Quand être LGBT est encore lourd à porter, quand entendre des propos ou subir des actes LGBTphobes fait mal (notamment à l’estime de soi), quand on a parfois en plus les soucis que tout le monde peut rencontrer (conflits familiaux, pression scolaire, incertitude sur son avenir notamment professionnel, complexes physiques, problèmes de santé, etc.), quand on a des déceptions amoureuses ou qu’on se sent seul.e, un ennemi sournois peut surgir : le mal-être.
Il peut être plus ou moins fort, plus ou moins constant : voyons ce qu’il est possible de faire pour tenir le coup.
Tu ne te sens pas bien ?
Il y a différentes sortes et différents degrés de mal-être.
Nous ressentons tou·te·s, régulièrement, de la tristesse. Cette émotion, pas toujours plaisante, est normale et passagère.
Parfois, notre mal-être est plus fort, plus prononcé. On se sent déprimé lorsqu’on est profondément triste, déçu·e, abattu·e. Dans ce cas, il peut être difficile de se concentrer en cours ou de faire bonne figure en famille ou entre ami·e·s.
Plus intense et durable que la déprime, la dépression envahit tous les pans de la vie : on n’a plus d’énergie, on n’a plus faim, on n’a plus de projets, on n’a plus de plaisir… Les professionnel·le·s de la santé mentale considèrent que les sentiments dépressifs sont problématiques dès lors qu’une forte douleur morale et/ou une perte d’intérêt, de motivation, de plaisir se produisent presque tous les jours, depuis au moins deux semaines, et s’accompagnent d’un changement d’appétit, de sommeil, d’énergie… En plus des douleurs qui peuvent apparaître (maux de ventre ou de tête, par exemple), on peut développer des idées très négatives sur soi, les autres et l’avenir, ainsi que des sentiments de culpabilité et éventuellement des idées suicidaires. Ce sujet sera spécifiquement abordé plus bas, dans le troisième chapitre consacré aux idées noires.
Parmi les autres signes de mal-être possibles, on peut connaître l’anxiété (inquiétudes et ruminations qui durent), voire des crises d’angoisse (peur très intense de mourir ou de perdre la raison accompagnée d’un malaise physique), des phobies (notamment la phobie scolaire) ou développer des troubles obsessionnels compulsifs, des TOCS (comme des idées obsédantes ou des gestes compulsifs répétés un si grand nombre de fois qu’ils en deviennent handicapants). On peut aussi avoir des sautes d’humeur (être très irritable, triste et stressé alternativement par exemple) et trouver une sorte de réconfort à court terme dans la nourriture, l’alcool, la drogue ou les scarifications, antidotes dont on n’arrive plus à se passer. On peut se mettre en danger à travers des conduites à risque (faire des choses dangereuses comme les jeux dangereux ou des relations sexuelles non protégées).
Si tu ressens un ou plusieurs de ces symptômes depuis plusieurs semaines, ou si c’est tellement fort que tu n’arrives plus à le supporter, cela mérite d’en parler.
Ça va pas… Qu’est-ce que je peux faire ?
En parler
La règle numéro UN serait de ne pas rester tout·e seul·e avec ça. Parler à quelqu’un est souvent un grand soulagement.
Parler avec ses proches, ses ami·e·s, sa famille, semble le premier réflexe. Mais ce n’est pas forcément évident lorsque, pour vider son sac, il faut aussi faire son coming out. En effet, il vaut mieux le faire quand on va bien, quand on se sent prêt·e et à peu près solide.
Alors si on n’est pas out, s’il faut trouver d’autres interlocuteurs ou interlocutrices, vers qui se tourner ?
Les personnes autour de toi
Un·e prof que tu aimes bien, l’infirmier·e scolaire, ton médecin traitant, un·e ami·e de la famille, ou toute autre personne qui t’inspire confiance, et qui peut avoir une oreille attentive.
Les recours de proximité
S’il n’y a personne à qui tu penses, tu peux aussi te rendre dans des lieux où l’écoute sera de qualité : les PAEJ (Point d’Accueil Ecoute Jeunes, il y en a dans presque tous les départements), les Centres de Planning Familial.
Les professionnel·le·s
Les psys (psychologues ou médecins psychiatres) sont là pour ça. Ils et elles ont fait des études qui leur permettent de reconnaître et soigner des difficultés psychologiques. Tu peux demander à tes parents d’aller voir l’un·e de ces professionnel·le·s sans forcément leur expliquer précisément pourquoi, ce sera respecté par le ou la psy qui est soumis·e au secret professionnel. Tu peux en consulter en cabinet libéral, en centre médico-psychologique ou en MDA : chaque département a une Maison des Adolescent·e·s, associée à un hôpital. Une équipe peut t’y accueillir et chacun·e t’aider à son niveau : psychologue pour l’écoute et les thérapies (par exemple, pour diminuer le stress ou dépasser un traumatisme), assistant·e social·e pour les solutions pratiques et financières, éducatrices et éducateurs pour t’accompagner dans certaines démarches (t’aider auprès de ta famille par exemple), médecin pour les soins (par exemple, prescription de médicaments qui calment les angoisses).
