit qu’elle me considérait comme une amie, pas plus tard qu’hier…! J’avais chassé cette possiblité depuis longtemps de mon esprit et je suis très heureuse que les choses se passent comme ça…j’en ai même pleuré de joie ! Je l’aime toujours même si c’est un peu moins qu’avant ; je pleure toujours en revoyant les photos du voyage en Italie… un cap que je n’ai pas réussi à passer : la nostalgie ! J’essaie de vivre cet amour le plus simplement possible, malgré la jalousie que j’éprouve envers elle et les gens avec qui elle est. J’ai eu la chance d’en parler avec une adulte homosexuelle, qui m’a dit que la meilleure arme est la patience. Parfois je n’en reviens toujours pas, d’aimer une fille aussi longtemps… et pourtant, après plus d’un an, aimer Adèle est devenue presque comme une « habitude », exactement comme aimer un garçon. J’ai peur de faire des gaffes souvent ! Je ne veux cependant pas me ranger dans une « case » : je ne me considère ni homo, ni bi, ma vie n’est pas tracée à l’avance ! Depuis, je suis attirée par les filles, mais qui sait… j’espère juste trouver un amour réciproque ! Merci d’avoir tout lu.
* le prénom a été modifié
Témoignage reçu en avril 2015
Pour témoigner sur le site de C'est comme ça,
vous pouvez écrire à l'adresse cestcommeca@sos-homophobie.org
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