Elisa Bligny est la maman d’Amé. Dans Mon ado change de genre, elle témoigne de la façon dont elle a vécu le changement de genre de son enfant, entre 2016 où surgissent ses premières interrogations, et 2019, année du début de l’hormonothérapie et de la demande de changement d’état civil.
Cette mère nous raconte cela avec une grande simplicité, comme si nous étions autour de la table de la cuisine en train de prendre une tasse de thé et qu’elle tâchait de contenir son émotion pour tracer le récit le plus chronologique possible de ces années décisives.
Très “friendly” à la base, elle avait déjà une grande ouverture sur la diversité, ce qui n’empêche pas d’avoir dû prendre du temps et de la réflexion pour intégrer l’identité qu’Amé était en train de se forger. Elisa s’est beaucoup documentée pour mieux comprendre ce qu’était le genre et son ressenti.
« Un enfant, un ado, un adulte qui fait son coming out s’expose, nu, démuni, à la merci de ceux à qui il s’en remet. C’est un acte très courageux. […] Mais s’il faut du courage pour se livrer, il en faut tout autant pour accueillir cette révélation.«
Avec humilité, elle souhaite que son expérience bénéficie à tous les parents qui seraient désarçonnés face à leurs fils ou leurs filles qui leur demanderaient un jour d’être considéré·e·s autrement. Comment réagir devant une souffrance qui peine à être mise en mots ? Face à un ou une jeune qui change d’une façon totalement inattendue ? Devant autant d’inconnues par rapport à l’avenir ? Son maître mot est “amour”.
« En livrant ce que notre famille vit, avec toutes ses souffrances et ses peurs, mais aussi avec tout cet amour, c’est un véritable plaidoyer pour le droit à la différence que je veux porter. »
Pour Elisa, il était inconcevable de renoncer à son enfant. Elle savait qu’elle ne souhaitait ni briser sa confiance, ni risquer un éloignement, et encore moins se poser dans le rejet. Malgré un parcours qui lui a demandé patience, adaptation, apprentissage, Elisa n’a jamais perdu de vue que l’essentiel était de jouer son rôle de mère : protéger son petit, celui qu’elle appelle très affectueusement son “nomade du genre”. C’est ce qu’elle dépeint dans son livre : le cheminement prend du temps, apporte son lot d’étapes plus ou moins faciles à franchir, demande beaucoup de bienveillance et de volonté, et cause parfois des sentiments difficiles comme la culpabilité ou l’impuissance. Elisa partage ses propres blocages, comme celui du passage par la chirurgie, et évoque tout ce que cette expérience peut bousculer dans le couple, quand les deux parents ne cheminent pas forcément de la même façon ou au même rythme.
« Nous aussi, parents d’enfants transgenres, nous avons notre propre parcours dans cette grande aventure. Nous aussi, nous vivons une sorte de « réassignation », même s’il ne s’agit pas de réassignation ou réattribution sexuelle, mais plutôt d’une réattribution de parentalité. »
L’auteure parle enfin de la libération qu’a été le fait de frapper à différentes portes : celle des associations, où trouver des personnes aux expériences similaires, et celle des professionnel·le·s de santé. Non pas qu’elle ait considéré son fils “malade” à aucun moment, mais parce qu’Amé avait besoin de soutien, de reconnaissance, et de certains actes médicaux pour être durablement soulagé et devenir enfin lui-même.
Après avoir cru passer par une étape de deuil, Elisa a un jour réalisé qu’elle n’avait rien “perdu”. Au contraire, Amé va de mieux en mieux, et cette expérience les a rapproché·e·s !
« Cher lecteur, devenu au fil des pages un peu confident, je souhaite que l’objectif — cet acte militant — que je me suis fixé soit atteint. Vous avoir entraîné dans cette aventure, qui est avant tout une histoire d’amour, et qu’à l’arrivée, vous vous disiez : « Je ne peux pas ne pas soutenir mon enfant, il en va de sa vie, il en va de nous.»