Les lignes téléphoniques
Si tu es plus à l’aise au téléphone, tu peux contacter le Fil Santé Jeunes ou encore la ligne Azur (spécialisée autour des questions LGBT). Il existe aussi des lignes plus généralistes comme SOS Amitié.
Sur Internet
Tu peux aussi en parler avec d’autres jeunes qui peuvent ressentir ou avoir ressenti la même chose. Certains forums ou réseaux sociaux sont des lieux de solidarité sur lesquels il y a presque toujours quelques personnes pour te répondre. Leurs réponses ne seront pas aussi objectives et expérimentées que celle d’un·e professionnel·le, mais c’est déjà énorme de savoir que l’on n’est pas seul·e à passer par là…
Tu peux aussi nous écrire, mais attention : nous ne sommes pas du tout un service d’urgences. Nos bénévoles mettront en général plusieurs jours pour te répondre. En cas d’urgence, ce n’est pas adapté.
Prendre soin de soi
En parallèle de la recherche de soutien, tu peux chercher des moyens de mieux supporter les moments les plus tristes. Voici quelques idées :
- Se changer les idées fonctionne quand le mal-être est passager. Et pour ça, nous avons tou·te·s des moyens différents de faire selon nos goûts et notre sensibilité comme regarder des séries marrantes pour rire un bon coup ou écouter de la musique joyeuse pour se rebooster!
- A l’inverse, on peut par exemple écouter de la musique triste pour laisser la place aux émotions, les comprendre, les apprivoiser, afin qu’elles ne reviennent pas nous hanter.
- On peut aller plus loin en tentant de faire quelque chose de ce que l’on vit. C’est ce que l’on appelle sublimer la douleur et qui permet de laisser parler son âme d’artiste (écrire des poèmes, faire des dessins, composer une chanson, etc.). Par ce biais nos émotions servent à autre chose qu’à nous faire pleurer !
- Le sport est connu pour être un antidépresseur naturel. Il permet aux hormones du bien-être de faire effet (quelques minutes de marche rapide suffisent à faire monter les endorphines, hormones du bien-être, et à faire baisser le cortisol, hormone du stress) et de bien dormir ensuite.
- Pour diminuer les moments de cafard et augmenter les moments de joie, tu peux aussi essayer certains exercices de psychologie positive, comme le fait d’écrire entre trois et cinq moments agréables chaque jour afin d’entraîner ton cerveau à voir de nouveau le positif, et à lancer une bonne dynamique.
Comme tu le vois, il y a plein de possibilités pour t’aider à voir le verre à moitié plein ! A toi de trouver celles qui te conviennent le mieux.
Et si je vais si mal que j’ai des idées noires ?
Beaucoup de gens ont des idées suicidaires à un moment de leur vie. Si tu te sens seul·e dans ce cas, sache que c’est peut-être plus commun que tu ne le crois : 20 % des Français·es y ont pensé au moins une fois dans leur vie. Ce n’est donc pas rare du tout. Ce n’est pas honteux, tu peux en parler et être compris·e !
Beaucoup ne passeront jamais à l’acte, mais certain·e·s sont tellement à bout qu’aucune autre perspective ne leur semble possible. Malheureusement c’est fréquent chez les ados, et comme tu le sais peut-être déjà, plus encore chez les ados LGBT.
L’idée d’en finir avec la vie s’introduit parfois dans nos esprits quand la douleur émotionnelle est trop forte, et qu’on ne réussit pas à envisager une autre solution. En réalité, c’est un faux choix : ce n’est pas de la vie dont on veut alors se défaire, c’est de la douleur et du désespoir, c’est échapper à une situation qui n’est plus supportable. Il y a d’autres solutions pour y parvenir que se donner la mort. Tu veux bien y réfléchir ?
Voici ce que tu peux faire, en plus de tout ce dont on a déjà parlé plus haut :
– en parler autour de toi. Si la personne à laquelle tu t’adresses est dans le déni, ne veut pas en parler (certain·e·s ont peur que cela t’incite à passer à l’acte – ce qui est faux), ou minimise, change d’interlocutrice ou d’interlocuteur.
– appeler les lignes d’écoute spécialisée sur le sujet : tu trouveras des personnes formées à la question des idées suicidaires, qui accueilleront ta parole sans jugement, sans tabou.
