Personnalités

Dustin Lance Black


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Dustin Lance Black - photo 1

Dustin Lance Black naît en 1974 au Texas. Il est élevé dans une famille mormone avec un père militaire, autant dire dans un milieu très conservateur. Lorsque, très jeune, il se sent attiré par un garçon de son voisinage, il est gagné par l’inquiétude. Craignant de décevoir son entourage, il pense être malade et diabolise ce qu’il ressent. Á la fin des années 1980 sa famille et lui déménagent en Californie où il commence à s’intéresser au théâtre et au cinéma. C’est là qu’il découvre l’histoire d’Harvey Milk à travers un documentaire retraçant la carrière de celui qui a été le premier homme politique américain ouvertement gay. Cette découverte, et plus particulièrement la retranscription du discours de Milk, est une véritable révélation pour lui, elle lui redonne de l’espoir et lui permet enfin d’accepter son homosexualité, de sortir du sentiment de culpabilité qui l’habitait jusqu’alors.

Quelque part à Des Moines ou à San Antonio, il y a un-e jeune qui découvre soudain qu’il ou elle est gay et qui sait que si ses parents l’apprennent, il ou elle sera jeté-e dehors et sera la risée de ses camarades de classe (…). Cet enfant a plusieurs options: rester dans le placard ou se suicider. Puis un jour, il ou elle pourrait ouvrir le journal et lire le titre “Un homosexuel élu à San Francisco”. Alors, il y a deux nouvelles options: aller en Californie ou rester à San Antonio et se battre. Deux jours après mon élection, j’ai reçu un coup de téléphone et la voix au bout du fil était assez jeune. Cette personne appelait d’Altoona en Pennsylvanie. Et elle m’a dit “Merci”. Vous devez élire des personnes gay pour que des dizaines de milliers de personnes comme cet enfant sachent qu’il y a de l’espoir pour un meilleur avenir. Sans espoir, non seulement les gays mais les Noirs, les Asiatiques, les handicapés, les personnes âgées, toutes nos minorités: sans espoir, nos minorités abandonnent. Je sais que l’espoir ne suffit pas pour vivre mais, sans espoir, la vie ne vaut pas d’être vécue.

Discours d’Harvey Milk en 1978
Dustin Lance Black - photo 2
Dustin reçoit son Oscar en 2009

 Durant ses études supérieures, éloigné de sa famille, il se fait de nombreux amis dont beaucoup sont ouvertement gay. Conforté dans l’acceptation de son homosexualité, il vit ses premières histoires d’amour. Mais le fait de ne pas pouvoir être totalement lui-même lorsqu’il rentre dans sa famille le ronge. Il ne parvient pas à faire son coming out. La peur que les membres de sa famille, sa mère en particulier, ne puissent jamais l’aimer tel qu’il est vraiment est tenace. Lorsqu’un soir, sa mère se met à lui parler de la loi américaine “don’t ask don’t tell” (“ne demandez pas, n’en parlez pas”) en tenant des propos très négatifs sur le fait que des homosexuels puissent s’engager dans l’armée américaine et défendre son pays, il craque et ne peut contenir ses larmes. Et même s’ils n’en parlent pas ouvertement à ce moment précis, il sait que sa mère a compris. Adoptant la stratégie de l’autruche, il retourne à ses études sans jamais évoquer le sujet clairement. C’est donc le ventre noué qu’il accueille sa mère quelques mois plus tard pour une soirée prévue de longue date lors de laquelle elle doit rencontrer ses amis. Ignorants le malaise entre Dustin et sa mère et ses opinions homophobes, ils se mettent à lui raconter leurs vies sentimentales, leurs coming out et les difficultés qu’ils rencontrent sous le regard de Dustin qui n’ose rien dire. Lorsque la soirée s’achève, la maman de Dustin lui confie qu’elle a beaucoup aimé ses amis et qu’elle a longuement discuté avec un jeune homme en particulier à qui elle a demandé de “ne pas prendre [son] fils pour acquis” l’exhortant même à inviter son fils au restaurant pour leur prochaine sortie. Soulagé, c’est une vraie libération pour Dustin. Cet épisode de sa vie lui montre comment il peut être simple de déconstruire tous les mythes et les peurs qui se nouent autour de l’homosexualité, en rencontrant des personnes LGBT et en écoutant leurs histoires et leurs témoignages.

Dustin obtient son diplôme à l’Université de Californie à Los Angeles en 1996 et entame sa carrière en tant que directeur artistique avant de passer à la réalisation de documentaires et de publicités. Ses premiers documentaires On the bus (2001) et My life with count Dracula (2003) sont de vrais succès aux États Unis. Ayant à cœur de raconter des histoires qui le touchent personnellement et dans lesquelles il peut mettre un peu de lui-même, il se lance dans l’écriture de scénario. C’est ainsi qu’en 2004 il illustre ses souvenirs d’enfance pour la série télévisée Big Love qui met en scène une famille mormone polygame de l’Utah. On fait appel à lui pour raconter la vie de Pedro Zamora, un jeune Américain d’origine cubaine, ouvertement homosexuel et séropositif, qui s’est fait connaître en participant à l’émission de télé-réalité de MTV, The Real world. Le téléfilm Pedro est diffusé sur MTV en 2009, un an après la sortie d’une des œuvres les plus marquantes à ce jour de Dustin Lance Black : le film Harvey Milk. Depuis la découverte du documentaire sur le politicien américain, Dustin savait qu’il fallait en faire quelque chose. Il s’est documenté pendant de longues années sur sa vie, rencontrant de nombreuses personnes de son entourage. Cette passion et ce travail acharné sont récompensés par un Oscar du meilleur scénario original qu’il reçoit en 2009. Fervent militant de la cause LGBT, on retrouve dans toutes ses œuvres la volonté de mettre en lumière des personnages LGBT, de raconter leurs histoires. C’est vrai pour les films déjà cités et pour de nombreux autres comme J. Edgardsorti en 2011 (un biopic sur John Edgard Hover, fondateur du FBI qui était secrètement homosexuel) ou la pièce de théâtre 8 mettant en scène le procès qui a permis de mettre fin à la Proposition 8 qui interdisait le mariage aux couples de même sexe en Californie.

Dustin Lance Black - photo 3
Dustin Lance Black et Tom Daley par Harry Borden pour le magazine Out

Mais cet engagement ne se retrouve pas que dans son travail, et il s’est engagé auprès d’associations dont l’American Foundation for Equal Rights (Fondation Américaine pour l’Égalité des Droits) ou the Trevor Lifeline, destinée à la prévention du mal-être et du suicide chez les jeunes LGBTQ+, au comité duquel il a siégé pendant trois ans. Il s’est aussi beaucoup investi sur le terrain, délivrant des discours dans tous les États- Unis pour promouvoir l’égalité des droits. Plus récemment, il a co-fondé Uprising of Love Coalition, une association qui sensibilise la communauté internationale aux violences et discriminations faite aux personnes LGBTI dans le monde.

Après avoir enseigné l’écriture de scénarios à l’université de Los Angeles et publié trois livres, il a travaillé sur le scénario de When we rise. Cette série télévisée suit les luttes d’hommes et de femmes militant pour les droits LGBT, et plus largement sur l’histoire du mouvement pour les droits des homosexuel.le.s aux États Unis, avec pour point de départ les émeutes de Stonewall en 1969.

Sur une note plus personnelle, il s’est marié avec le sportif Tom Daley en 2017. Depuis juin 2018, ils sont les heureux parents d’une petite Robbie Ray.