Avoir des enfants étaient un désir depuis l’enfance et qui s’est poursuivi pour ma compagne Alex, alors que pour moi, ça a été plus compliqué car quand j’ai accepté mon homosexualité, je pensais que cela serait impossible, à tort, bien évidemment. Aujourd’hui, notre famille est bien la preuve que tout est possible. Nous avons des jumelles, nous les avons désirées, le parcours a été long et cela en a valu largement la peine tant elles nous comblent de bonheur.
En tant que couple lesbien, il nous fallait nous poser plusieurs questions. D’abord, comment notre famille serait acceptée par la société, quels regards se poseraient sur nous, notre famille et sur nos enfants, quelles seraient les attitudes envers nous, envers elles, dans notre famille, notre voisinage, dans les établissements scolaires, les hôpitaux, partout. Nous savions que nous serions une famille moins commune, disons différente aux yeux de certain-e-s alors que nous nous sentons comme tout le monde, un couple comme les autres avec un désir d’enfant comme d’autres peuvent en avoir.
On se sent parfaitement banales, complètement normales mais pour certain-e-s, nous ne le sommes pas. On en a bien pris la mesure pendant les débats pour le mariage pour tous et l’ouverture pour la PMA pour toutes. Nous ne voulions pas que nos enfants souffrent de préjugés ou de rejet, qu’ils subissent des moqueries ou des insultes, dans la rue, à l’école ou ailleurs pour la seule raison que nous sommes une famille homoparentale. Des discussions avec d’autres familles homosexuelles, parents et enfants, nous ont beaucoup aidées dans notre réflexion et nous ont montré que bien qu’il y aurait des difficultés, nous pouvions les surmonter.
Ensuite, se posait la question du comment, ce qui est une chance en soi et il y a plusieurs manières pour concevoir des enfants. Nous avons pesé longuement les pours et les contres de chaque méthode. Cela nous a poussées à réfléchir à notre conception même de notre famille. Par exemple, voulions-nous un don d’un proche ami ou d’un couple homosexuel et qui aurait une place dans leurs vies, une place qui serait plus ou moins importante et dans laquelle il participerait à leur éducation et si oui partagerait-il notre vision, nos valeurs, etc. ? Devrions-nous avoir recours à un donneur anonyme et accepter que nos filles ne connaissent jamais le donneur avec tout ce que cela pourrait engendrer comme questionnements plus tard ? Il en est ressorti que nous voulions avoir recours à un donneur anonyme.
Nous avons décidé laquelle d’entre nous porterait le ou les enfants, effectué de longues recherches sur les méthodes de conception, des protocoles médicaux dans le cadre d’une PMA et car elle est interdite en France, nous avons cherché des cliniques à l’étranger, les avons comparées, les avons rencontrées. Nous avons lu des blogs, avons glané des infos sur les sites d’associations. Il nous fallait à la fois chercher une clinique à l’étranger et un excellent gynécologue en France qui ne nous jugerait pas et qui soutiendrait notre démarche, c’est à dire qu’il jouerait le jeu pour que des examens et autres soient pris en charge par la sécu et de traduire nos prescriptions étrangères pour la pharmacie, notamment.
Certes, notre parcours a été beaucoup plus long que pour de nombreuses familles hétéroparentales mais portées par ce désir d’enfant, nous avons pu franchir de nombreux obstacles. Nos familles étaient à nos côtés et nous ont beaucoup soutenues et encouragées, nos amis aussi et mêmes des collègues car nous avons fait le choix d’être transparentes lorsque nous posions des congés pour nos rendez-vous médicaux. Nous avions également les moyens financiers pour réaliser notre projet, pour engager ensuite une procédure d’adoption, ce qui peut ne pas être le cas pour tout le monde. L’interdiction de la PMA pour toutes provoque de nombreuses inégalités et est une discrimination inacceptable. Nous avons eu la chance de trouver un gynéco qui nous a bien soutenues et épaulées ainsi qu’une clinique en Espagne avec un personnel qui nous a accompagnées de manière exceptionnelle. Cela a demandé beaucoup de réflexion, d’effort, de patience et du courage aussi mais chacun-e est capable de tout lorsqu’il y a de la volonté.
Nous avions des craintes légitimes en ce qui concernait l’acceptation, la tolérance des personnes de notre entourage ou collègues. Chacun-e a ses opinions sur les questions d’homosexualité, de famille homoparentale, de PMA. Certain-e-s pensent que cela va à l’encontre de l’équilibre de la société, à l’encontre de l’ordre naturel, que nous dévions de des valeurs de la famille. Que nous imposons à nos enfants un modèle qui n’est pas naturel, déséquilibré et qui les fera souffrir, que deux mamans ne sont pas aptes à élever des enfants dans les meilleures conditions.
Nous rejetons cela en bloc. Pour toutes les raisons du monde qu’il serait trop long à développer. Mais nous savons une chose, c’est que les opinions changent et que cela passe par la communication, l’échange, l’exemple et l’éducation. On ne naît pas homophobe, on apprend à le devenir. C’est donc possible de déconstruire ce qui a été inculqué.
Les mentalités ne sont pas figées, même celles qui paraissent les plus rigides. Nous militons au quotidien en montrant qui nous sommes, en ne nous cachant pas, en assumant pleinement et joyeusement ce qui fait notre différence aux yeux des autres. Nous dialoguons, expliquons, déconstruisons les idées reçues et parfois, il n’y a même pas besoin de faire un effort, juste d’être. Cela a été le cas avec un collègue, fervent militant de l’extrême droite engagé dans la Manif pour tous. Le simple fait de travailler ensemble et d’apprendre à se connaître a permis de faire tomber de nombreuses barrières et d’ouvrir un regard neuf sur notre famille homoparentale, ce qui l’a poussé à se questionner sur les valeurs que sa famille lui a transmise. C’est rare, même très rare mais cet exemple démontre bien qu’il est possible d’évoluer. Nous essayons, à notre échelle, d’aider à ce que les mentalités et les regards autour de nous évoluent, de sorte que nos filles grandissent dans un monde qui soit davantage dans l’acceptation.
Comme tout parent, nous préparons nos enfants pour l’avenir. Nous leur expliquerons en toute transparence avec le temps et au fur et à mesure qu’elles seront prêtes, comment elles ont été désirées et conçues, pourquoi elles seront considérées par certain-e-s comme différentes et nous ne cesserons de leur donner les moyens de faire face aux réactions négatives qu’elles recevront et de les en protéger. Choisir de devenir parent, qu’on soit lesbienne, gay, bi, trans ou pas, est une belle responsabilité qu’on a en commun, une aventure incroyable qu’on a en partage.