- Suicide Ecoute : écoute des personnes confrontées au suicide. Permanence d’écoute téléphonique 24h/24, 7j/7. Tél. : 01 45 39 40 00. Site Internet : www.suicide-ecoute.fr.
- SOS Suicide Phénix : accueil et écoute de toute personne confrontée à la problématique du suicide. Permanence d’écoute téléphonique 7j/7. Permanence d’écoute par messagerie accessible depuis le site internet de l’association. Ligne nationale : 0 825 12 03 64 (de 16 h à 23 h). Ligne Ile-de-France : 01 40 44 46 45 (de 12h à minuit). Site Internet : www.sos-suicide-phenix.org.
– aller aux urgences : les urgences sont aussi là pour accueillir les personnes en détresse psychologique.
– lire le texte ci-dessous. Il a été écrit par David L. Conroy, un homme qui a traversé la dépression et les idées suicidaires et a témoigné à ce sujet. Le texte a été traduit et adapté par Stéphane Barbery.
Si vous pensez au suicide, lisez d’abord ceci
Si vous vous sentez suicidaire, arrêtez-vous pour lire ce qui suit. Cela ne vous prendra que cinq minutes. Je ne veux pas vous dissuader de la réalité de votre souffrance. Je ne vous parlerai ici que comme quelqu’un qui sait ce que souffrir veut dire.
Je ne sais pas qui vous êtes, ni pourquoi vous lisez cette page. Je sais seulement qu’en ce moment, vous la lisez, et c’est déjà une bonne chose. Je peux supposer que vous êtes ici parce que vous souffrez et que vous pensez à mettre fin à votre vie. Si cela était possible, je préférerais être avec vous en ce moment, m’asseoir avec vous et parler, face à face et cœur ouvert. Mais puisque ce n’est pas possible, faisons-le par la biais de cette page.
J’ai connu un certain nombre de personnes qui voulaient se tuer. J’ai moi-même été dans ce cas. J’ai donc idée de ce que vous pouvez sentir. Je sais que vous n’êtes pas capable de lire un gros livre, alors je vais faire court. Pendant que nous sommes ici ensemble pour les cinq prochaines minutes, j’ai cinq choses simples, pratiques, à vous dire et que j’aimerais partager avec vous. Je ne discuterai pas de savoir si vous devriez vous tuer ou pas. Je pense juste que si vous y pensez, vous devez vraiment souffrir.
Bien, vous lisez encore ce texte, et c’est très bon. J’aimerais vous demander de rester avec moi jusqu’à la fin de cette page. J’espère que cela veut dire que vous êtes au moins un peu incertain, au fond, quelque part à l’intérieur de vous, de savoir si oui ou non vous allez vraiment mettre fin à votre vie. On ressent souvent cela, même dans l’obscurité la plus profonde de désespoir. Être dans le doute concernant sa mort, c’est normal. Le fait que vous êtes encore vivant à cette minute signifie que vous êtes encore un peu incertain. Cela veut dire que pendant que vous voulez mourir, au même moment, une partie de vous-même veut continuer à vivre. Tenons-nous à cela, et continuons quelques minutes de plus.
Commencez par penser à cette phrase :
« Le suicide n’est pas un choix, on y est conduit quand la douleur dépasse les ressources qui permettent d’y faire face. »
Dans le suicide, il ne s’agit que de cela. Vous n’êtes pas une personne haïssable, ou folle, ou faible, ou incapable, parce que vous vous sentez suicidaire. Avoir des idées noires ne veut même pas dire que vous voulez vraiment mourir – cela veut juste dire que vous avez plus de douleur que de ressources pour la prendre en charge maintenant. Si j’empile des poids sur vos épaules, vous vous écroulerez au bout d’un moment si j’ajoute suffisamment de poids… quelle que soit votre volonté de rester debout. (C’est pourquoi il est si inutile que les gens vous disent : « debout, garde le moral! » – vous le feriez, évidemment, si vous le pouviez.)
N’acceptez pas que quelqu’un vous dise, « il n’y a pas de quoi être suicidaire pour cela. » Il y a différentes sortes de souffrances qui peuvent mener au suicide. Qu’une douleur soit supportable ou non diffère d’une personne à une autre. Ce qui peut être supportable pour quelqu’un peut ne pas l’être pour vous. La limite où la douleur devient insupportable dépend du genre de ressources dont vous disposez. Les individus sont très différents dans leur capacité à supporter la douleur.
Quand la douleur dépasse les ressources qui permettent d’y faire face, le résultat, ce sont des pensées suicidaires, des « idées noires ». Le suicide n’est alors ni faux ni vrai; ce n’est pas un défaut de caractère ; il n’y a pas à le juger moralement. C’est simplement un déséquilibre de la douleur par rapport aux ressources qui permettent de les affronter.
Vous pouvez survivre à des sentiments suicidaires si vous faites l’une et/ou l’autre de ces deux choses:
- Trouver un moyen pour réduire la douleur,
- Trouver un moyen pour augmenter vos ressources pour y faire face
Voici les cinq choses à prendre en considération dont je vous parlais tout à l’heure.
La première chose que vous avez besoin d’entendre, c’est de savoir qu’on s’en sort. Des personnes qui souffraient autant que vous en ce moment, s’en sont sorties. Vous avez donc de très fortes chances de vous en sortir. J’espère que cette information peut vous donner un peu d’espoir.
La deuxième chose que je veux vous suggérer est de vous donner du recul. Dites-vous, « j’attendrai 24 heures avant de faire quoi que ce soit. » Ou une semaine. Souvenez-vous que sensations et actions sont deux choses différentes – que vous ayez le sentiment de vouloir vous tuer, ne signifie pas que vous devez le faire maintenant. Mettez du recul entre vos sensations suicidaires et un passage à l’acte. Même si ce n’est que 24 heures. Vous en avez été capables 5 minutes en lisant cette page. Vous pouvez le faire encore 5 minutes en continuant à la lire. Continuez et prenez conscience du fait qu’alors que vous vous sentez encore suicidaire, vous n’êtes pas, en ce moment, en train d’agir en ce sens. C’est très encourageant pour moi, et j’espère que cela l’est pour vous.
La troisième chose est ceci : on pense souvent au suicide pour trouver un soulagement à sa douleur. On ne veut pas mourir mais arrêter de souffrir. Souvenez-vous que le soulagement est une sensation. Et vous devez être vivant pour la ressentir. Vous ne sentirez pas le soulagement que vous cherchez si désespérément, si vous êtes mort.
La quatrième chose est ceci: certains réagiront mal à vos sentiments suicidaires, parce qu’ils sont effrayés ou en colère; ces personnes peuvent même augmenter votre douleur au lieu de vous aider, en dépit de leurs intentions, en disant ou faisant des choses irréfléchies. Vous devez comprendre que leurs réactions négatives ont à voir avec leurs propres peurs, pas avec vous. Mais il y a aussi des personnes qui peuvent être avec vous pendant ces moments si difficiles. Ils ne vous jugeront pas, ne chercheront pas à vous contredire. Ils feront simplement attention à vous. Trouvez-en une. Maintenant. Utilisez vos 24 heures, ou votre semaine, et dites à quelqu’un ce qui se passe pour vous. Il est normal de pouvoir un jour demander de l’aide. Appelez une ligne d’écoute spécialisée, appelez un psychothérapeute, quelqu’un qui est capable de vous écouter. Mais surtout ne portez pas le fardeau supplémentaire d’essayer de vous charger de cela seul. Juste parler de ce qui vous a conduit là peut vous enlever une grosse part de la pression qui vous pèse, et c’est peut-être juste la ressource supplémentaire dont vous avez besoin pour retrouver l’équilibre.
La dernière chose que je veux que vous sachiez maintenant est ceci : les sensations suicidaires sont, dans et par elles-mêmes, traumatisantes. Après leur disparition, vous avez besoin de continuer à prendre soin de vous. Commencer une thérapie est vraiment une bonne idée.
Bien. il s’est écoulé quelques minutes et vous êtes encore avec moi. J’en suis vraiment heureux.
Puisque vous avez été jusqu’ici, vous méritez un cadeau. Je pense que vous devriez vous récompenser en vous donnant une portion de ressources supplémentaires pour affronter la douleur. Souvenez-vous, plus haut vers le début de la page, j’ai dit que l’idée est de s’assurer d’avoir plus de ressources que de douleur. Alors donnez-vous en une supplémentaire, ou deux, ou dix…! jusqu’à ce qu’elles surpassent vos sources de douleur.
Maintenant, si cette page a pu vous apporter un quelconque soulagement, la meilleure et la plus grande ressource que vous pouvez trouver, c’est quelqu’un à qui parler. Si vous trouvez quelqu’un qui veut écouter, et si vous lui dites comment vous vous sentez et comment vous en êtes arrivé là, vous aurez vraiment augmenté vos ressources. Heureusement, la première personne que vous choisirez ne sera pas la dernière. Il y a beaucoup de gens qui aimeraient entendre ce qu’il en est pour vous. Il est temps de commencer à en chercher une autour de vous.
Et maintenant, j’aimerais que vous appeliez quelqu’un.